S’il suffisait d’être là
Pour être,
Sans se gratter la tête
De pensées parasites,
S’il suffisait
De partir pour oublier,
De saisir pour aimer,
De courir pour avancer,
La vie serait simple.
S’il suffisait d’écrire
Pour être lue,
Je serais entendue !

Dominique Giovanetti

Source texte : cité dans La Gestaltung de Hans Prinzhorn

Image : Kontra K, rapper allemand.

Qu’est-ce qui nous dérange dans notre sexualité et notre génitalité? L’être nous effraie, nous nous intéressons à scruter l’univers en envoyant des sondes spatiales mais nous ne pouvons pas nous voir nus et cela ne nous inquiète pas, ou nous prétendons que ce n’est pas de la peur mais de la morale et de la protection.

Ceux qui osent se déshabiller sont considérés comme des provocateurs et des transgresseurs, couverts de préjugés en l’absence de vêtements. Nous les mettons de côté et ils ont besoin de nombreux permis spéciaux afin de ne pas offenser la grande majorité habillée. Comme si les vêtements faisaient vraiment partie de notre être.

Sanango Sinchi

Modèle : Polo Velasco photographié par Roberto Pacurucu
Source texte et photo : www.rpacurucuph.com

 

Soyez vous même,
Aimez la Vie,
Celle que vous avez vécue et celle que vous vivez,
Celle que vous aimeriez vivre aussi.

Soyez des poèmes,
Des fleurs pour vos ami(e)s,
Celles qui font sourire et celles qui prônent l’été,
Celles qui embellissent les murs aussi.

Chantez, dansez, riez, osez,
Comme dans vos souvenirs,
Quand vos rires d’enfant jouissaient à l’emporte pièce.



Ainsi, lâchez de vos reins les souffrances injustes,
Les peines à contre coeur,
Et les larmes acides.

Pour être dans le Bonheur il suffit bien souvent,
De tourner son regard vers le Soleil levant…



Alors, la Lumière endormie au fond de votre coeur
Se rêvera debout,

Et tout autour de vous se chargera d’Amour…
En dedans de vous même laissez-vous conquérir
Par cette force de Vie qui transporte les barques,
Depuis la Nuit des Temps.

Johan Géma

 

Source: post du 10 mai 2012 sur anotherdaylight.wordpress.com (site fermé par l’auteur)

Le sens de notre vie est finalement simplement d’être qui nous sommes, et cela tant qu’un souffle nous est encore prêté.

C’est très simple à dire mais, en vérité, avec l’âge, on découvre qu’être qui nous sommes est un cheminement : être capable de revenir à l’état d’enfance, où l’on se reçoit avec émerveillement sans penser, sans réaction de survie, sans conditionnement. Etre capable de revenir à cet espace caché au fond de nous, qui veut être et qui n’attend que nous pour s’épanouir. Des années durant, nous nous sommes protégés. C’était normal et nécessaire : pur instinct de survie. Nous avons acquis des automatismes, forgé des croyances, bâti une personnalité pour nous protéger. Et, souvent, nous nous sommes identifiés à ces masques qui finissent pourtant par ne plus nous convenir. Ils ne nous conviennent plus d’abord parce qu’ils sont faux, et parce que notre être profond n’y trouve pas ou plus son compte. Et puis surtout, cet être profond veut advenir. Nous sommes sur terre pour cela. Nous sommes vivants pour cela.

Pour que l’expérience de vie soit complète, il nous faut nous retrouver. Cela peut sembler douloureux au départ car il nous faut enlever ces masques auxquels nous nous sommes identifiés et qui nous collent parfois à la peau ou à la mémoire. La peur nous retient : peur de l’inconnu, peur de la vulnérabilité, peur de la nudité. Et paradoxe des paradoxes : la peur d’être, alors que nous sommes ici pour Être. Il y a donc comme une réconciliation avec nous-mêmes à opérer, avec beaucoup d’humilité : peu importe ce que je serai, je serai qui je suis déjà et aspire à être depuis mon origine. La forme ne compte pas. Une fois que l’appel intérieur a été entendu, il faut avancer: c’est le temps des retrouvailles annoncées, le temps de l’espoir, le temps de la joie. Rien, plus rien, ne peut détourner de ce chemin intérieur.

Un deuxième obstacle peut être ressenti au niveau des émotions, et notamment de la tristesse. Celle d’avoir été abandonné, laissé seul, pas reconnu, pas aimé ou pas suffisamment aimé. Cela aussi est un leurre. Dans son développement humain, l’être que nous sommes n’avait peut-être pas les moyens de sentir qu’il était voulu, aimé et éminemment digne et respectable. il a pu développer des stratégies qui sont venues renforcer ou colorer d’une teinte particulière, ici ou là, ses masques. Mais au fond, il est. Et s’il est, c’est qu’il est sans besoin de le mériter, sans besoin de reconnaissance extérieure. Le simple fait d’être dit l’amour de Dieu – certains diront “de l’univers” – à notre endroit. Aussi, un jour, vient également cette révélation intérieure : je suis infiniment aimable par le seul fait que je suis. Je ne suis pas abandonné, je suis invité à me retrouver. Je croyais être perdu, lâché par l’univers. Je suis invité à me retrouver, en moi, en cet espace où tout est stable et sécurisé, cet endroit où l’être que je suis peut s’épanouir.

Un troisième obstacle peut survenir sous la forme de colère. Colère d’être obligé de se battre, colère de devoir se défendre, colère de devoir mener un combat pour survivre. Qu’on l’appelle combat pour la justice, pour la dignité, pour la liberté ou la solidarité, cette colère a les mêmes fondements : il a fallu se battre pour survivre et c’était dur et cela a façonné notre personnalité. Cette colère est parfois encore très présente et fait réagir instinctivement pour des causes que l’on croit justes alors que, quelques justes qu’elles soient, c’est notre réaction qui prédomine comme une réponse, devenue conditionnée, au danger de paraître tel qu’on est : faible, vulnérable, fragile, et si beau ! Parfois la colère est niée et anesthésiée et, au contraire d’être assumée, elle est fuie comme un cataclysme violent qui monterait et n’arrangerait rien. Parfois, elle est à peine perceptible et va se nicher dans des détails imperceptibles pour autrui, une sorte d’exigence faite d’amertume et de regret, le désir d’être parfait par soi-même puisque la vie ne nous donne pas cette perfection. Cette colère, quelque soit sa forme est signe du désir de vivre en nous, fût-ce par le combat. Vient un temps où l’on peut saisir qu’il n’y a rien, ou plus rien, à combattre, mais seulement à être.

Zabulon – 9 juillet 2017

PS – Ce texte m’a été inspiré en réponse au questionnement d’un lecteur internaute assidu. Qu’ils en soit remercié !

Source photo : Gus Kenworthy, champion olympique de ski (médaille d’argent aux Jeux olympiques d’hiver, 2014)

 

“Moi, je ne le connaissais pas ;
mais, si je suis venu baptiser dans l’eau,
c’est pour qu’il soit manifesté à Israël.”

Jean 1,31

 

Une Déclaration de Jean, le baptiste : “Je ne le connaissais pas !”

Quelle belle manchette en perspective !

On lit ou on écoute parfois trop vite les Evangiles, et on se laisse influencer par le prisme global, l’impression de déjà savoir, d’avoir compris.  Si l’on s’arrête quelques instants sur ce verset, il y tant de belles choses à  découvrir, tout un programme de vie !

“Je ne le connaissais pas…”

Du verbe eido en grec, qui a  donné par exemple le mot idée.  Il s’agit de voir, ou percevoir, en étant attentif. Donc Jean, le baptiste,  est en train de nous dire : je ne voyais pas, je n’avais pas idée de qui il était, je ne le connaissais pas vraiment.

La tradition nous rapporte que  Jean et Jésus étaient cousins. On peut donc imaginer qu’ils se soient croisés une fois ou l’autre, qu’ils s’appréciaient ou pas, qu’ils avaient entendu parler l’un de l’autre.

Et pourtant, Jean nous fait cette déclaration : Je n’avais pas idée de qui il était.

En creux, admirons et accueillons pour nous-même la posture de Jean le baptiste : il n’a pas idée de qui  est vraiment l’autre et il ne l’affuble pas non plus de fausses idées. Pas de projection, pas  de transfert, pas d’étiquettes. Cet homme-là pourra se révéler autre que ce qu’il paraît, autre que ce qu’on connaît de lui, il pourra se révéler tel qu’il est : le chemin est ouvert.

Et si c’était vrai de tout homme? De l’autre bien sûr. Mais aussi de moi. Est-ce que j’ai idée de qui je suis vraiment? Suis-je prêt à laisser l’Esprit jaillir en moi et me dévoiler qui je suis?

“Je suis venu baptiser dans l’eau”

Intéressante formule. D’une part, le baptiste évoque un mouvement volontaire, celui de venir : emploi du verbe erchomai qui peut vouloir dire aussi apparaître. Le baptiste est conscient de remplir une mission et celle-ci est très concrète: baptiser dans l’eau.

Le mot baptizo évoque l’idée d’être immergé, ce qui n’est pas simplement être plongé (verbe bapto). Il y a bien sûr une connotation purificatrice mais ne glissons pas trop vite dans les métaphores car la formule employée ici est très concrète : être immergé dans l’eau.

La mission du baptiste est donc d’aider les gens à entrer complètement dans l’eau, à en être recouverts. C’est comme si, tout seuls, ils ne pouvaient pas le faire. Comme si le danger était grand de rester en surface, de garder une partie émergée, de ne pas tout donner, de ne pas s’abandonner tout entier.

Le baptiste est venu pour baptiser dans l’eau, pour immerger complètement la personne dans l’eau. Et cette eau (le mot hudor, qui vient de huetos, la pluie), évoque autant l’eau de la création, celle des grands océans, que l’eau claire qui sert à se laver, se purifier ou se désaltérer.

L’être tout entier semble nécessiter d’être plongé dans l’eau de la création et y retrouver sa purification. Mot un peu démodé qu’on pourrait peut-être traduire aujourd’hui de la manière suivante, pour être bien compris : plongé totalement dans l’eau originelle, pour retrouver sa dignité, son sens, son être.


“C’est pour qu’il soit manifesté à Israël”

“Manifester” est une mot français qui a aujourd’hui bien d’autres connotations. Ici, c’est le verbe phaneroo qui est employé, ce qui signifie rendre manifeste, faire connaître, exposer. On retrouve le même verbe employé par Jean, l’Evangéliste, dans le récit des noces de Cana : “Tel fut, à Cana en Galilée, le premier des miracles que fit Jésus. Il manifesta (phaneroo) sa gloire, et ses disciples crurent en lui.” (Jn 2, 11) ou, pour ne prendre qu’un exemple dans les autres Evangiles : “Car il n’est rien de caché qui ne doive être découvert (phaneroo), rien de secret qui ne doive être mis au jour.” (Mc 4, 22).

Cette “manifestation” n’est donc pas une épiphanie au sens où Dieu se manifesterait dans toute sa gloire et sa grandeur, d’une manière grandiose. Elle est davantage le dévoilement discret d’un secret pour ceux qui y prêtent attention, le dévoilement du secret de qui est vraiment l’être de Jésus. Peut-être, un dévoilement pour lui-même, si l’on écoute les autres évangélistes à propos de cette scène baptismale puisqu’ils entendent une voix de l’extérieur dire “Celui-ci est mon Fils bien aimé”

Ici, dans l’Evangile de Jean, et même si ce verset le suggère déjà, les versets suivants préciseront que c’est Jean, le baptiste, qui perçoit l’être de Jésus au moment où il est immergé dans l’eau. Et l’être de Jésus est qu’il est le Fils de Dieu. Son immersion dans l’eau permet de faire “apparaître”, de manifester, l’Esprit de Dieu qui descend sur lui :

“Moi, je ne le connaissais pas,
mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit :
‘Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer,
celui-là baptise dans l’Esprit Saint.’
Moi, j’ai vu, et je rends témoignage :
c’est lui le Fils de Dieu.”
(Jn 1, 33-34)

Sur qui tu verras l’Esprit descendre (katabaino, qui peut vouloir dire aussi venir, arriver sur) et séjourner (littéralement “s’arrêter”, meno).”

Le baptême de Jésus, l’immersion totale dans l’eau, a donc pour effet de révéler que cet homme-là est complètement agréable à Dieu et que l’Esprit de Dieu peut venir habiter complètement en lui.

Jean, le baptiste, nous dit donc : ce Jésus, je n’imaginais pas qui il pouvait être. J’étais venu, inspiré par l’Esprit de Dieu, pour aider les gens à retrouver leur être profond par cet acte de les immerger totalement dans les eaux. Et sur celui-ci, Jésus, dont je n’avais pas idée de qui il pouvait être, au moment où je l’ai immergé, j’ai vu l’Esprit de Dieu se manifester en lui, dévoiler qui il est vraiment : le Fils de Dieu, l’humanité en marche, Dieu avec nous.

C’est pour que…

hina, que l’on traduit parfois par “afin que” mais, à mon sens, cela fausse le sens. Car ce mot qui ultimement semble venir de autos (lui ou elle-même) n’indique ni une relation de cause à effet, ni une conséquence, mais plutôt une sorte d’apposition et d’intensité : Je suis venu baptiser et ainsi son être s’est manifesté.  A celui-là. Et celui-là, c’est le Fils de Dieu. On retrouve tout le long du texte , cette insistance démonstrative : c’est celui-là, celui sur qui est venu et a demeuré l’Esprit de Dieu, c’est celui-là le Fils de Dieu.

Mais nous parlons du Baptiste, nous parlons de Jésus. J’ai renoncé depuis longtemps à regarder l’Evangile comme apportant une Parole qui me serait extérieure. Si je considère donc l’Evangile intérieur, j’essaie de me laisser aller à cette immersion totale de ma vie dans les eaux de mon lointain baptême, dans les eaux vivificatrices de mon adhésion à Jésus-Christ. Je ne veux rien savoir à l’avance de qui je suis, je ne veux rien savoir de qui j’étais ou croyais être. Mais seulement pour aujourd’hui, Seigneur, toi qui habites mon être, viens me révéler à moi-même, que je sois celui-là que je suis vraiment.

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Source photo : Philippe Brunel Photography sur facebook et flickr