Dis-lui, toi,
car moi, il ne m’écoutera pas.

Dis-lui ce qu’il sait déjà,
que la vie est souffrance et résilience,
qu’elle est chute et combat.

Dis-lui ce qu’on oublie tous
quand cette folle apparaît,
la tentation de la désespérance.

Rappelle-lui qu’il écrit
justement pour crier la vie qui veut vivre,
justement quand on veut le lui ôter.

Rappelle-lui qu’il écrit
pour parler au nom de ses amis, de ses amours,
parce qu’il n’est pas question qu’ils meurent.

Mais que se passe-t-il ?
La page blanche, la veine épuisée,
L’amour enfui, la mesquinerie des gens ?

Quoiqu’il arrive,
mon ami poète tu m’aides à vivre
et ce que tu portais tu le portes encore en toi.

Faut-il renoncer
quand les vents contraires arrivent ?
Souvent ils annoncent de nouveaux printemps.

Ne lui dis pas que je suis triste
qu’il se dévalue et se dénigre ainsi :
niais, minable, pitoyable, quelle bêtise !

Est-ce que les mots des autres
peuvent le rejoindre et l’aider à tenir,
et à faire face à tous les jugements ?

Dis-lui, s’il te plaît
que ces soubresauts eux-mêmes
dévoilent la beauté de son humanité.

Et sont sa force finalement.

Dis-lui, toi, si tu peux
car moi, il ne m’écoutera pas.

Z- 26 juillet /4 août 2025

Souviens-toi, poète :

Pourtant t’es beau, comme une comète
Je t’ai dans la peau, je t’ai dans la tête
Et quand bien même
Y aurait que moi
Tu peux pas t’en aller comme ça

Parce que t’es beau
Comme une planète
Je t’ai dans la peau, je t’ai dans la tête
Je te le répèterai
Tant qu’il faudra
Tu peux pas t’en aller comme ça

#FAUVE


Illustration : Timur Simakov

Je te lis,
et je sens tes mots
comme s’ils étaient des battements brisés
qui frappent doucement contre ma poitrine.

Quel courage de dire : « Je suis fatigué »,
alors que le monde attend que tu restes debout,
le dos droit et l’âme silencieuse.

Quel courage d’avouer que tu souffres,
que feindre la force t’use
la peau et le cœur.

Je ne sais pas comment guérir ce que tu portes en toi,
mais je peux rester à tes côtés,
dans ce coin où les larmes
n’ont pas besoin d’autorisation,
où il n’est pas nécessaire d’expliquer
pourquoi ça fait mal.

Parfois, être fort, ce n’est pas résister,
c’est s’autoriser à tomber un instant,
fermer les yeux et dire :
« Je n’en peux plus »,
sans culpabilité.
Sans peur.
Sans se cacher.

Tu n’es pas moins important parce que tu es brisé.
Tu n’es pas moins important parce que tu te sens vide.

Tu es humain…
et cela est aussi immense
que la mer qui t’étouffe en ce moment.

Laisse-toi embrasser par le silence.
Par ce poème.
Par ceux qui, sans le savoir, ont également
ressenti ce même poids.

Tu n’es pas seul, même si le monde semble si loin.

Respire.
Je suis là.

Et si tes mots s’éteignent,
je te prête les miens jusqu’à ce que
les tiens décident de revenir.

Manuel Ignacio

Source texte : Manuel Ignacio

Source image : Vigil (2022) par Justin Liam O’Brien (américain, né en 1991)

On devrait faire un club de poètes
Ash serait notre mentor
Oui, un club de poètes
comme il y eut l’école de Rochefort

Ils ne se prenaient pas la tête
C’était d’abord un groupe d’amis
Avec qui se retrouver était toujours une fête
Des poètes pour raconter la vie

Bouhier, Cadou, Manoll et les autres
Le projet d’une poésie qui va à l’essentiel
Dans cette école il n’y a pas d’apôtres
Chacun raconte le quotidien du ciel

C’est la buée sur la vitre, le souffle du cheval
La marche du facteur, l’amour d’une femme
La beauté du monde qui voisine avec le mal
La persistance vivante d’une petite flamme

Poésie la vie entière !
Poésie quand tu nous tiens
Poésie dans chaque instant qui vient
Poésie l’humanité entière

J’aime quand Cadou l’instituteur
Se met à nous enseigner de douces leçons
Evoque l’école davantage comme une cour de récréation
Dans laquelle tout peut s’écrire sans peur

Ecrire la vie
Ecrire les combats et la torpeur
Ecrire la force de l’amour
Ecrire sans cesse cette folie
Qui fait aller si loin en soi
Qui fait voir plus loin que soi
Qui rend route chose atteignable.

Toute chose, ai-je dit ?
Non, pas toute chose
ce qu’il y a derrière toute chose
toute sensation humaine
toute expérience humaine
toute relation humaine
à autrui bien sûr
mais aussi au vent, aux nuages
aux fleurs, aux animaux aux montagnes
à l’océan infini de ce qui nous relie

Où sont les poètes
qui sont prêts à célébrer ainsi la vie ?
Et toi Ash
où es-tu, où te caches-tu ?
Viendrais-tu dans un tel cénacle
sans craindre pour ta liberté
et sans te dénaturer ?

Les amis
il se pourrait bien
que nous soyons orphelins
Ash est insaisissable
et c’est ce qui fait son charme
c’est ce qui fait qu’à la fois
il nous inspire et nous bouscule
autant.

Nous pensons à tort
être ses amis
alors que c’est lui
qui est notre ami
mais à son corps défendant.

Z – 27 mai 2025

Source photo : photo prise par Austin Distel/ Unsplash

– Pourquoi ne pas publier
Une anthologie de vos poèmes ?

Une anthologie de mes poèmes…
Ah oui, carrément ?

Hum, comment dire ?
Des années de ma première inspiration,
la plus sauvage et la plus stimulante
à la mode d’un Rimbaud adolescent de la fin du XXè
(moins flamboyant quand même),
il ne reste rien.

J’ai tout jeté, déchiré, renié,
comme verbiage inutile,
un jour
de colère ou de désespoir
je ne sais plus.
Il ne reste rien
si ce n’est un recueil de textes
rendus publics par mégarde,
pour rendre service,
parce que j’étais jeune.

Ou bien, est-ce un oubli de ma mémoire défaillante
et des traces subsistent-elles mélangées
à d’autres papiers sans intérêt ?

Parfois, c’est étrange,
j’ai quelques réminiscences
de certains de ces textes de jeunesse disparus.
Il faut croire qu’ils m’habitent
encore.

Mais alors
Les réécrire ?
Oh! non.
Non, non, non, non, non.
Ce ne sont plus que quelques effluves
de temps révolus

Même si c’est le même sang
qui coule dans les mêmes veines,
je trouve qu’il y a quelque chose d’impudique
à revenir à des émotions qui, certes, m’ont construit
mais dont, aussi, je me suis grandement affranchi.

Et puis, depuis, j’ai écrit tellement de fadaises,
empêtré que j’étais
dans une existence inauthentique
que cette partie-là n‘a aucun intérêt.

Des effluves, vous dis-je,
des effluves d’instants passés.
Seuls m’intéressent
les moments présents.

Z- 13 mai 2025

Illustration : Joan Saez (agence Traffic Models) photographié par Ferran Casanova

Je n’en finis pas
d’explorer
la poésie de
Ash
Le lire
et le relire
me sentir
vivant
à travers
ses cris
ses pleurs
ses maux
ses mots
ses émotions
Ses cris
de souffrance
de misère
de galère
de révolte
et d’amour
Et d’amour
Et d’amour
Un homme
Un garçon
devenu homme
qui m’apprend
l’humanité

Je suis qui moi
avec mes larmes
de riche
qui a peur
de pas être aimé
alors
que j’ai tout
sauf le courage
d’être

Je vois Ash
Je lis Ash
la vie de Ash
l’abandon
le rejet
la rue
la misère
les galères
le racisme
et cette putain
d’envie de vivre
qui prend aux tripes
même
quand c’est un cri
même
quand ça fait mal
même
quand
ça fait se rejeter
Par peur de s’abimer
probablement

Enfin
c’est ce que je me dis
pour m’expliquer
que Ash
un jour
n’a plus voulu de moi
Je dirai un jour
je crois
combien c’est ma faute
combien j’étais bête
combien j’étais nul
– vraiment ! –
et combien je l’aime encore
peut-être aussi
sans jamais
l’avoir rencontré.

Ash,
quand je te lis
quand je vois ta vie
tes cris, tes larmes, tes amours
mais aussi
tes combats
contre l’injustice, l’irrespect, l’indifférence
ta jeunesse insolente
et ta liberté
que tu nous balances à la figure
pour secouer tous les conformismes
et créer à nouveau
le monde
Ahhhh tes jugements parfois
si proches d’une explosion
et que tu retiens
comme pour rester
humain

Comment tu fais
ami
pour transformer
en bon
tout le mal
qu’on t’a fait ?
Cette putain de résilience
si magnifique
et si désarmée…

Ash
quand je te lis
quand je vois ta vie
ce que tu en fais
ce que tu en dis
ce que tu nous offres
je m’émerveille
de l’humanité.

– Vous qui passez et le connaissez,
dites-lui bien qu’il doit continuer,
qu’il doit puiser encore et encore
dans ce puits sans fond
d’où jaillissent
les cris,
la vie
la poésie.

Tu nous réveilles, poète,
tu nous réveilles.
Ash
Merci !

Z- 9/5/2025

Photo : Timur Simakov. Un ami commun, en quelque sorte.