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Deux personnes qui se rencontrent, c’est deux mondes qui se rencontrent.

La chose n’est pas simple, mais au contraire très complexe, la plus complexe qui soit. Chaque personne est un monde en elle-même : un mystère complexe, avec un lointain passé et un futur éternel.

Au départ de la relation, seules les périphéries se rencontrent. Mais si la relation croît en intimité, devient plus proche, devient plus profonde, alors peu à peu, les centres commencent à se rejoindre. Lorsque les centres se rejoignent, c’est ce qu’on appelle l’amour. Lorsque les périphéries se rencontrent, cela s’appelle faire connaissance. Vous prenez contact avec l’autre, de l’extérieur, juste à partir du bord : vous faîtes alors connaissance. Fréquemment, vous vous mettez à appeler votre rencontre amour. Vous êtes alors dans l’erreur. Faire connaissance n’est pas aimer.

L’amour est chose très rare. Rencontrer quelqu’un en son centre, c’est passer soi-même par une révolution, car si vous voulez rencontrer quelqu’un en son centre, il vous faudra lui permettre d’arriver, lui aussi à votre centre. Il vous faudra devenir vulnérable, absolument vulnérable, ouvert. C’est risqué. Laisser arriver quelqu’un à votre centre est risqué, dangereux, car vous ne savez pas ce qu’il va vous faire. Et une fois tous vos secrets connus, une fois votre intimité dévoilée, une fois que vous êtes complètement exposé, que fera-t-il ? Vous ne le savez pas. Et la peur est là. C’est pourquoi nous ne nous ouvrons jamais.

Une simple rencontre, et nous pensons que l’amour est arrivé. Les périphéries se touchent et nous croyons que nous sommes rencontrés. Vous n’êtes pas votre périphérie. En réalité, la périphérie est la frontière où vous finissez, c’est la palissade qui vous entoure. Ce n’est pas vous ! La périphérie est le lieu où vous finissez et où commence le monde. Même des maris et des femmes qui auraient vécu ensemble depuis de nombreuses années peuvent être des étrangers, ils ne se connaissent pas l’un l’autre. Et plus longtemps vous vivez avec quelqu’un, plus vous oubliez complètement que vos centres sont restés inconnus.

La première chose à comprendre est donc : ne confondez pas relation, couple et amour. Même si vous faites l’amour, même si vous avez une relation sexuelle, le sexe est, lui aussi, à la périphérie. A moins que les centres se rencontrent, le sexe n’est que la rencontre de deux corps. Et la rencontre de deux corps n’est pas votre rencontre. Le sexe, lui aussi, reste une relation superficielle – physique, corporelle, mais toujours superficielle. Mais vous ne pouvez permettre à quelqu’un de pénétrer jusqu’en votre centre que si vous n’avez pas peur, que si vous n’avez aucune crainte.

Aussi, je vous dis qu’il y a deux sortes d’existence. L’une est dirigée par la peur, l’autre par l’amour. Vivre dans la peur ne pourra jamais vous permettre une relation profonde. Vous restez craintif et vous ne pouvez laisser faire l’autre : vous ne pouvez lui permettre d’entrer en vous vraiment jusqu’à votre cœur. Vous tolérez l’autre jusqu’à un certain point, et puis c’est le mur et tout s’arrête.
Celui dont la vie est tournée vers l’amour est l’être religieux et spirituel. Etre tourné vers l’amour veut dire : ne pas avoir peur de l’avenir, ne pas avoir peur du résultat ni des conséquences : vivre ici et maintenant.

 
 

Osho

Mon chemin, le chemin des nuages blancs

 

Main-dans-tes-cheveux

Ce que nous sommes les uns aux autres
(La main dans les cheveux)

Nous étions côte à côte.

Tu me parlais de ta vie,
tes peurs, tes rêves,
tes difficultés,
de ce sentiment d’enfermement
qui t’oppresse,
de tes désirs d’avenir,
de vivre.

Je t’écoutais.

A un moment, sans y penser,
j’ai passé ma main dans tes cheveux,
et l’ai laissée caressant l’arrière de ta tête.
Machinalement.

Toi, tu parlais, tu parlais.
Je t’écoutais,
totalement absorbé parce que tu confiais.

Tu as continué ainsi un certain temps.

Tout à coup,
tu t’es relâché,
laissant aller ta tête en arrière
et, les yeux fermés,
dans un soupir, tu as murmuré :
« Ca fait du bien ! »

Alors seulement,
j’ai pris conscience de la situation.
Nous deux,
toi, moi,
et ce geste :
ma main caressant ta tête.

Nous sommes restés ainsi
quelques instants en silence,
tu savourais ce moment, enfin détendu.

Que sommes-nous l’un à l’autre ?
Je l’ai fait sans y penser, sans calcul,
sans m’en rendre compte à vrai dire,
et c’était le geste approprié.

Que sommes-nous l’un à l’autre ?
Cette capacité à faire du bien
qui est là et se transmet
sans qu’on sache ni pourquoi ni comment.

Je m’étonne et m’émerveille
de ce qui se produit par moi,
cette sorte de prescience
qui agit à propos sans rien demander.

Quelque chose ou Quelqu’un,
ou quelque part,
en moi,
savait ce qui convenait et l’a fait
sans que cela vienne à ma conscience.

Si j’avais su, ou pensé,
les normes sociales et l’éducation m’auraient retenu.

Oui,
nous humains,
que sommes-nous l’un à l’autre ?
Quel est ce mystère qui fait
que, lorsqu’on y est disponible ou disposé,
la rencontre se fait de manière
communielle ?

Instant de grâce.

Zabulon – 22/11/2014

 

Junayd-01

Puisses-tu ne pas être « absent », par toi,
de la présence qui est en toi,
et puisse la présence en toi
ne pas être absente, par toi, de toi !

 

Puisses-tu ne pas être un obstacle à ton état spirituel
par le changement que tu opères en toi,
et puisse ton état spirituel ne pas être un obstacle à toi-même
par le changement qu’il opère en toi !

 

Puisses-tu ne pas te séparer de la réalité
des révélations qui te sont faites,
et puissent tes révélations ne pas se séparer de toi
par l’absence qu’elles provoquent !

 

Puisses-tu ne pas cesser d’être, dans la prééternité,
le témoin de la prééternité dans ta préexistence,
et puisse la prééternité ne pas cesser de confirmer
ce qui a cessé de toi !

 

Puisses-tu alors être là où tu étais,
en tant que tu n’étais pas
avant d’être rendu au monde par ta singularité
et confirmé dans ton unicité,
sans aucun témoin pour te faire prendre conscience de toi-même.

 

Puisses-tu ne pas être absent du Mystère divin
par ton absence de toi-même !
JUNYAD
(Lettre àYahyâ Ibn Mu’âdh Râzi)

benis-de-mon-pere 01

Jésus parlait à ses disciples de sa venue (…)
Le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : ‘Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !

(Mt 25, 34-36)

e7b0f271871032cb15e5b19ca698172dMon cher petit,

Je voudrais te dire pourquoi mon plaisir a été si grand, hier, lorsque tu m’as joué cette sonate de Schubert.
Tu voulais à tout prix me la jouer, tu avais peur, tu m’avais mis la partition dans les mains, sans doute pour te faire plus petit, alors que tu es si grand.

Tu attendais « des conseils »

Mon Dieu. Tu as de ces mots.

D’abord, le travail avec toi est un luxe. J’ai l’impression de voir des chaussures de prix, comme je n’en aurai jamais (toi, si, sans doute) : en cuir très fin et très souple, qu’on ne doit pas sentir aux pieds tant elles sont légères. On a passé du cirage dessus : il n’y faut plus qu’un petit coup de chiffon, elles brillent.

Moi, je ne me préoccupe pas de la fabrication de la chaussure, ni de sa taille, ni même du cirage. Je viens avec mon petit chiffon, je frotte, et la voilà somptueuse.

Surtout (pardon, mais je ne trouve pas d’autre manière de le dire), j’ai cru entrer en toi. Comme par une porte.
Un jour, en écoutant jouer le vieux Cherkassky, j’ai cru qu’il était devenu transparent, qu’on lui voyait l’âme à travers le corps. J’avais été excessif, j’avais hâte de faire des expériences.

Ce que j’ai ressenti hier était absolument nouveau. Peut-être unique.

J’ai vu comment tu étais au plus profond de toi, et c’était d’une grande beauté.

Ta manière de jouer le mouvement lent te disait tout à fait : l’absence de complète méchanceté, de vice, de mensonge, de désespoir.

En revanche, une présence active, de la tendresse (trait dominant, 95% du mélange), de la mélancolie, quelque chose de triste et de déçu, qui se mêlait drôlement au goût de la gaîté, à laquelle tu t’accroches comme à une certitude, l’amour du bien, du poli technique ; de l’énoncé clair et pur des lignes, dans le finale, le mépris de la facilité et de la disparate, la délicatesse des sentiments, la droiture de la pensée, le contrôle des actes, la morale en action (et non en réaction).

J’ai lu en toi « comme en un livre ouvert ».
Tu étais dans ce que tu jouais. Que m’importait Schubert, alors ! Ou plutôt, sa sonate ! Tu te rappelles ce que disait Giacometti ? « Si ma maison brûle, entre le Velázquez et le chat, je n’hésite pas, je sauve le chat. »
J’ai compris hier ce qu’il disait ; et je m’émerveille de l’avoir compris. Tu rends meilleur celui qui sait t’écouter ; et je m’émerveille d’avoir su le faire si vite, de ce que tu aies su me l’apprendre.

Tu as reçu ce don rarissime, le même que celui dont Schubert avait hérité, et que je ne sais pas nommer. (Un jour, peut-être, j’en trouverai le nom, et ce sera, somme toute, une immense victoire que je remporterai sur ma faiblesse. Quand on ne sait pas nommer une chose, c’est qu’on ne l’a pas en soi.)

Porte-toi bien, ne grandis pas trop.

 

Jacques Drillon, in « Propos sur l’imparfait »

 

source : Loquito in anotherdaylight