amis-amoureux-2

Ainsi,
Nous étions amoureux,
Vincent,
Nous qui nous vivions juste comme de merveilleux amis.

Amoureux…
Tu le savais, toi ?
Non, tu ne le savais pas.

Comment aurais-tu pu savoir,
Notre idéal de l’amitié était si fort.

Nous étions comme des chevaliers,
Des frères d’armes,
Des frères de sang.
D’ailleurs, nous l’avons fait ce pacte de sang,
Tu te souviens, comme dans les livres.
La force de l’idéal !

Amoureux…
Et moi, est-ce que je le savais ?
Non, je ne crois pas, même si c’était bien confus.

Cette force si spéciale avec toi,
Décuplée quand nous étions ensemble,
Cette connivence de tous les instants,
Cette capacité à refaire le monde
Et à entraîner les autres dans notre sillage
Ah, ça posait bien question,
Mais on n’avait pas le temps pour ça,
Il fallait vivre.

Et on était beaux, on était généreux.
Notre amitié était au service de tous.

Mais, oui, c’était un peu confus en moi, parfois.
Quand je goûtais ces moments ensemble
Et aurais parfois voulu qu’ils durent une éternité
Sans forcément les partager,
Ou pas tout de suite, pas encore, pas tout…
Juste prolonger les instants d’éternité avec toi.

Alors, nous étions amoureux,
Nous qui nous croyions simplement des amis ?

C’est fou, ça.

Non, nous, on ne savait pas.
Autour de nous, apparemment, ça jasait déjà,
Mais on était au-dessus de ça,
On refaisait le monde, que diable,
Alors les jaloux, les petits, les amputés de l’idéal,
On les aimait mais on ne les écoutait pas.

Jusqu’à ce moment
Où tes parents s’en sont mêlés.
Comment ont-ils dit, déjà ?
Ils avaient peur qu’en me fréquentant,
Tu n’aies plus envie d’être avec des filles.

Bon, d’abord, ça nous a fait rire.
Mais très vite la pression est arrivée,
Les empêchements de se voir et de se parler,
Et ce couperet : interdiction définitive.

On n’y croyait pas. Que c’était dur :
Comment la vie pouvait nous faire un truc pareil ?
Mais on était amis, tellement amis,
On s’est cru forts.
On s’est promis qu’on ne s’oublierait pas,
Qu’on passerait ce temps de silence
Pour mieux se retrouver plus tard.
Quoi, peut-être l’affaire de deux ans ou trois ans ?
Une broutille.

Et après,
on se raconterait tout ce qu’on avait fait
et on continuerait de refaire le monde.

Chacun de son côté.

Je ne sais pas ce que tu as fait.
Moi j’ai attendu, j’ai espéré, je me suis senti seul.
J’ai jamais eu un ami tel que toi depuis,
Parce que, ça, c’est pas possible.

Et puis, quelques années plus tard,
Quand enfin j’ai pu t’écrire à nouveau,
Ta réponse dure, méchante et définitive, en deux lignes.

Alors,
comme ça, c’est moi qui t’aurais corrompu?
Je t’aurais caché qu’on était amoureux
et toi, tu ne voulais pas de ça?

C’est drôle.

Amoureux…

Alors,
Comme ça on était amoureux
Et pas seulement amis ?

Ca m’en bouche un coin quand même,
Mais quelque part ça m’arrange.

Un ami, comme toi, jamais plus je n’en aurai.
Rien ne saurait te remplacer, non rien.

Juste un amoureux, peut-être.
Mais ça…

Z – 5 déc 2016

Source photo : Gijs Blom et Ko Zandvliet dans le film Boys (2015)

vivant

Tu me manques, Vincent, tu me manques.
Tellement.

Depuis que je t’ai perdu,
Je cherche l’amour partout
Et je ne le trouve pas.

D’abord j’ai nié, dénié et renié.
J’ai fui
Loin, loin, si loin…
De moi-même.

C’était tellement dur.
Tu étais ma vie,
Mon souffle,
Mon partage,
Mon bonheur.
Je vivais grâce à toi, avec toi, par toi.

Tu te souviens, nos rêves fous,
Les mêmes que nous faisions à distance ?
Tu te souviens nos intuitions, nos délires
Et cette complicité entre nous
Sans qu’il n’y ait besoin d’aucun mot.

Dans la même pièce sans nous regarder
Je sentais ton cœur battre à l’unisson du mien
Et je savais quels étaient tes émois, tes pensées, tes folies.

Le monde entier nous appartenait,
Nous allions le refaire, le parfaire, l’embellir.
Tout était facile, tout était possible.

Oh comme tu me manques.
Comme c’est dur d’avoir été séparés après s’être trouvés.
Comme c’est dur,
Avec ces années de recul,
De s’apercevoir que les chiens qui nous ont séparés
Nous ont volé notre bonheur.

Mais ça ne se fait pas d’être homosexuel, n’est-ce pas,
Dans notre milieu.
Ca ne se faisait tellement pas
Que, même nous, on s’en est convaincu.

J’ai essayé, Vincent,
J’ai essayé
Et je n’y arrive pas.

J’ai essayé,
Et le silence m’a rattrapé.
Pas le bon silence, tu sais.
Non, le silence qui est le vide, le néant.
Celui qui te dit que tu n’es rien,
Que tu ne sers à rien,
Qu’il n’y a rien pour toi par là.

Et je me suis souvenu.
Forcément je me suis souvenu.

Avec toi,
Il n’y avait pas de silence
Même quand nous ne parlions pas.

C’est dur, tu sais, c’est dur.
Parce que je sais bien qu’on ne se retrouvera pas.
Tu dois vivre, comme je l’ai fait,
Ta petite vie d’hétéro, réelle ou cachée,
Tout en me méprisant encore
De t’avoir fait découvrir
Que tu aimais un garçon.
Comme si j’y étais pour quelque chose !

C’est dur, tu sais, c’est dur.
Je ne sais pas si je suis capable d’aimer
Quelqu’un d’autre que toi
Et pourtant j’en ai tellement besoin.

L’ami Ash me dit que j’aime l’idée d’aimer
Et que je confonds ça avec l’amour.
Il a raison, probablement.
Et qu’est-ce que j’y peux ?

On ne refait pas sa vie, n’est-ce pas ?
Je ne peux pas revenir en arrière,
Recommencer, se faire des promesses que cette fois on tiendrait
Sans se laisser influencer par ceux qui n’aiment pas
Que les garçons aiment les garçons.

Mon cœur,
Ma vie.

Jamais
Je n’ai entendu quelqu’un prononcer mon prénom avec tant de douceur
Et de vérité que par toi.

Quand tu me regardais,
Quand tu me parlais,
Quand tu m’écrivais,
Quand tu murmurais mon nom,
J’étais vivant.

C’est cette vie
que je cherche à nouveau
mais tu n’es pas là.

Tu es dans les fins fonds de ma mémoire,
tu es à l’âge du sortir de l’adolescence,
mon premier amour que j’appelle amitié
à un moment où on ne sait pas ce qu’est l’amour.

C’est beau, absolu, désintéressé.
Une fois pour toutes
c’est le bonheur
ou sa promesse.

Comment vais-je retrouver cela?

Z – 4 décembre 2016

Source photo : Fu’ad Ait Aattou et Louis Prades

un-jour-on-se-rencontrera

Un jour, on se rencontrera

Un jour
On se rencontrera
C’est forcé

Sinon
Quel sens
Je pourrai donner
A ce qui arrive

Pourquoi
Tes mots me touchent

Pourquoi
Je me sens bien
Quand tu parles

Pourquoi
Je me sens vivre
Et revivre

Peut-être
Nous sommes-nous
Déjà rencontrés
D’ailleurs

Va savoir

Dans ce monde
Dans l’autre monde
Dans l’entre deux mondes

Un jour
On se rencontrera
Et on saura

On saura
Pourquoi on est là
Pourquoi on se croise

Pourquoi toi tu es là
Au moment où moi je suis là
Pourquoi c’est ainsi

Un jour
on se rencontrera
Forcément

Dis
C’est pas vrai
Que tu es venu pour moi

Pour me toucher,
Me remplir,
Me nourrir

De beauté
Et de vérité

Et me ramener
A ma source ?

Ma source
Ca pourrait être toi
Mais non tu n’es pas une source
Tu n’es qu’un canal
Un dépositaire
Un serviteur
Peut-être même à ton insu

Nous abreuvons-nous
A une source commune ?

Dis
Un jour
Est-ce qu’on se rencontrera ?

Est-ce que tu ne sens pas en toi
Les mêmes choses que moi
Est-ce que tu ne le reçois pas
Comme un appel à aller plus loin
A nous abreuver à la source
A suivre la source
Ou l’élan
Ou la vie
Qui nous
Est
Donnée ?

Euh
Non ça n’a pas l’air sûr…

Comment tes mots
Peuvent-ils
Me toucher
Me remuer
Me secouer
M’éveiller
A ce point
Et que tu ne le sentes pas
Ne veuilles pas
Ne désires pas
N’envisages pas
Aller plus loin

Tu m’effleures
De tes mots
Tu m’éveilles
Faiseur de mots
Tu m’éveilles
Tu réveilles la source
Et tu passes ton chemin
L’air de rien
Tu as tant d’autres chats à fouetter

Ah sais-tu
Cette peur de la solitude
Que tu réveilles
En même temps
Que ma capacité à la beauté ?

J’ai peur
De la vivre seul
Je ne veux pas
La vivre seul

Et même
Si je sais
Si je sens
Que toi aussi
Tu portes
Ta solitude

Je vois bien
Que s’il est un lien
Entre nous
Il n’est pas
De cet ordre

Un jour
On s’est rencontrés
C’est sûr

On s’est rencontrés
Avec des mots
Avec tes mots
Et c’était beau

Tu es passé
Avec tes mots
Ou c’est moi
Qui suis passé par là
Et qui ai capté
Des mots
Qui ne m’étaient pas
Destinés
Va savoir

Toujours est-il
Que tu es passé
Faiseur de mots
Et tu m’as éveillé,
M‘a touché
M’a surpris

Et je suis là
A me demander
Pourquoi
Ou bien encore
Ce que je vais
En faire

Tu es passé
Poète
Dessillant à nouveau mes yeux
Sur l’invisible
Et m’invitant à entrer
Dans le chant de l’univers

Et toi
Où es-tu maintenant
Crois tu vraiment
Que j’ai la force
De continuer seul

Pour moi
Mais ce n’est peut-être
Que moi
L’invisible
Si beau et attirant
Qu’il soit
Ne suffit pas
Il me faut avancer
Avec d’autres cœurs
A l’unisson

En seras-tu
Ou pas
Ou qui ?

Un jour
On se rencontrera
C’est sûr

Un jour
On se rencontrera
Peut-être pas.

Z- 29/11/2016

Source photo : photo trouvée sur www.mengwong.com, site désactivé depuis la publication de l’article, et sinon on la trouve par exemple ici : www.centrostudi.eu

 

tendresse

 

Je ne vais pas le cacher,
j’ai besoin de tendresse.

Je sais bien que ça paraît bête,
en tout cas, que ce sont des choses qui ne se disent pas.

Mais j’ai besoin de tendresse.

Toute celle que je n’ai jamais vraiment reçue,
d’abord dans mon enfance,
et puis celle que je ne me suis pas autorisée à recevoir,
celle que j’ai fait semblant de recevoir,
celle que j’ai cherché en vain dans des impasses-relations.

C’est si simple et si terrible à la fois.

Ce besoin de tendresse
qui vient du fin fond de l’enfance,
de l’endroit, du moment,
où elle aurait du être reçue naturellement
et où elle s’est échappée, s’en est allée…

Cette tendresse primale,
qui lorsqu’elle est reçue de manière innée
donne l’assurance tranquille
dont on aura besoin dans la vie.

On pourra avancer
avec le droit d’être vivant,
la certitude qu’on doit être là,
et que rien ne peut nous l’enlever.

J’ai besoin de cette tendresse
qui rassure, qui conforte, qui construit, qui crée.

C’est terrible.
Je n’ai pas le droit de la demander, l’exiger, et même l’espérer
de quelqu’un qui n’est ni mon père, ni ma mère.

D’un ami, un amant, un amoureux,
puis-je demander ou espérer cette tendresse?

La seule qui vaille,
la seule dont j’ai besoin.

Alors, qu’elle vienne d’un homme ou d’une femme,
vous comprenez,
quelle importance?

Quand on n’a pas été assez aimé,

– et je dis cela sans qu’il y ait aucun jugement ou reproche
envers celle qui a fait ce qu’elle a pu avec ce qu’elle était
et ce qu’elle connaissait de la vie –

quand on n’a pas été assez aimé,
quelle importance d’être homosensible
ou homosexuel ?

On se ré-assure comme on peut.

L’important, c’est d’être vivant,
c’est de savoir qu’on a le droit d’être là.

Et si l’Être féminin ne nous l’a pas dit, pas montré,
parce qu’il ne savait pas le faire,
n’est-ce pas normal que l’Être masculin
vienne compenser et dire :

Tu es vivant,
Tu es là.

Tu as le droit d’être là,
tu es même le bienvenu.

Oui, ça n’est pas facile,
pas toujours facile,

Mais tu as le droit de te sentir aimé,
car tu l’es véritablement.

Et si ton entrée dans la vie
n’a pas fait que tu le saches
et en sois convaincu au point de n’en jamais douter,

il est normal
– que dis-je il est naturel !
que tu recherches d’abord cela.

Tu y as droit.

Tu dois savoir que tu es aimé.

Et si les yeux, les bras, les lèvres,
qui doivent te le dire sont masculins,

Accueille,
accueille sans honte ni culpabilité.

Car ce qui est premier, c’est cela:
tu dois savoir que tu es aimé.

A cette condition,
à cette condition seule,

Tu sais que tu es vivant

Et que c’est pour la vie éternelle.

Z – 18-11-2016

michelgiliberti-le-pardis-terrestre

Tais-toi.
C’est donc ainsi
Que j’ai été accueilli.

Tais-toi.
Ne fais pas de bruit,
Tu déranges !

Tais-toi.
Fais-toi oublier,
Rentre dans les normes.

Tais-toi.
Apprends à t’oublier,
Apprends à faire plaisir.

Surtout,
Ne dérange pas

Peut-on imaginer
Combien ce ressenti intériorisé,
Au point de l’oublier,
Peut marquer
Profondément la vie
D’un petit homme ?

Tais-toi :
Quand je ne sais pas exprimer mes désirs.

Tais-toi :
Quand je n’ai pas de préférence.

Tais-toi :
Quand je ne sais pas choisir un métier.

Tais-toi :
Quand je n’arrive pas à imaginer être aimé.

Tais-toi :
Quand il faut se dévoiler, se mettre en avant,
avec la trouille d’entendre d’autres « tais-toi ».

C’est bon.
Je ne me tairai plus.

J’écouterai
Profondément ce qu’il y a en moi.

Car cela parle en moi,
Cela parle beaucoup !

Tout ce que je suis,
Tout ce que je dois être
Tout ce que j’ai à être.

La partie de moi
Qui veut parler
S’exprimer
Comme on s’engage
Dans le monde.

La partie de moi sacrée
Qu’elle soit divine
Ou innée,

Qui avait reçu si violemment
Ce « tais-toi ! »

Et qui désormais
Veut se déployer.

Je parlerai,
Je vivrai.

Zabulon  – 15/10/2016

Je crois, et je parlerai, moi qui ai beaucoup souffert…” (Psaume 115,10)

Source photo : Michel Giliberti, photographe