« Ils choisirent sept hommes remplis d’Esprit Saint » (Ac 6, 1-7)

En termes modernes, on dirait : ils choisirent sept hommes remplis de spiritualité, ou attentifs à la spiritualité. Car qu’est-ce d’autre que la spiritualité sinon “la vie selon l’Esprit” ?

Que nos contemporains soient férus de spiritualité mais se méfient des institutions est finalement un réflexe de bonne santé. L’Esprit, personne ne sait d’où il vient et où il va. Alors que des institutions prétendent le savoir à la place des dépositaires de cet Esprit, et de surcroît veuillent l’orienter par ici ou par là, voilà qui est plus que suspect.

En même temps, il ne faudrait pas croire que ce serait n’importe quel esprit, n’importe quelle direction, n’importe quelle pulsion du moment à suivre. Si l’on regarde bien le texte des Actes des Apôtres, la mention d’être rempli de l’Esprit -Saint est toujours complétée par un autre critère de discernement qui y est adjoint : la sagesse (sophia : Act 6,4), la foi (pistis : Act 6,5), la force ou la puissance (dunamis, Act 6,8). Autant de mots que l’on retrouve souvent dans le récit des évangiles synoptiques et qui sont associés au ministère de Jésus.

Être rempli de l’Esprit-Saint se vérifie donc par la confiance en la révélation qui nous traverse (en Dieu), la force intérieure qui s’en dégage et l’efficience.

De cela, il résulte que nous devrions tous honorer, et déployer notre dimension spirituelle Et, parlant de spiritualité, veiller à ne pas en faire un magma gélatineux où tout est possible mais au contraire une dynamique de vie qui nous oriente vers la meilleure version de nous-même.

Là se fait le lien avec l’acceptation de soi. Je ne suis pas le produit des conditionnements qui m’ont façonnés et qui étaient nécessaires le temps de mon apprentissage vers l’autonomie spirituelle. M’identifier à eux, c’est me dérouter de mon chemin (Tiens ! C’est la définition hébraïque du péché : se dérouter de son chemin !) , c’est vivre par procuration avec les critères d’autrui. Aussi pertinents soient-ils pour autrui, pour le collectif, pour l’institution qui les enseigne et en est garante, cela e me dispense jamais de vérifier qu’ils sont pertinents pour moi.

J’aime bien l’image botanique du tuteur qui est nécessaire à la croissance de certaines plantes. Une fois qu’elles ont grandi, elles n’ont plus besoin de ce tuteur, elles poursuivent leur croissance, seules et autonomes, déployant leurs branches et produisant du fruit. Se confondre avec le tuteur au point de ne pas vouloir s’en séparer ou, de l’extérieur, vouloir imposer un tuteur qui n’aurait pas de limites dans le temps et pour le développement de la plante, c’est dans le premier cas une erreur, c’est dans le deuxième cas une forfaiture.

Encore une fois, en écrivant tout cela, je me demande le rapport avec l’objet de ce blog. Il tient en une processus très simple : l’acceptation de soi. Dans mon cas, l’acceptation de mon orientation sexuelle a été le déclencheur vers une acceptation intégrale de mon humanité quand bien même elle ne répondrait pas aux normes de la société, de l’église, de l’éducation, de la famille, etc. Qui aurait le droit de m’empêcher d’être moi-même ? Soyons plus précis : qui aurait le droit de m’empêcher de me connecter à cette dimension de moi qui concourt à mon épanouissement ? En vérité, je me le suis infligé moi-même pendant des années, croyant être libre alors que je collais comme un désespéré qui a peur du vide à ce foutu tuteur dont je parlais plus haut. Je n’ai pas été violenté, je n’ai pas subi d’agressions homophobes mais qu’est-ce que j’avais peur d’être différent du modèle ambiant dans lequel j’ai évolué. Tellement peur que je n’osais pas être moi-même.

Or, depuis que j’accepte cette dimension de moi, je vois que je suis plus serein, plus lucide et que je porte du fruit, d’une certaine manière, autour de moi. Pour rien au monde, je ne voudrais revenir en arrière.

Alors voilà. Je trouve intéressant que les apôtres constatant qu’ils n’arrivaient plus à gérer la croissance de l’église naissante et les revendications de cette partie hellénisante qu’ils ne devaient pas comprendre tout à fait ont eu l’intelligence de reconnaître la dimension spirituelle de leurs interlocuteurs et de l’honorer.

Plutôt que s’arc-bouter sur une église en décomposition (donc en recomposition), ne devrait pas mieux entendre et écouter les mouvements de l’Esprit-Saint qui s’expriment à travers les attentes spirituelles de nos contemporains ?

Z – 6/5/2023

Source photo : Michael Zanderigo, Tristan Stalbaum et Chaz Perry photographed by Amadeo Agis Amadeo Agis, photographe à Hawaï.

La Grâce, qui est considérée par l’homme naturel comme un don qui lui vient d’un Divin extérieur, est pour l’homme initiatique l’accès à la conscience du Dieu intérieur, de son être propre.

Karlfried Graf Durckheim, (1896 – 1988), mystique et philosophe allemand,
L’expérience de la transcendance.

Photo : Rene Capone (b. 1978) Blue boy, yellow light (sur pookiestheone.tumblr.com)

On est qui ?

Entre ce qu’on voudrait montrer,
la manière dont on aimerait être vu, accueilli, reconnu, aimé,
ce que l’autre, aimé ou pas, nous perçoit…

On est qui ?

Z – 15/4/2023

photo : Samuel Betancourt & Juan Dos Santas pa Jose Mata for Gym Class B #9 (publié par theyearbookfanzine.com)

La liturgie de ce premier dimanche de Carême donne à méditer le fameux passage de MT 4,1-11 où Jésus conduit au désert par l’Esprit y est confronté à trois tentations.

Les spécialistes de l’Ecriture nous expliqueront en quoi, dans la logique matthéenne, ce passage tend à montrer que Jésus est le véritable envoyé de Dieu :

– il reste confiant en Dieu sans réchigner et sans demander du pain à l’inverse du peuple hébreu conduit par Moïse dans le désert,
– il ne profite pas d’une position haute (au propre comme au figuré) pour se prévaloir de prérogatives attribuées à Dieu (rapport à la Présence de Dieu dans le temple et le fait de commander ou pas aux anges)
– il ne se laisse pas séduire par les multiples paillettes et intérêts du monde, quand bien même il pourrait exercer un pourvoir sur lui (notez au passage le placement sur la haute montagne qui est normalement le lieu d’où parle Dieu dans la nuée, ce qui montre bien la nature de la tentation diabolique : être pris pour Dieu depuis la montagne alors qu’on n’est pas missionné pour cela).

Réactualisation du passage au désert après la traversée d’Egypte, du service du Temple (lieu où Dieu “campe” parmi son peuple), de la période faste des royautés diverses qu’elles soient de David ou d’Hérode. Réactualisation mais cette fois-ci réussie, sans dévoiement, par Jésus au désert.

Bref, c’est juste un rappel global du contexte. Ce n’est pas mon propos du jour.

Je me demandais juste comment ce texte pouvait aider les personnes concernées par l’homosexualité. Certes, le texte n’en parle pas directement et aucune tentation exprimée ici, soyons précis, n’est d’ordre affective ou sexuelle. Cela étant, si comme chrétien, je me laisse identifier au Christ, ce texte me parle des tentations que je suis aussi invité à passer.

Et qu’entends-je ?

1/ Quel que soit le désert que je suis amené à traverser, je ne dois pas désespérer de l’amour de Dieu envers moi. La dureté de l’existence, la souffrance, le malheur, ne disent en rien que je suis pécheur plus que d’autres et certainement pas que je suis abandonné de Dieu. La tentation serait de vouloir « manger » au même râtelier que ceux qui me jugent et me rendent esclave de leurs jugements pour avoir la paix. Si j’ai quitté mon Egypte natale, ce lieu où je n’ai pas pu découvrir tranquillement et de manière épanouissante la personne que je suis, comment imaginer que je pourrais trouver la paix en reniant, même partiellement, même temporairement, la personne que je suis ?

2/ Si j’ai pu m’approcher de la présence divine en moi, si j’ai pu la laisser se déployer au point que je puis habiter avec elle et me tenir en haut de ce Temple saint qu’est aujourd’hui mon corps, ma vie, mon existence, cela ne me donne aucun droit d’exiger de Dieu quoi que ce soit, ni d’user de prérogatives qui consisteraient à exercer un pouvoir sur autrui qui…lui aussi reste libre de son chemin.

3/ Quelle est séduisante cette liberté gagnée ! Qu’elles sont tentantes toutes ces possibilités de vivre la vie que je veux, multiplier les aventures, utiliser les autres en réparation ou en compensation des années terribles où je me sentais réprimé, contraint, asservi par l’hétéro-normalité. « Voilà tu es libre, tu sais que tu es libre. Tu peux tout. Vois tout ça, tout ce que tu veux je te le donne si tu veux bien te prendre comme ta propre finalité et abuser de cette confusion ». C’est ainsi que je transpose le « Tout cela je te le donnerai si, tombant à mes pieds, tu te prosternes devant moi… » Le diable, ce grand diviseur, ce « fauteur e trouble » au sens propre, au premier degré : celui qui crée le trouble, la confusion. Entre dans la confusion, oublie d’où tu viens, pourquoi tu es là, et profite ! Profite de tout : du monde, des gens et des richesses ! Ton intelligence, ta créativité, ta découverte et ton acceptation de toi-même (et qui te donnent un avantage certain sur ceux qui n’ont pas ce travail sur eux-mêmes), tu peux les mettre au service de l’apparence et des futilités.

Bon, je vous l’accorde, ce n’est pas de la grande théologie. Et, d’autant qu’il y a encore plein d’autres manières de recevoir ce texte évangélique.

Il y a quand même un point commun aux trois tentations et c’est finalement la seule chose que je veux relever. Les trois tentations sont comme des invitations à se laisser dérouter : n’assume pas le désert, tire avantage de ton compagnonnage avec la présence divine, laisse-toi aller à tes désirs de puissance de richesse, de notoriété. Exactement le contraire de la douce invitation faite par Dieu à Abraham, le père des croyants : « Va vers toi-même ».

Alors Jésus entend. Le narrateur nous souligne à quel point Jésus est humain : « il eut faim ». Mais il ne se laisse pas dérouter.
Assumer qui il est, dans son humanité et dans sa part divine, le fait tenir bon face à l’épreuve.

Sa force : la parole-présence de Dieu qu’il oppose humblement à chaque tentation.

Je me souhaite, et je souhaite à tout lecteur, un bon carême sous le signe de cette invitation :
Va vers toi-même, ne te laisse pas dérouter.

Z- 24 février 2023

Photo : Leszek Paradowski, www.paradowski.net.pl

Et voilà que je rencontre une personne qui s’affiche chrétienne et qui est investie en pastorale. Pastorale des jeunes ! Elle me soutient mordicus que l’homosexualité est interdite dans la Bible.

Je ne sais même pas pourquoi elle me parle de cela parce que ce n’est pas le sujet de notre rencontre et qu’elle ignore que ce sujet, je le travaille – si on peut dire – depuis des années.

Mais elle est sûre d’elle. Elle affirme. Sans démonstration mais avec une conviction qui…fait peur !

Je n’en reviens pas. Comment en 2023 les agents de pastorale peuvent-ils encore être si mal (in)-formés ? La Bible qui interdirait l’homosexualité ? Mais elle n’en parle pas, ce n’est pas son sujet. La morale sexuelle, c’est rien dans tous les écrits bibliques. Par contre la justice sociale, opprimer ou exploiter son frère, le juger et le condamner plutôt qu’exercer la miséricorde ou tout simplement s’occuper de ses affaires, ça c’est pratiquement à chaque page.

Ah, le Lévitique ! Argument suranné toujours brandi : le Lévitique qui interdirait l’homosexualité. Même pas ou même plus envie de répondre. Pourquoi cet unique verset dans un gros livre qui contient plein d’interdits qu’on ne considère plus aujourd’hui aurait davantage de poids que les autres ? Au fond, ça en dit plus sur celui ou celle qui brandit l’interdit que sur le livre biblique mais comment le lui dire gentiment, sans qu’elle soit choquée ou qu’elle crie à l’hérétique qui ne respecte pas la parole biblique ?

Non, je n’ai même plus envie d’argumenter.

Je sais une chose que nous enseigne l’apôtre Paul dans sa lettre aux Galates (5,1) et en plein d’autres endroits : “Frères, c’est pour que nous soyons libres que le Christ nous a libérés. Alors tenez bon, ne vous mettez pas de nouveau sous le joug de l’esclavage.”

Libres. C’est pourtant clair, non ? Libres de ne plus respecter les interdits, libres de ne pas se laisser enfermer dans les jugements. Que chacun vive ce qu’il a à vivre et respecte son frère/sa soeur. Cette obsession de vouloir empêcher l’autre d’assumer et vivre son orientation sexuelle est pénible. Elle est un véritable contre-témoignage de l’Evangile qui nous rend libres.

Mais de fait, ça me fait republier ici. Le combat ne semble pas terminé.

Z – 11/02/2023