On devrait faire un club de poètes
Ash serait notre mentor
Oui, un club de poètes
comme il y eut l’école de Rochefort

Ils ne se prenaient pas la tête
C’était d’abord un groupe d’amis
Avec qui se retrouver était toujours une fête
Des poètes pour raconter la vie

Bouhier, Cadou, Manoll et les autres
Le projet d’une poésie qui va à l’essentiel
Dans cette école il n’y a pas d’apôtres
Chacun raconte le quotidien du ciel

C’est la buée sur la vitre, le souffle du cheval
La marche du facteur, l’amour d’une femme
La beauté du monde qui voisine avec le mal
La persistance vivante d’une petite flamme

Poésie la vie entière !
Poésie quand tu nous tiens
Poésie dans chaque instant qui vient
Poésie l’humanité entière

J’aime quand Cadou l’instituteur
Se met à nous enseigner de douces leçons
Evoque l’école davantage comme une cour de récréation
Dans laquelle tout peut s’écrire sans peur

Ecrire la vie
Ecrire les combats et la torpeur
Ecrire la force de l’amour
Ecrire sans cesse cette folie
Qui fait aller si loin en soi
Qui fait voir plus loin que soi
Qui rend route chose atteignable.

Toute chose, ai-je dit ?
Non, pas toute chose
ce qu’il y a derrière toute chose
toute sensation humaine
toute expérience humaine
toute relation humaine
à autrui bien sûr
mais aussi au vent, aux nuages
aux fleurs, aux animaux aux montagnes
à l’océan infini de ce qui nous relie

Où sont les poètes
qui sont prêts à célébrer ainsi la vie ?
Et toi Ash
où es-tu, où te caches-tu ?
Viendrais-tu dans un tel cénacle
sans craindre pour ta liberté
et sans te dénaturer ?

Les amis
il se pourrait bien
que nous soyons orphelins
Ash est insaisissable
et c’est ce qui fait son charme
c’est ce qui fait qu’à la fois
il nous inspire et nous bouscule
autant.

Nous pensons à tort
être ses amis
alors que c’est lui
qui est notre ami
mais à son corps défendant.

Z – 27 mai 2025

Source photo : photo prise par Austin Distel/ Unsplash

Une fois de plus
je me suis perdu

Je me suis mis à ma table
pour écrire
Un enchevêtrement de mots
avait frayé son chemin en moi
-était-ce dans mon esprit, mon cœur ou ailleurs –
et je voulais le coucher
avant de le perdre

Et puis, j’ai ouvert l’ordinateur
j’ai répondu à un tel
regardé autre chose
partagé une image
lu un poème

Quand je suis revenu à moi
j’avais perdu le fil
de mon existence

Pius rien à dire
plus rien à écrire
Le vide

L’instant d’avant, pourtant,
j’étais relié
à moi-même.

Comme se perd facilement
cette connexion au vivant en soi
qui est pourtant
la seule chose
qui compte

Je veux
– y arriverai-je ? –
revenir à moi
à ce lien
immortel
et universel
qui me relie
à toi, à tous, à moi
à toi, poète

Cet endroit inviolable
où l’on peut se rencontrer.

Z- 10/05/2025

Photo : d’agence sûrement, trouvée sur ce site : https://www.beaconhospital.ie/

Tu écrivais
des textes courts
et percutants
quand, moi, j’écrivais
des textes fleuves.
Tu préférais les miens,
j’adorais les tiens.
Nos inspirations
se répondaient,
se stimulaient,
s’interpénétraient.

Parfois,
nous aurions pu finir
le texte de l’autre
tellement
nous nous connaissions bien,
au point
de nous deviner
et de nous émerveiller
sans cesse
de l’autre.
Mais
c’était tellement
plus charmant
d‘écouter l’autre
parler, lire ou déclamer,
avec tout son coeur,
ses tripes,
son être.

Parfois,
nous lisions en public
des textes anonymes
dont nous savions
qu’il était écrit
de l’autre.
Moments
d’intense complicité
qui nous rendaient forts,
invincibles,
certains
d’une amitié
indestructible.

Ces mots,
ce sont des élans
qui nous traversent
et qui nous nourrissent
nous entraînant
toujours plus loin
vers nous-même…
Nous, chacun de nous,
et nous… nous quoi !

Ces textes
qui s’interpénètrent
comme nos cœurs,
comme nos vies,
nos projets,
nos mains
parfois.

Pas nos corps,
pas tant que ça nos vies
finalement.
Nous avons été séparés
avant de savoir
que cela aurait pu être
possible.

Encore trop enfants
sûrement,
pétris des préjugés
qui nous entouraient,
nous n’avons pas su
accueillir l’évidence.
A un moment,
ca a été plus simple
de tout rejeter en bloc.
Pour toi.
Pas pour moi.

Z – 10/02/2025

source photo : blog tumblr 2sundowner69

“J’aurais pu ne pas m’en sortir, c’est-à-dire ne pas accepter de vivre avec la blessure de l’exil, de la séparation. J’ai des amis d’enfance, que je côtoie encore, qui s’en sortent bien plus mal que moi.

Sans l’écriture, je serais moi aussi, certainement dépressif et inconsolable, une personne sans espoir, incapable d’aller vers l’autre.

C’est vraiment pour cela que j’écris : créer un lien avec l’autre, me prolonger en lui.”

Gaël Faye,
Télérama 3492, 14/12/2016.

Source photo : Philip Gladstone, Untitled (kneeling male nude), Mixed-media on paper

des-choses-a-dire

 

Je voudrais écrire,
je ne sais pas comment faire.

Je voudrais écrire
J’ai tellement de choses à dire.

La vérité, c’est que je ne sais
Même pas lesquelles.

Mais j’ai des choses à dire.

Elles viennent de tréfonds
Que je ne connais pas
Même s’ils sont miens.

Il y a des choses à dire.
Des choses qui veulent s’exprimer.
Des choses qui veulent être.

Etre ?

Est-ce une partie de moi
Qui toque à la porte
Et dit : « ouvre-moi » ?

Peut-être.

J’ai des choses à dire.
Je suis retenu par la convenance,
Par le temps qui passe,
Par de multiples dispersions.

Et pourtant
Je ne suis qu’Un
Et j’ai des choses à dire.

Quoi ?

Zebulon

Source photo : Thomas Bunker, par Cristiano Madureira.