Belle, sensible, habitée et imparfaite
— tel est le cours de l’existence.

Lâcher prise, se purifier, accueillir.
Rire, pleurer, se laisser traverser.

Trier, ordonner, transformer.
Se remplir, s’inspirer, laisser la lumière affleurer.

Entraînés dans le jeu de la vie,
des coeurs étrangers-familiers se rejoignent :
ils se frôlent, se rejoignent, s’étreignent
et s’étendent aux dimensions de l’univers.

Ce n’est ni facile ni difficile.
Cela se fait ni seul ni vraiment ensemble,
mais cela concerne tout le monde.

Dans une confiance encore hésitante,
on abandonne la surface,
on plonge en profondeur
et on remonte une perle.

Un souffle, une pause…
et déjà un nouveau collier se forme.

L’espace est la toile,
le coeur est l’horloge.

Nous sommes le fil qui relie tout ça,
Nous sommes le flux corps-esprit:
vivons-le joliment et disparaissons.

Timur Simakov

Talentueux modèle, Timur Simakov a quitté depuis quelque temps le monde surfait de la mode pour se consacrer à des projets plus personnels, d’abord artistiques, éthiques et finalement spirituels par un long cheminement intérieur qui l’a amené à pérégriner en simple voyageur en de nombreuses contrées asiatiques. Le texte reproduit ci-dessus en français a du mal à traduire l’original publié en russe et en anglais par Timur. C’est un texte très profond qui est à la fois dense, elliptique et rythmé — typique d’une écriture russe contemporaine où des adjectifs juxtaposés créent une atmosphère plus qu’une description. La juxtaposition de mots à la fois simples et profonds sert à évoquer la non-dualité qui règne derrière nos limites humaines. Cela est quasiment impossible à rendre compte en français sauf à déjà être introduit dans cet esprit et en comprendre immédiatement les nuances. Ce qui fait que j’ai dû ajouter des mots, du liant, pour rendre compréhensible ce texte, au risque de dénaturer un peu ce qu’essaie de transmettre l’auteur.

Le thème en est la non dualité imposée par notre incarnation et ce chemin intérieur à parcourir pour rejoindre cet espace pacifié où tout se rejoint. Une métaphore suggère que cela se fait tel un pêcheur de perle qui quitte la surface pour rejoindre la profondeur et, perle après perle, assemble un joli collier, dont nous sommes le fil. La “toile” est une allusion à la toile du peintre (Timur est aussi doué pour le dessin et la peinture) : la toile où se peint notre existence, c’est l’espace tout entier dans lequel nous évoluons ; l’horloge en est notre coeur qui bat, tant qu’il bat. L’instant qui nous est donné, faisons joliment ce collier, laissons advenir cette non dualité qui nous permet d’aimer aux dimensions de l’univers, puis disparaissons dans ce grand tout infini.

Le parcours de cet homme est étonnant, fascinant même.

Source texte et image: Insta de Timur Simakov (@timurmurtimur)

Vous tous qui commettez l’injustice. (Lc 13,27)

– Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens qui soient sauvés ?

Bah oui, réponds Jésus. C’est comme ça, je n’y peux rien. C’est vous aussi… Vous n’écoutez pas.

– Mais on a mangé et bu avec toi, tu nous as fréquentés, on t’a écouté nous enseigner sur les places publiques !

Euh, je sais pas ce que vous avez écouté, mais en tout cas pas vous avez pas mis grand-chose en pratique, les amis ! Voilà comment ça va se passer : c’est comme quand à la nuit tombée, c’est l’heure de fermer les portes de la maison pour être à l’abri. Après, ce n’est plus le moment de toquer à la porte.

– Mais c’est qui les gens qui sont à l’intérieur ? Pourquoi nous on est à l’extérieur ?

C’est qui ? Ben, euh, y’a Abraham, Isaac, Jacob… et,euh, ben, oui, tous les prophètes, quoi ! Et pis des gens de partout, de l’Orient, de l’Occident, du Nord, du Midi, de partout quoi, pour prendre part au festin. C’est pas une question de nombre, les gars, y’a de la place, hein ! C’est pas une question de pureté ni d’identité non plus puisqu’il y a des gens de partout.

– Mais alors, c’est injuste ! Nous, tu nous connais !

Ah ça, c’est marrant que vous parliez de justice. Parce que oui, moi je vous connais, mais vous, au fond, vous ne me connaissez pas. Sinon, vous sauriez quel est le critère pour accéder au Royaume des cieux : c’est de ne pas commettre l’injustice.

(Libre compréhension de Lc 13, 22-30 – Evangile de dimanche prochain)

Mais alors de quelle injustice parle-t-on ? En fait d’aucune en particulier et de toutes en général. La justice, c’est celle de Dieu, et pour le croyant la bonne attitude est de se conformer à cette justice-là. Or il se trouve que Dieu, lui, il fait pleuvoir sur les pauvres et les riches, les justes et les méchants. Il ne juge pas les humains, il pratique l’équité. Assez souvent, dans la bible hébraïque, les mots employés pour traduire l’expression « il ne commet pas l’injustice » peuvent se dire aussi sous la forme suivante : il ne pratique pas l’iniquité, il ne fait pas de mal à autrui.

C’est subtil et simple à la fois : Dieu aime tout le monde mais il ne pratique pas l’injustice, il veut rassembler tous les hommes mais ne peut pas accueillir les personnes qui seraient injustes. En quoi consiste l’injustice ? A se juger et s’exclure les uns les autres, quel qu’en soit le critère. Dans la suite de l’Evangile de Luc, Jésus rappelle que souvent Dieu a envoyé des prophètes pour rassembler comme une poule rassemble ses poussins. Dans l’Evangile de Jean, Jésus insiste sur cette mission de rassemblement, d’être uns, de ne perdre personne – ce qui sera ultimement accompli par sa mort consentie sans en faire porter le poids à quiconque.

Alors peut-être serons-nous tous sauvés. Probablement même si l’on s’en tient à cette théologie. Mais, sauvés pour sauvés, si nous appliquions un peu cette justice qui consiste à n’exclure personne, peut-être le monde serait-il meilleur, pus humain, plus proche du cœur de Dieu ?

Je pense que je n’ai pas à faire un dessin sur ce qu’il en serait de l’accueil des personnes homosexuelles. Au même titre que n’importe quelle autre personne.

Source images : The Naked Pastor : Get out ! & It’s complicated

Laisser le temps filer
Comment filent les mots, les pensées, les nuages

Ne rien faire
Ou plus exactement arrêter ce qu’on fait.

Se taire si on peut
Enfin, taire le brouhaha intérieur

Ecouter
et écrire.

« Tais-toi et écris. »

Le plus précieux conseil
que j’ai reçu de Ash.

Que j’applique parfois.

Z- 05/08/2025

Illustration, homme écrivant, suscitée avec l’IA de Canva.


Dis-lui, toi,
car moi, il ne m’écoutera pas.

Dis-lui ce qu’il sait déjà,
que la vie est souffrance et résilience,
qu’elle est chute et combat.

Dis-lui ce qu’on oublie tous
quand cette folle apparaît,
la tentation de la désespérance.

Rappelle-lui qu’il écrit
justement pour crier la vie qui veut vivre,
justement quand on veut le lui ôter.

Rappelle-lui qu’il écrit
pour parler au nom de ses amis, de ses amours,
parce qu’il n’est pas question qu’ils meurent.

Mais que se passe-t-il ?
La page blanche, la veine épuisée,
L’amour enfui, la mesquinerie des gens ?

Quoiqu’il arrive,
mon ami poète tu m’aides à vivre
et ce que tu portais tu le portes encore en toi.

Faut-il renoncer
quand les vents contraires arrivent ?
Souvent ils annoncent de nouveaux printemps.

Ne lui dis pas que je suis triste
qu’il se dévalue et se dénigre ainsi :
niais, minable, pitoyable, quelle bêtise !

Est-ce que les mots des autres
peuvent le rejoindre et l’aider à tenir,
et à faire face à tous les jugements ?

Dis-lui, s’il te plaît
que ces soubresauts eux-mêmes
dévoilent la beauté de son humanité.

Et sont sa force finalement.

Dis-lui, toi, si tu peux
car moi, il ne m’écoutera pas.

Z- 26 juillet /4 août 2025

Souviens-toi, poète :

Pourtant t’es beau, comme une comète
Je t’ai dans la peau, je t’ai dans la tête
Et quand bien même
Y aurait que moi
Tu peux pas t’en aller comme ça

Parce que t’es beau
Comme une planète
Je t’ai dans la peau, je t’ai dans la tête
Je te le répèterai
Tant qu’il faudra
Tu peux pas t’en aller comme ça

#FAUVE


Illustration : Timur Simakov

Quand tu es parti
j’ai serré les poings
j’ai serré les fesses
j’ai serré mon coeur
j’ai dit Je serai fort
Je t’attendrai

Ce n’était pas vrai
je n’étais pas fort
je me suis enfermé
dans le personnage
de quelqu’un de fort
jusqu’à me mentir

C’est toi
qui me rendais fort
Sans toi
je surjoue l’homme fort

Mais je savais que tu reviendrais
Tu me l’avais promis
Alors je t’attendais
et je pleurais parfois
secrètement
en pensant à toi

Alors ok pour souffrir un peu
si c’est le prix à payer
pour te retrouver
pour exploser de joie
et sentir à nouveau
mon coeur se dilater
aux dimensions de l’infini
quand on se retrouvera
Je t’attendais

Tu n’es pas parti
On nous a séparés
Ça semblait logique
qu’elle était vraie
notre promesse
de nous retrouver
Je t’attendais.

Tu n’es jamais revenu.

Z- 2 août 2025

Source image : Kirill Karpenko et Devon Broughton photographiés par Alfoso Anton Cornelis