Avant, ils ont peur.
Après, ils ont toute audace.

Avant, ils se terrent.
Après, ils s’affichent en plein jour.

Avant, ils ont honte peut-être ?
Après, ils sont fiers.

Que s’est-il passé ?
Ils ne cherchent plus une force
qui viendrait de l’extérieur.
Ils n’attendent plus une confirmation
qu’ils étaient sur le bon chemin
quand ils se mis à suivre
ce Jésus de Nazareth.
Ils n’attendent plus de validation,
ils sont la validation.

Pentecôte.

Esprit qui surgit du fond de l’être.
Source, fontaine et fleuve intarissable
sans lequel je ne peux exister.
Il suffisait que le canal soit à nouveau ouvert.
Jésus, chemin, vérité et vie.
Ce canal-là
qui fait que si c’est vrai
en lui et pour lui,
c’est vrai en toi et pour toi aussi.

Mystère de l’existence humaine.
Cette propension à chercher à l’extérieur
ce qui est à l’intérieur.

Z – 8 juin 2025

source photo : Misa Patinszki, modèle à New Madison

Les yeux levés au ciel
Je pourrais m’y perdre
Tu sais
Ca semble tellement beau
Là-bas
Au ciel

Mais quelque chose
Ne sonne pas juste
Jésus
Enlevé au ciel
“Elevé”
Si tu veux

Hopopop ! Il s’envole
Suivons-le des yeux
Admirons
Le voyage interstellaire
D’où il reviendra
Attendons
Pieusement

Je crois pas à ce ciel-là
Je crois pas que ça c’est passé
Comme ça
D’abord parce que ce serait un non-sens
Par rapport à
Tout le reste de l’évangile

Mais on a besoin de merveilleux
D’interpréter tout le temps
Dans le sens
De l’extraordinaire
Comme si cela nous rapprochait
D’un monde
Ailleurs

Un monde qui serait au ciel
Sans soucis, sans souffrance, sans violence
Ailleurs
Quoi
Et on attend on attend on attend
Ça nous délivrerait bien
De la responsabilité
D’agir tout de suite

Mais j’ai découvert que les yeux émerveillés
Sont le plus souvent révélateurs
D’un déjà là
En toi
Que révèle l’extérieur
Juste pour t’inviter à le découvrir et le nourrir
En toi
Le figer à l’extérieur de toi
C’est t’en priver

C’est bête quand même d’être en train d’attendre
Quand il dit que le royaume des cieux
Est déjà là
Parmi nous
Les cieux, c’est bien le mot employé :
Ouranos
En grec

Ouranos le ciel ouranos les cieux
Pas le cosmos pas le ciel tangible
Un autre ciel celui du fondement de l’univers
Celui que tu portes
Déjà
En toi

Le royaume des cieux qui est déjà là
Quand le maître disparaît de nos regards
Séparé de nous
“Enlevé” au ciel
C’est comme ça que c’est marqué
Faudrait pas imaginer non plus
Qu’il attend qu’on lui coure après

Il faut qu’on soit séparés qu’il a dit
Il faut que vous vous retrouviez entre vous
et receviez
un esprit
Le mien qu’il a dit le même que moi
Une flamme qui se “posera” sur vous
Si vous voulez mal traduire le texte
Ou bien
Une flamme
Qui émanera de vous plutôt le moment venu

Pourquoi gardez-vous les yeux levés vers le ciel
Attendant qu’il revienne par le même moyen
Ce ciel si séduisant
N’est-ce pas
Au point d’oublier que vous avez à témoigner
Du royaume
Qui est déjà là ?

A vous fréquenter saurons-nous que vous avez vu le ciel
Saurons-nous que le ciel vous habite déjà
Et que c’est une promesse
Pour tout homme
Toute femme
De la terre ?

Je suis fatigué parfois d’entendre des niaiseries
Sur la réalité historique de l’Ascension
Idolâtrie du merveilleux
Qui dispense
De voir l’essentiel
La vérité c’est qu’il est déjà là
Les cieux sont ouverts
La bonne nouvelle
Est annoncée aux pauvres que nous sommes
Là maintenant

Et toujours cette question :
Saurons-nous le reconnaître ?

Z- 1er juin 2025

Source photo : compte insta de Ryan Keenan

Pour continuer la réflexion en images, voici ce à quoi pourrait ressembler le ciel dans un certain imaginaire (c’est sûr ça fait envie!) et comment nos yeux ébahis – si beaux soient-ils – nous empêchent de développer l’humanité en nous :


(source : planet gay)


(source : Male muse, un projet de mise en valeur masculine avec IA à partir de clichés magnifiques pris par des photographes célèbres)

Mais…si j’imagine l’Ascension, le ciel, le royaume des cieux et le retour de Jésus, imprégné de cet imaginaire, je repose ma question : saurai-je le reconnaître quand il viendra ? Sais-je l’accueillir et lui laisser place quand il est déjà là? Déjà là…

Un peu dans la même veine que l’article précédent, je voudrais m’arrêter sur un verset de la première lecture de ce jour auquel on ne fait pas suffisamment attention :

« Il nous faut passer par bien des épreuves
pour entrer dans le royaume de Dieu. »
(Act 14,22b)

C’est Paul et Barnabé, nous dit-on, qui exhortent les disciples à persévérer dans la foi en utilisant ces mots. Le message passe assez inaperçu parce que dans le découpage de ce chapitre 14 des Actes des Apôtres, proposé à la lecture ce dimanche,
on est en fait tout à la joie de voir l’annonce chrétienne se propager et s’organiser dans l’univers méditerranéen. Les deux amis vont ici et là, créent des communautés, désignent les anciens. L’expansion de l’Eglise est en marche et semble elle-même une bonne nouvelle.

Et pourtant, il y a cette incise au milieu de l’énumération de leurs exploits. Le conseil est clair, il s’agit de garder la foi au cours d’un voyage qui ne sera pas de tout repos. Peut-être parlent-ils de leur propre voyage, mais telle que, placée dans le texte, la phrase citée plus haut a plutôt l’allure d’un conseil spirituel donné à tout un chacun.

Se convertir au message évangélique, ils l’annoncent : ça va secouer ! Ca ne va pas être si facile que cela car tout un travail de conformation au message reçu va s’opérer dans les fidèles et ce travail n’est pas si agréable que ça parfois. Non pas qu’il soit désagréable non plus, mais c’est comme parcourir un chemin non aplani, ça secoue dans tous les sens.

C’est le mot “épreuves” qui me suggère cette réflexion. Dans d’autres versions on trouve à sa place le mot “tribulations” qui vient du latin et qui traduit grosso modo la même idée que le mot grec employé dans le texte des Actes des Apôtres: thlipsis . Seulement le sens de thlipsis (qu’on traduit parfois par épreuves mais aussi détresse, tourments, pression, oppression, etc.) est beaucoup plus subtil qu’il n’y paraît. Il vient en effet d’un autre mot grec thlibo qui désigne le fait d’être pressé, pressuré, rétréci.

Pressé comme une grappe de raisin ou comme Jésus qui monte sur une barque pour ne pas être pressé par la foule (Mc 3,9). Rétréci comme un chemin resserré (Mt 7,14) et ne laisse plus passer autant de monde à la fois, où dans lequel on peut se retrouvé du fait de ce goulot d’étranglement comme pressé et même oppressé.

Et ce mot thlibo est lui-même apparenté à tribo, sentier (comme dans “aplanissez mes sentiers”, reprise en grec de la citation d’Isaïe dans les évangiles).

Essayons de bien comprendre le message de Paul et Barnabé. En employant le mot thlipsis, ils ne disent pas que Dieu va envoyer des malheurs, ils ne disent pas non plus que ceux-ci seraient nécessaires, ils ne suggèrent pas non plus qu’il y a aurait des preuves à donner à Dieu, ce que parfois nos esprits inattentifs semblent comprendre du fait de la proximité entre preuve et épreuve. Ce n’est pas une menace, ce n’est pas une annonce, ce n’est pas un test. C’est juste un constat.

Suivre Jésus d’un coeur sincère alors qu’on a baigné dans une culture et une éducation qui nous ont conditionnés à avoir une autre vision de l’homme, ça va forcément secouer, dans le sens où il va forcément y avoir un certain nombre d’ajustements à faire dans sa vie et ce dans un monde, face à d’autres personnes, qui n’y sont pas préparés et vont organiser la contradiction à ces changements de vie.

Bref, ce ne sera pas un voyage monotone, il va falloir se débarrasser de vieilles conceptions qui n’auront plus cours et auxquelles on est pourtant accroché. Possiblement, cela va changer nos attitudes, nos postures, nos codes moraux, etc. Pas mal de choses en fait. Ca ne devrait pas changer à cause de dogmes, d’impositions morales venues de l’extérieur, de jugements à l’emporte-pièce sur ce qui est bien ou pas bien, mais simplement parce que c’est le résultat de l’adhésion d’un coeur sincère à la vérité de qui il est.

Concevoir Dieu comme un être créateur qui aime inconditionnellement ses créatures, qui invite à en tirer les conséquences concrètes dans ses relations aux autres à l’exemple de Jésus, et à ne laisser aucune cellule de notre être à l’écart de cet Esprit qui renouvelle tout (appréciez la formule trinitaire !), voilà qui change tout dans une vie.

Voilà pourquoi, le simple fait de se réconcilier avec soi-même, au sens de se retrouver en intégrité avec soi-même, sans rejeter ni occulter ni dévaloriser ni minimiser aucune partie de soi est si important. La bonne nouvelle que nous sommes aimés concerne l’intégralité de notre humanité. Telle est l’anthropologie chrétienne.

On comprend alors que ce travail de vérité sur moi-même et d’ajustement de sa vie à la découverte que tout de moi est aimé, ça secoue un peu. La foi me travaille comme une grappe de raisins qu’il va falloir presser pour obtenir le jus, elle me fait abandonner des parties de moi devenues inutiles parce que inauthentiques, elle me fait affiner ce qui est important pour moi au point que le chemin se resserre car je ne veux plus tout et son contraire, je veux seulement être moi dans un univers où j’encourage les autres à être eux.

Quand, dans l’article précédent, je commente la prise de conscience des personnes homosexuelles qui se retrouvent pris dans une “vie de patachon” dont elles ne veulent plus, je dis à peu près la même chose. Pour le dire autrement, c’est le passage au tamis. Il ne restera que ce qui est vrai, tout le reste peut partir. Alors oui ça secoue. Mais le simple fait de pouvoir verbaliser que je suis en train de vivre une vie de patachon ou que je me pressé comme une vigne à vendanger ou raviné comme un chemin de plus en plus étroit, alors que j’aspire à la vérité, est le signe que ce travail est déjà commencé. Les anciens maîtres spirituels auraient dit dans leur phrasé antique que c’est le signe que le travail de purification est en cours.

Bref, si ça secoue, c’est normal !

Si le rédacteur des Actes prend le temps de le faire dire à Paul et Barnabé, au milieu d’un récit qui raconte la multiplication des disciples, c’est qu’il doit bien connaître la propension des hommes et des femmes à l’émerveillement et à la facilité. Personne n’a dit que ce serait facile ni que ce serait merveilleux.

C’est un peu comme parcourir un chemin de grande randonnée, il va falloir marcher, donc avancer, transpirer. Et si l’on est équipé trop lourd, ce qui est le cas dans la plupart de nos existences, eh bien il va falloir lâcher à un moment ou un autre ce qui nous encombre et n’est pas utile pour ce voyage-là. Êtres libres. C’est un autre sujet que je traiterai peut-être un jour aussi mais liberté et vérité sont deux réalités connexes. L’une va avec l’autre. Se débarrasser de ce qui m’encombre et me retient, c’est devenir libre et pouvoir accéder à la réalité de Dieu en moi.

Z – 16 mai 2025

Source photo : @minhyunwoo_ sur instagram

« Mes brebis écoutent ma voix ;
moi, je les connais,
et elles me suivent.
(…)
Personne ne les arrachera de ma main.»
(Jean 10, 26-27)

Voilà, c’est clair.
S’il se trouve
que tu as rencontré ce Jésus,
que tu le suis
d’un coeur sincère
et que tu te prends à l’aimer
comme il t’aime,
peu importe que tu sois gay
ou pas.
Lui, il te connaît
et ne te lâchera pas.

N’écoute pas
tous ces aigris et envieux,
ces donneurs de leçons,
ces bien-pensants
qui disent et agissent
à la place de Dieu
comme s’ils étaient seuls
à pouvoir comprendre
la parole de Dieu.

Ils ont des oreilles
et n’entendent pas,
ils se pavanent
comme représentants de Dieu
alors qu’ils ne sont
que des sépulcres blanchis.

Si tu as rencontré Jésus
et fait l’expérience
d’être aimé de lui,
écoute bien cette parole
et fais la tienne
jusqu’au plus profond
de tes cellules:

Tu es aimé de Dieu,
il te connait,
il ne te lâchera pas.
Le rencontrer en Jésus
c’est le rencontrer pour de vrai
et pour toujours.

C’est fou, non ?
Même ça, Jésus doit le préciser :
« Le Père et moi,
nous sommes UN.»
Des fois que des petits malins
chercheraient à dire
que Jésus pourrait se tromper.
Ou bien qu’on l’a mal compris
et que Dieu est différent
de ce qu’on pense.

Oui, mais voilà.
Jésus connaît ceux qu’il a touché,
ceux en qui il a éveillé l’espérance
et le désir de vivre en paix et en vérité,
et il ne les lâchera pas.

Parole de Jésus !

Z – 11/5/2025

illustration : The Naked Pastor

Figurez-vous qu’un des articles les plus lus de ce blog et ceci d’une manière continue depuis sa publication est celui qui est intitulé : les eunuques de naissance.

Cela n’est pas sans m’interroger et je me décide donc de compléter un peu ce sujet avec quelques données historiques et exégétiques.

Dans le Nouveau Testament

D’abord, notons que ce thème est marginal dans le Nouveau Testament : le terme enouchos que l’on traduit en français par eunuque n’apparaît que dans 6 versets, dont 5 se trouvent dans les Actes des Apôtres ( c’est l’épisode de Philippe rencontrant le surintendant de la reine d’Ethiopie), texte par excellence composé à destination de la population de culture grecque. Cela met d’autant en valeur la citation que l’on trouve dans l’évangile de Mathieu selon laquelle il y a différentes sortes d’eunuques (Mat 19, 12) qui est justement le texte que je commentais précédemment.

Deuxièmement, il va être très utile de relever que dans le Nouveau Testament, à aucun moment, la désignation d’eunuque est péjorative. Dans les actes des apôtres, l’appellation d’eunuque semble juste factuelle et dans la bouche de Jésus, selon Mathieu, elle est – semble-t-il – l’occasion d’un enseignement sur la capacité et la volonté d’engendrer une descendance.

Dans la culture grecque

Or, ce n’était pas le cas dans la culture grecque. Certains historiens relèvent que l’appellation d’eunuque était souvent utilisée pour désigner les perses et plus généralement les populations d’Asie qui, dans leur raffinement et leurs marques de politesse, semblaient moins virils aux grecs. La mention des eunuques sert alors souvent à désigner des personnes efféminées, peut-être même avec une connotation sexuelle : celle d’avoir une position passive dans une relation entre hommes. Ce qui, au passage, n’est même pas une condamnation de l’homosexualité mais, par comparaison avec eux, les très virils grecs (mon œil, hein !), serait plutôt la critique à peine voilée de la personnalité faible de ces autres, venus d’orient, avec leur culture qui pourrait nous concurrencer.

Dans la culture grecque, la désignation d’eunuque semble même être clairement une métaphore des personnes passives dans la relation sexuelle entre hommes. Dans la seule pièce de théâtre grecque qui mentionne des eunuques, Les Archaniens, ils sont désignés comme des eunuques accompagnant une délégation perse mais l’on s’aperçoit que ce sont en fait deux grecs connus qui se sont déguisés en eunuques. La comédie se moque notamment de l’un d’entre eux qui s’affiche avec une barbe de singe (donc en une apparence très masculinisée) alors qu’il a un « chaleureux cul rasé ». La moquerie ne porte pas sur la pratique sexuelle mais sur le travestissement.

Bien sûr, l’étymologie du mot eunuque, littéralement le gardien du lit, semble désigner ceux qui ne présentent aucun danger pour les femmes puisqu’ils ont été castrés. Ce qui ne veut pas dire qu’ils sont impuissants, confusion souvent faite ! Ils peuvent avoir des érections et des coïts, même si leur libido est  de fait, très réduite. L’important surtout, c’est qu’ils ne pourront pas engendrer d’enfant. Ce qui m’a fait supposer que Jésus, parlant d’eunuques dès la naissance désigne possiblement des personnes qui n’auront pas d’enfant parce qu’une relation hétérosexuelle ne les intéresse pas. Pas besoin de la main des hommes pour les castrer, pas besoin d‘en faire un choix de vie. On ne choisit pas de devenir homosexuel, on l’est. Quel que soit le moment on l’on découvre ou accepte qu’on l’est. Pourquoi pas, dès lors, ne pas dire que c’est “de naissance” dans une société où on laisserait les personnes librement découvrir leur orientation sexuelle sans les forcer à se conformer à une norme hétérosexuelle ?

Par extension, les eunuques sont considérés comme des personnes de confiance, fidèles et désintéressés puisque dépourvus de cette passion sexuelle. Au fond, pas sûr que ce soit vrai. Ce sont des hommes comme les autres qui peuvent s’enivrer avec le goût du pouvoir et de l’argent. Sauf que, souvent ce sont aussi d’anciens esclaves qui ont été affranchis au regard de leur fidélité et des services rendus.

Ce qui est intéressant aussi, en considérant les écrits historiques, notamment ceux d’Hérodote, c’est que les eunuques ont été considérés par les grecs à la fois comme “rien” et “protégés des dieux”. Rien, parce que castrés, amputés de leur qualité d’hommes, et pas femmes non plus. Protégés des dieux, parce que ce sacrifice extrême, ignoble même, de leur virilité, ne peut qu’attirer châtiment s’il n’y a pas compensation.

Si, forts de ces considérations, nous revenons aux occurrences du Nouveau Testament, il devient très fécond de voir que les rédacteurs bibliques ne jugent pas l’eunuque pour rien et qu’à lui aussi est ouverte l’offre de salut. Tu n’es pas rien, tu es un homme, avec ton histoire certes, mais aimé et attendu par Dieu.

Dans la culture romaine

Maintenant si l’on regarde la culture romaine, il semble que la religion antique s’en mêle un peu puisque seuls des hommes castrés pouvaient être prêtres de certains temples et qu’on a pu trouver des rites un peu sanguinaires par lesquels des hommes s’émasculaient en public et des femmes se coupaient les seins.

Ces rites pseudo magiques sont interdits en 81 avant Jésus-Christ avec nombre de sévices corporels : castration et circoncision (sauf pour les juifs précise Wikipédia) mais aussi l’avortement. Mais malgré l’interdiction la pratique continuera pendant plusieurs siècles. Elle concerne surtout les esclaves achetés sur le marché dont certains aspirent à la liberté grâce à leurs compétences. Diverses et variées. Fonctionnaires, précepteurs, esclaves sexuels des matrones romaines (et probablement des praticiens aussi). Ce qui peut donner source à toutes sortes d’abus puisque cela commence par du commerce d’esclaves : il semble que des enfants de la région de la Mer Noire aient été capturés, réduits en esclavage, émasculés et vendus comme de bons serviteurs qui seront fidèles.

Ces pratiques ne semblent pas concerner l’univers biblique. En tout cas, il n’en parle pas. Et le plus plausible est que, jusqu’à la destruction du Temple en 70 après JC, la région était davantage sous l’influence de la culture grecque que de la culture romaine.

Dans la culture hébraïque, la circoncision

Pour savoir ce qu’il en est de la culture juive, il faut regarder l’Ancien Testament. Le terme hébreu pour désigner les eunuques est cariyc. On ne le trouve que dans 41 versets, ce qui est très peu. Il est en général traduit pas les mots : chambellan, intendant, officier, eunuque. Ils sont en général les serviteurs fidèles de souverains étrangers, exécutant consciencieusement leurs ordres que ceux-ci soient en faveur ou en défaveur du peuple hébreu.

Là encore, comme dans le Nouveau Testament, aucune connotation morale à ce sujet. Il y a des eunuques, ce sont les serviteurs ou les officiers de souverains étrangers. Ils exécutent leurs ordres. C’est ainsi.

De là, on peut conclure ,s’il en était besoin, que cette pratique d’émasculer d’autres hommes quand bien même ce serait des ennemis, ne fait pas partie de la culture juive et chrétienne.

Elle existe à l’étranger. Dont acte. Sans que ce soit un sujet pour les auteurs bibliques.

Alors quel effroi face au comportement d’Origène, un des premiers théologiens chrétiens, qui, pour ne pas succomber à ses pulsions sexuelles, décide de se castrer lui-même, appliquant à la lettre (ah quelle plaie, le fondamentalisme !) la parole de Marc 9, 42-45 selon laquelle il faut couper (apokopto) ce qui te conduit au péché : la main, le pied, l’œil… Pourquoi pas les testicules ?

Tardivement, hélas trop tard, Origène reconnaîtra avoir commis une terrible erreur d’interprétation. Comment Dieu pourrait-il demander de s’amputer d’une partie de son humanité ? Jésus, qui ressuscite dans sa chair, assume l’intégralité de notre humanité. Ne coupe pas la partie de toi qui te conduit à pécher, convertis-la : retourne-la vers le bien.

Dans l’univers hébraïque, une seule mutilation est permise sur soi et les siens et c’est la circoncision (muwl, couper), l’acte de se découvrir devant Dieu, de ne rien lui cacher. Dans son intimité même, là où se manifeste sa puissance sexuelle mais aussi sa vulnérabilité d’être de désir, rien ne doit échapper à l’alliance. Couper le prépuce (arel), c’est apparaître vraiment nu, vulnérable, tel qu’on est, devant Dieu. La racine arel qui désigne l’incirconcis porte l’idée de regarder ou de dévoiler. L’incirconcis (arel – littéralement : celui qui a un prépuce) est donc celui qui ne se dévoile pas, qui ne dit pas tout, qui ne montre pas tout et avec qui les relations sont complexes. Parce qu’il n’est pas droit et n’avance pas en vérité.

C’est le même mot, arel, que Moïse emploie quand il objecte qu’il ne saura pas parler aux égyptiens parce qu’il n’a pas la parole facile (arel). Parole pas facile, pas fluide, pas spontanée, pas suffisamment « connectée » à ce qu’il sait être vrai. Parole recouverte, pas dévoilée, pas transparente.

Moïse dit en présence du Seigneur : « Je n’ai pas la parole facile (arel). Comment Pharaon m’écouterait-il ? » (Ex 6 ;30)

En gros : je perds mes moyens devant Pharaon, ma parole est comme voilée,  couverte d’un prépuce. Comment faire ? Et la réponse de Dieu sera : eh bien tu vas parler à Aaron, avec qui tu as l’air de bien communiquer, de parler en vérité, et c’est lui qui répètera tes paroles à pharaon.

Ici, l’emploi du mot arel, qui d’habitude porte le sens d’être voilé, caché, et est devenu le nom commun pour dire incirconcis ou prépuce, sert à signifier un empêchement de faire.

Voilà pourquoi en Gn 15, la circoncision est un signe de l’alliance. Il n’est pas pour Dieu, il est pour les hommes. Cette alliance conclue, il faudra l’accueillir sans duplicité, sans honte et sans cachotteries pour quelle puisse se déployer. Mais comme le signe physique peut-être lui-même détourné ou trompeur, ce qui va devenir encore plus important ce ne sera pas la circoncision physique mais celle du cœur (Dt 10,16 ; Dt 30, 6 ; Jr 4,4 ; Jr 9,25) : arrêter les petits calculs humains et avancer en vérité vers le Seigneur.

Peut-être est-ce dans le livre du Deutéronome que le sens de la circoncision est le plus clair :

Le Seigneur ton Dieu te circoncira (muwl) le cœur, à toi et à ta descendance, pour que tu aimes le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme, afin de vivre (Dt 30, 6)

Les mots les plus importants : de TOUT ton cœur, de TOUTE ton âme… afin de VIVRE.

TOUTE humanité. Même amputée, émasculée, handicapée.
Car l’essentiel n’est pas là.

TOUTE HUMANITÉ.

Voilà donc que, je n’ai rien à ajouter à mon précédent texte sur le sujet. Si l’eunuque est une métaphore servant à désigner des personnes à orientation homosexuelle, il n’y a aucune condamnation formulée dans les textes qui en parlent.

C’est simple.

 

Z – 1er mai 2025

source photo : peuvre de Philip Gladstone studio

complément sur les eunuques dans la culture grecque : un article intéressant téléchargeable en pdf ici