Ainsi,
Nous étions amoureux,
Vincent,
Nous qui nous vivions juste comme de merveilleux amis.
Amoureux…
Tu le savais, toi ?
Non, tu ne le savais pas.
Comment aurais-tu pu savoir,
Notre idéal de l’amitié était si fort.
Nous étions comme des chevaliers,
Des frères d’armes,
Des frères de sang.
D’ailleurs, nous l’avons fait ce pacte de sang,
Tu te souviens, comme dans les livres.
La force de l’idéal !
Amoureux…
Et moi, est-ce que je le savais ?
Non, je ne crois pas, même si c’était bien confus.
Cette force si spéciale avec toi,
Décuplée quand nous étions ensemble,
Cette connivence de tous les instants,
Cette capacité à refaire le monde
Et à entraîner les autres dans notre sillage
Ah, ça posait bien question,
Mais on n’avait pas le temps pour ça,
Il fallait vivre.
Et on était beaux, on était généreux.
Notre amitié était au service de tous.
Mais, oui, c’était un peu confus en moi, parfois.
Quand je goûtais ces moments ensemble
Et aurais parfois voulu qu’ils durent une éternité
Sans forcément les partager,
Ou pas tout de suite, pas encore, pas tout…
Juste prolonger les instants d’éternité avec toi.
Alors, nous étions amoureux,
Nous qui nous croyions simplement des amis ?
C’est fou, ça.
Non, nous, on ne savait pas.
Autour de nous, apparemment, ça jasait déjà,
Mais on était au-dessus de ça,
On refaisait le monde, que diable,
Alors les jaloux, les petits, les amputés de l’idéal,
On les aimait mais on ne les écoutait pas.
Jusqu’à ce moment
Où tes parents s’en sont mêlés.
Comment ont-ils dit, déjà ?
Ils avaient peur qu’en me fréquentant,
Tu n’aies plus envie d’être avec des filles.
Bon, d’abord, ça nous a fait rire.
Mais très vite la pression est arrivée,
Les empêchements de se voir et de se parler,
Et ce couperet : interdiction définitive.
On n’y croyait pas. Que c’était dur :
Comment la vie pouvait nous faire un truc pareil ?
Mais on était amis, tellement amis,
On s’est cru forts.
On s’est promis qu’on ne s’oublierait pas,
Qu’on passerait ce temps de silence
Pour mieux se retrouver plus tard.
Quoi, peut-être l’affaire de deux ans ou trois ans ?
Une broutille.
Et après,
on se raconterait tout ce qu’on avait fait
et on continuerait de refaire le monde.
Chacun de son côté.
Je ne sais pas ce que tu as fait.
Moi j’ai attendu, j’ai espéré, je me suis senti seul.
J’ai jamais eu un ami tel que toi depuis,
Parce que, ça, c’est pas possible.
Et puis, quelques années plus tard,
Quand enfin j’ai pu t’écrire à nouveau,
Ta réponse dure, méchante et définitive, en deux lignes.
Alors,
comme ça, c’est moi qui t’aurais corrompu?
Je t’aurais caché qu’on était amoureux
et toi, tu ne voulais pas de ça?
C’est drôle.
Amoureux…
Alors,
Comme ça on était amoureux
Et pas seulement amis ?
Ca m’en bouche un coin quand même,
Mais quelque part ça m’arrange.
Un ami, comme toi, jamais plus je n’en aurai.
Rien ne saurait te remplacer, non rien.
Juste un amoureux, peut-être.
Mais ça…
Z – 5 déc 2016
Source photo : Gijs Blom et Ko Zandvliet dans le film Boys (2015)
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