Il y a quelques jours, j’étais le temps d’un week-end avec des priants.
Des femmes et des hommes de la patience.
Du consentement au temps long.
Au temps non programmable,
sur lequel on ne peut spéculer et qui ne se maîtrise pas.
Des patients.
Tout le contraire de résignés ou de passifs.
Car la patience est un engagement, une veille active et courageuse.

Des femmes et des hommes au souffle long,
qui résistent face au mal,
face à l’intimidation des forts
qui se croient bien vite conformes au bon modèle,
face à la violence faite à tous les humiliés.
Oui, la patience est une dissidence autant qu’une endurance.
Elle dit que ce qui est, maintenant
– l’injustice, la victoire des calculateurs et des simplificateurs –
n’aura pas le dernier mot.
(…)

Il y a quelques jours,
j’étais le temps d’un week-end avec des femmes et des hommes
d’une humanité sans fard, sans masque.
Des vies bien souvent brisées, fracassées par des drames, par des crimes subis.
Des existences considérées par beaucoup hors de notre morale où tout doit être à la bonne place.
J’étais avec des personnes dont un certain nombre sont homosensibles ou transgenres.

Qui étaient-elles? Juste des priants.
Des mendiants, se battant et débattant pour vivre, aimer, être estimés et croire.
Des non-résignés par la douleur qui a pu tant de fois les abattre te les poursuivre.

Secret de la dignité dans le refus de renvoyer sur d’autres les difficultés du vivre.
De ces laboureurs qui ne sont pas fascinés par les apparences des premiers fruits mais savent, les uns par les autres, attendre activement les fruits de l’arrière-saison pour juger de leurs récoltes dans leurs vies.

Des priants comme tout priant en vérité, tendus vers la Parole.
Non la leur, mais celle du Père en son Fils.
La vraie Parole qui libère, redresse et fait la paix au plus profond de chacun,
par en dessous les tumultes qui demeurent et les ombres qui guettent toujours.

Ces femmes et ces hommes,
dans leurs larmes, leurs rires et leurs quêtes,
accomplissement notre vocation à tous,
y compris à ceux d’entre nous
qui avons la chance d’avoir des vies moins cabossées,
peut-être.

C’est celle d’être riche du Christ et de son amitié.

Véronique Margron, dominicaine,
Présidente de la Conférence des religieux de France

Source texte : La Vie du 7/12/2016