En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
“Si vous m’aimez,
vous garderez mes commandements.”
Jn 14,15

Silence

Hormis quelques récentes publications pendant le confinement, j’ai été peu présent sur ce blog depuis plusieurs mois. Et certains lecteurs, gentiment se rappellent à mon bon souvenir et m’enjoignent de publier à nouveau.

Je suis touché d’avoir des amis qui me lisent et m’attendent dans le monde entier. Ce n’est pas une question de nombre puisque ce blog, étant donné son sujet, est et restera d’audience limitée. Mais, bien sûr, cela me touche et je me retrouve face à moi-même me demandant ce que je dois faire.

Qu’ai-je de particulier sinon d’écrire sur des sujets qui me tiennent à coeur, … – j’ai écrit « des » sujets » , en fait un seul et unique sujet : être gay et chrétien. J’utilise clairement ce blog pour sortir, sous couvert d’anonymat, l’être que je suis, devenu conscient par je ne sais quel mystère que seule l’authenticité me sauvera et de la tristesse et de l’angoisse et de la torpeur et encore plein d’autres sentiments compensatoires. Ce faisant, l’écriture est thérapeutique et aujourd’hui je ne sais plus très bien quoi exprimer à ce propos tant il est devenu clair pour moi qu’être gay et chrétien n’est pas un problème.

Cependant, cela le reste pour nombre de chrétiens, qu’ils soient des « hétéros » qui ne comprennent pas ou des « homos » handicapés dans une conception étriquée de la vie chrétienne. Cela je l’entends, je le vois, je le mesure. Je suis touché de la confiance qui m’est manifestée pour aider d’autres personnes à avancer sur ce chemin et, en même temps, je me sens si petit, si impuissant, si désemparé. Je n’ai, je l’ai déjà dit, que la recherche de mon authenticité à offrir. Forcément subjective, forcément incomplète, forcément en chemin.

Je ne comprends pas bien ce qui se passe mais si les mots que je mets sur ce que je peux ressentir et exprimer peuvent aider d’autres personnes, je n’ai pas envie de me défiler.

Sidération

Parmi les autres raisons à mon silence depuis ces longs mois, il y a cependant une autre raison que j’aimerais signaler. C’est la sidération dans laquelle je suis devant toutes les affaires d’abus sexuels, et en premier lieu de pédophilie, d’une part, et les révélations – en fait les confirmations de ce que je savais déjà – du livre de Frédéric Martel, Sodoma, d’autre part.

Je n’entrerai pas dans le débat « comment en est-on arrivé là ? » car ce n’est pas le propos de ce blog. Non, ce qui me sidère et m’interroge, c’est ma propre torpeur, mon silence, mon manque d’activisme à agir comme bon je l’entends puisque ma conscience me fait percevoir des choses que l’Eglise ne m’enseigne pas.

A l’instar de ce qu’exprime très bien Frédéric Martel dans son livre, je me fiche éperdument d’apprendre ou de savoir que tel ou tel membre du clergé ait une orientation homosexuelle et même qu’il ait un ami ou un amant. Au contraire, je le respecte, et j’imagine à quel point cela est difficile à vivre de se découvrir/s’accepter sur le tard homosexuel alors qu’on pensait parfois pouvoir être chaste et continent, et peut-être pouvoir être libéré de ses pulsions sexuelles. Las, la chair (au sens noble, basar) reprend ses droits, et cette chair, c’est aussi là que s’incarne notre être : impossible de fuir ! Chacun est face à lui-même dans cette découverte de sa sexualité, et, au-delà, de son besoin de tendresse reçue et donnée, de tendresse partagée.

Pour des raisons qui me sont encore un peu mystérieuses, il semble que pour les hommes homosexuels, la tendresse et la sexualité soient très liées et que le besoin de sexualité soit difficile à refréner, et vient assez vite la question : au fait, au fond, pourquoi le refréner ?

Chacun est donc seul face à cette découverte de lui-même et les responsabilités qui en découlent. Et c’est là que le bât blesse. Je suis sidéré, pour ne pas dire indigné, par ces ecclésiastiques, mais on pourrait l’étendre à l’ensemble des laïcs chrétiens parfois pères de famille, qui d’un côté se vautrent dans l’homophobie, l’enseignent, la propagent, et dans une double vie honteuse vont chercher du plaisir dans les bras d’autres hommes, parfois avec de l’argent, parfois avec des relations sado-maso, et comme dans le cas de ce désormais célèbre cardinal colombien, tête de pont des combats de Jean-Paul II en Amérique Latine contre le communisme et l’homosexualité, à coût de violences après l’acte sexuel comme si cette violence tarifée pouvait expurger la jouissance ressentie et l’acte pulsionnel qu’ils n’ont pas pu s’empêcher de commettre.

J’ai qualifié de « honteuses » ces double-vies là. Pas la double vie en général tant il est vrai qu’elle peut être aussi une solution selon le contexte dans lequel on se trouve. Mais ce qui est honteuse, c’est cette opposition de valeurs dans l’extrême qui pousse à condamner d’un côté et à en faire fi de l’autre côté. Combien d’ados en recherche de leur identité se sont trouvés mal, ont eu peut-être des tendances suicidaires – voire sont passés à l’acte, à cause de propos homophobes tenus par des prêtres ou des laïcs bien-pensants et irresponsables qui allaient tranquillement baiser ensuite dans un sauna ou je ne sais où ailleurs ? Je ne comprends pas cette dichotomie. Chaque fois que j’y pense me revient la parole de Jésus à propos des hypocrites pharisiens :

« Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. » (Mt 23,4)

Pareil pour la pédophilie, sujet tellement terrible que je ne sais même pas quoi en dire sinon qu’on a fait rentrer les loups dans la bergerie, pas seulement parce que la bergerie était mal gardée, mais aussi parce qu’on a cru indûment que c’était une bergerie, parce qu’on nous a fait croire que c’était une bergerie où nous étions en sécurité, où nous vivions en frères et sœurs, soucieux du bien les uns des autres. Et depuis combien de temps l’Eglise n’est-elle plus cette bergerie ? Et est-il vrai que nous y prenions soin du bien les uns des autres ? Tant de quant-à soi, de cancanements, de rumeurs, de jugements péremptoires, de désirs parfois très subtils de puissance… Certains pointent la culture de l’abus qui s’est instaurée du fait de cette prééminence du rôle ecclésiastique, du fait du cléricalisme, du fait que l’autorité du prêtre a pris le dessus sur l’autorité de l’évangile comme le déclarait récemment Laurent Stalla-Bourdillon.

Il y a un autre scandale dont on ne parle pas encore et dans lequel l’Eglise a aussi une lourde responsabilité. Celui des hommes qui, dans ce contexte d’homophobie latente, ne se sentant pas attirés par la vocation religieuse, ont crû légitimement bon de se marier, d’avoir une vie de famille, d’amputer leurs désirs profonds pendant des années et qui, au hasard de leur histoire, de leur insatisfactions ou de leurs expériences, se découvrent homosexuels ou s’assument enfin comme tels. Embarqués dans une vie où d’autres sont concernés : une épouse, des enfants, et devant résoudre cette terrible équation de ne pas faire de peine à ceux qui les aiment tout en découvrant et assumant qui ils sont. Si l’Eglise – et la société dans son ensemble – avaient été plus tolérantes, on n’en arriverait pas à de tels drames humains.

Sidération, oui.

Sidération d’avoir été si mouton, si bête, si naïf, face à des hommes qui disent et ne font pas, qui condamnent d’un côté ce qu’ils se permettent de l’autre, et, même quand ce n’est pas le cas, qui se permettent – mais au nom de quoi, mon Dieu ! – d’amputer l’humanité de leurs semblables !

Alors oui, ces derniers mois, je n’avais pas envie d’écrire, partagé que j’étais entre tristesse et colère. Et d’abord une colère contre moi-même parce que comme beaucoup, je connaissais ce système de l’intérieur, et je m’en veux de cette fidélité débile qui conduit à un aveuglement et un abêtissement sur les petits pouvoirs de ces messieurs et leur manque de considération de l’humanité du frère.

Voilà, comme ça, c’est dit.

Peut-être cet article ne plaira pas, et ça n’est pas grave. Je veux être libre. Ce n’est pas une déclaration, c’est un besoin. Seul, je peux savoir qui je suis. Seul, je peux laisser se déployer en moi l’être que je suis. Et pour cela, il me faut être libre.

Et je ne peux pas compter sur ces gens qui disent et ne font pas, qui condamnent et qui ne réconcilient pas, qui séparent mais ne rassemblent pas. Je ne fais pas, en tout cas je ne veux pas faire partie, de cette clique-là.

– – –

… Mais, à toutes fins utiles, au cas où subrepticement certains lecteurs seraient concernés – sait-on jamais ? – je veux quand même préciser qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, c’est-à-dire aller vers cette authenticité qui est garante de notre cohésion ou cohérence de vie. Comprenez-moi bien : je ne veux pas juger, je sais trop combien c’est compliqué la découverte de son orientation sexuelle, quels dénis, quels combats, quels idéaux, il faut passer. Mais la limite, ça reste, et probablement ce sera toujours : ne pas faire de mal à autrui.

Le christianisme “officiel” (au sens large) a vraiment un problème avec l’homosexualité. Bien sûr, on pourrait se dire que cela provient d’une mauvaise interprétation des textes bibliques et cela est vrai, même si ce n’est pas encore assez su. Mais cette explication ne suffit pas. Au delà, il y a cette espèce d’orgueil qui fait se penser supérieur, et que toute différence serait mauvaise ou oeuvre du démon. Je serais parfait et l’autre serait imparfait. Facile pour une majorité hétéronormée qui se veut pure et parfaite de juger que ceux qui sont différents seraient impurs et imparfaits. Sans compter l’effet multiplicateur de ceux qui, au fond, sont homosexuels aussi mais ne peuvent l’admettre socialement et qui surenchérissent en homophobie.

C’est le drame de tellement de chrétiens. Victimes de l’homophobie latente, non pas des religions, mais du désir de puissance et de perfection de quelques-uns qui essaient de se faire passer pour des “purs”.

Voici ci-dessous le témoignage d’un pasteur baptiste, publié sur l’excellent blog de Carlos Osma, homoprotestantes.blogspot.com.
Ce témoignage pose deux questions fondamentales : d’abord, celle de la non acceptation de l’homosexualité par les églises, en dépit du bon sens, mais aussi celle de l’homosexualité des hommes mariés et soumis normalement, par le sacrement du mariage, à l’obligation de fidélité à leur femme. Cette question n’est jamais abordée nulle part dans les réflexions morales ou sacramentaires. Or,elle est importante. Des hommes se sont mariés, sous la pression de l’environnement ambiant, y compris ecclésial, alors qu’ils se savaient homosexuels. D’autres se sont découverts ou assumés homosexuels sur le tard après une vie conjugale et parfois des enfants. C’est leur réalité humaine. On en peut pas la balayer d’un trait en argumentant que ce n’est pas normal, que c’est mal ou que c’est pécher.

Tôt ou tard, nos églises devront bien se pencher sur cette réalité qui est qu’on ne se connaît pas vraiment à 20 ou 30 ans et que la vie nous transforme ou nous révèle à nous-mêmes. Qu’en est-il alors des promesses éternelles qu’on aurait pu se faire auparavant ? Etait-ce sérieux ? Etait-ce crédible ? Etait-il légitime de nous conditionner à dire et penser et croire que ces engagements étaient forcément éternels?

Conversations avec un pasteur dans le placard

Je suis un pasteur protestant qui réprime mon orientation sexuelle. Je vais bien, j’ai des filles merveilleuses et une femme extraordinaire, mais je suis dans le pétrin.

Te considères-tu comme hétérosexuel, gay, bisexuel ?

Eh bien, je me suis marié très jeune à cause de la pression de l’environnement dans lequel j’ai vécu toute ma vie, l’église, l’Institut biblique… Tout le monde s’est marié, j’ai épousé une compagne que je n’aimais pas, je peux être avec elle mais je n’ai jamais pu m’amuser avec une autre femme, je ne l’ai jamais fait de toute ma vie. Dis-moi alors: qu’est-ce que je suis?

Avoir des relations sexuelles avec une femme et/ou un homme ne fait pas de toi un homosexuel, un bisexuel ou un hétérosexuel. Ton orientation sexuelle est déterminée par l’attirance que tu ressens. Si tu te sens attiré exclusivement par d’autres hommes, je dirais que tu es gay. Dans ton environnement, les gens sont-ils inclusifs ?

Pas du tout ! Tous sont homophobes et je dois faire semblant, mais j’essaie de faire prendre conscience aux gens des péchés très graves que nous prenons pour licites, parce que culturellement nous les avons acceptés…

Es-tu d’une tradition protestante ou évangélique?

Baptiste, très conservateur sur ce sujet.

Bon, les églises baptistes en certains endroits ont une attitude plus progressiste et inclusive… Aussi, je pense que cela a davantage à voir avec l’homophobie de ton environnement ambiant. Qu’est-ce que tu ressens ? Qu’est-ce qui te passe par la tête ?

Que pour répondre aux attentes des autres, je me suis mis dans une impasse. Maintenant que j’ai des enfants, avec une responsabilité pastorale, j’ai l’impression que les gens de ma communauté ressentent une grande sympathie pour moi. Les finances ne sont bonnes, mais je reçois un salaire pour mon travail, j’ai peur d’être réfréné et, un jour, d’exploser en vol. Il y a tant de choses… Parfois, j’aimerais fuir, prendre quelques jours, être loin, méditer, mais ma femme me pose des questions: où étiez-vous, avec qui, où es-tu allé, etc., des choses que seuls ceux d’entre nous qui sont mariés comprennent. J’aimerais avoir un autre travail, non pas parce que le poste actuel ne me plaît pas, mais je ne veux pas me sentir hypocrite,

Est-ce que ta femme sait ?

Avant de nous marier, je lui ai dit, j’ai été très clair. Tout d’abord, j’ai dit: “Je ne suis pas amoureux de toi, j’aime une autre femme et je suis dans un tel bazar… J’ai été victime de violence quand j’étais petit et je suis attiré par d’autres hommes, j’ai même été avec certains.” Elle m’a dit qu’elle comprenait ce qui se passait, mais que si j’avais foi en Dieu, il m’aiderait, et des choses du même genre…

D’après ce que tu dis, je crois comprendre que tu penses que les abus dont tu as été victime en tant qu’enfant sont la raison pour laquelle tu es gay, ai-je raison ?

Je suppose qu’à partir de là, j’ai développé mes préférences, je n’avais jamais été avec une femme auparavant, même quand j’étais très amoureux et, dès mon plus jeune âge, j’ai entretenu des relations avec d’autres hommes.

Je vois que tu vis ton orientation sexuelle avec culpabilité, tu ne penses pas que Dieu t’accepte? Tu ne penses pas qu’il t’aime tel que tu es ?

C’est ce qu’on m’a appris, je vais en enfer pour la sodomie et ces choses-là …

L’orientation sexuelle de quelqu’un n’a rien à voir avec la maltraitance, en tout cas le contraire. Les personnes hétérosexuelles qui ont été victimes d’abus n’essayent pas de justifier leur orientation sexuelle en raison des abus dont elles ont été victimes.

Je ne le justifie pas, ce que je dis, c’est que ce qui m’est arrivé a d’abord généré une phobie, puis une attraction. À l’adolescence, j’ai commencé à rechercher des relations avec d’autres hommes.

Je pense que tu relies un fait terrible qui t’est arrivé avec le rejet de ton orientation sexuelle parce que tu as intériorisé l’homophobie de ton environnement. Peut-être devrais-tu te rendre compte que non seulement tu as subi un abus, celui-là
de ton enfance, mais qu’il y en a aussi un autre qui te fait te culpabiliser de qui tu es. C’est un abus que la famille, la société, l’église ont commis sur de nombreuses personnes comme toi. Au lieu de les aider, cela les culpabilise encore plus.

Oui, je comprends. Mais mon choix de vie en son temps, erroné ou non, a généré des innocents, des femmes, des filles, un ministère, tout ce que je ne peux pas quitter…

J’imagine que si tu avais vu une possibilité, tu en aurais profité pour être toi-même.

Oui je sais. Je vis d’un ministère et cela semblera stupide, mais que puis-je faire à mon âge ? C’est ce que j’ai étudié, ce que j’aime et ce que je fais facilement…

D’un côté, je te comprends mais il est vrai que, d’autre part, la foi nous pousse à être cohérent … Je ne sais pas où tu es, comment tu te vois, si tu sais que Dieu t’aime tel que tu es, ou si tu penses toujours qu’il te rejette … Mais tu es dans une situation compliquée, c’est évident, mais pas impossible, ça dépend en grande partie de toi.

Déjà, j’assume que Dieu m’aime, j’ai laissé tomber la culpabilité : concrètement, je suis plus inquiet pour les choses pratiques: les finances, mes filles, la maison, ces choses qui t’obligent à rester.

Je me demandais comment tu aimerais que ta vie soit…

Libre, sans cette confusion ni cette indécision, c’est si difficile.

Tu connais d’autres chrétiens homosexuels?

Oui, un autre ami pasteur, mais il n’a pas pu m’aider beaucoup, et j’avoue que nous avons commis l’erreur de coucher ensemble et que cela m’a rendu encore pire.

Tu imagines avoir toujours une double vie ?

Non, mais je ne vois pas d’autre issue maintenant. En particulier, mes filles sont encore au lycée. Cela semble terrible, mais je ne peux rien faire d’autre que d’être pasteur. Je ne gagne pas beaucoup, mais suffisamment pour avancer avec ma famille. C’est très vil, je sais, mais c’est la vérité.

Ta situation n’est pas très différente de celle des autres gays et lesbiennes chrétiens : marié, avec des enfants, des responsabilités dans l’église … Et finalement, tout se résume à répondre à la question de ce que tu es prêt à perdre pour être qui tu es.

Ce serait irresponsable de ma part, nous vivons dans la maison de l’église, ce qui nous limite complètement. Si je sortais du placard, tout serait chaotique.

Je te le demande à nouveau … Comment voudrais-tu que soit ta vie ? Penses-y un instant et explique-moi quelle vie tu aurais aimé avoir.

Etre libre, autonome, ne pas être marié et ne pas avoir assumé autant de responsabilités : je ne renie pas mes filles, elles sont une bénédiction et elles me rendent très heureux. Mais ce n’est pas la vie que j’ai imaginé …

Aimerais-tu pouvoir continuer à être pasteur, épouser un autre homme, faire en sorte que tes filles acceptent ton désir d’être heureux ?

C’est mon combat, j’accepte de vivre dans le placard, mais l’autre chose me rend très fort …

Fort … qu’est-ce que cela signifie?

Il faudrait que j’aille loin, mais cela les stigmatiserait, je sais qu’ils souffriraient à cause de moi. Parfois, je leur dis en plaisantant que je veux aller dans une autre ville pendant un moment, mais pour commencer je n’ai pas d’argent … Mon environnement est ultraconservateur, une famille chrétienne depuis des générations, je suis un pasteur respecté et apprécié … Je ne suis pas prêt, mais l’indécision me rend malheureux. Parfois, j’ai pensé qu’elle me quitterait, surtout après avoir découvert mes infidélités, mais ça n’a pas été comme ça. Elle est avec moi pour les filles … Bien qu’au fond de moi, je sais qu’elle m’aime et c’est pourquoi elle préfère ne pas voir ce qui se passe, comme si le problème n’existait pas … et nous n’en parlons même plus ….

Tu es chrétien et pasteur, qu’est-ce que cela signifie dans ta situation d’être un chrétien cohérent ?

Je ne sais pas, franchement. Je pense avoir conceptualisé le Christ en fonction de ma culture et de ma formation. Est-ce qu’il se renierait lui-même, est-ce qu’il assumerait ses responsabilités?

Penses-tu que sa mort sur la croix était pour nier qui il était ou pour l’affirmer? Était-il lui-même ou ce que les autres attendaient de lui ?

Il était Lui, je ne sais pas où tu m’emmènes. Il a choisi pour nous quand il pouvait choisir de ne penser qu’à lui-même: n’est-ce pas l’exemple que je devrais suivre?

Il y a eu un moment dans ma vie où je me suis posé cette question … et j’en suis venu à la conclusion que Jésus n’était pas ce que les autres attendaient, et il ne s’est pas comporté comme les autres le souhaitaient. Jésus était ce que Dieu voulait, et bien que les autres ne l’acceptaient pas, il a assumé sa situation et a affronté la vie … Pour moi, Il n’a pas été facile de sortir du placard, mais je ne pense pas que l’expérience d’une personne chrétienne offre une autre possibilité que d’être intègre, et authentique.

Eh bien, c’est le “coeur de la question”. Je n’étais avec personne depuis six mois, mais un mois plus tôt, j’ai rencontré un autre homme, je me sentais très bien. Le danger que je vois maintenant est que, contrairement à d’autres fois, cette fois-ci, je ne me suis pas senti coupable.

Je ne pense pas que tu devrais sortir du placard parce que tu connais quelqu’un qui te donne la sécurité … On fait un coming out, tout seul. Écoute, j’ai souvent parlé à des personnes gays ou lesbiennes que je connais et qui sont armées … C’est dans ces moments où je suis plus confiant que j’ai bien fait d’être moi-même. En fin de compte, tu peux vivre tranquillement, sans ces noeuds dans ton estomac, sans la peur d’être découvert, sans le sentiment de ne pas bien faire les choses …

Bien oui. Je partirais si mes finances le permettaient, mais malheureusement, ce n’est pas comme ça.

Une question … et je change de sujet, quand dans ta communauté, quelqu’un parle d’homosexualité (je suppose que ça n’est pas en bien), comment te sens-tu ?

Mal, j’essaie de faire référence au fait qu’il y a des péchés si terribles, ou plus que cela.

Il y a sûrement eu quelqu’un qui a découvert …

Je suis compatissant, j’encourage les autres à faire preuve de miséricorde et non à juger.

Que voudrais-tu pouvoir faire si cela ne te dévoilait pas ?

Aider, aider ces personnes à choisir leur vie …

Et comment te sens-tu à ne pas le faire?

Faire quoi?

Dis-leur que Dieu les aime tels qu’ils sont, qu’ils doivent être forts, qu’ils doivent avoir confiance en Dieu et que c’est une bénédiction pour l’église qu’il soient tels qu’ils sont.

Je n’aurais pas peur de le faire, même si l’église m’excommuniait.

À quoi penses-tu lorsque tu prêches sur le texte du Bon Samaritain ?

Le traditionnel, l’acceptation des autres, la compassion, etc. Nous avons un groupe d’hommes qui se rencontrent une fois par mois, tous des machos à mourir. Nous faisons des débats et, une fois, nous avons parlé de l’homosexualité, certains sont plus compatissants, mais la plupart ont été directs: “il n’y a pas de salut pour les pédés”.

Ne te rends-tu pas compte que le christianisme t’implique? Ne vois-tu pas que tu décaféines tout par peur? Que dis-tu aux gens quand tu prêches… Que devraient-ils faire, ce qu’on attend d’eux ou être cohérents ?

Tu me trompes, haha, je suis tout dans le chaos, je dis ce qu’ils m’ont appris, à l’ancienne !

Seulement, tu vis ta vie, c’est difficile pour une autre personne de vraiment savoir ce que tu vis, mais je pense que si tu as décidé d’être pasteur, c’est parce que tu veux aider les gens, tu veux transmettre le message de Jésus … pas un message théorique, mais un engagement… Et cela te concerne aussi. La peur paralyse, et je le comprends, mais cela ne peut pas tout justifier.

Allez! C’est ma vie depuis que je suis enfant : tu grandis dans l’église, tu te convaincs de tout ce qu’ils disent, puis tu vas au séminaire, tu travailles comme missionnaire… Le temps passe vite… Puis les enfants arrivent, et tu m’as là. Je verrai ce qui se passe et si un jour j’ai le courage et les moyens de tout quitter.

Ne le laisse pas passer trop longtemps, tu sais que tout va très vite et que des décisions aussi importantes que celles-ci ne doivent pas être reportées. Du moins, si nous sommes faits pour être heureux. Excuse-moi si j’ai été un peu dur avec toi.

Pas du tout, mais j’avais besoin d’entendre quelque chose comme ça. En tout cas, je pense que tu me comprendrais mieux si tu étais dans ma peau. Il y a quelque temps, j’étais sur le point de quitter ma famille pour quelqu’un, mais mes enfants ont besoin de moi à la maison et j’ai besoin d’eux.

Je suppose que tu as raison en partie, bien qu’à aucun moment je n’ai parlé d’abandonner tes responsabilités en tant que père. En outre, nous qui ne somme spas dans ta peau, nous aurions pu le faire, mais parce que, à un moment de notre vie, nous avons décidé de tout risquer pour rester cohérents avec nous-mêmes et avec l’Évangile. Et même si nous le faisions mille fois, cela ne serait jamais facile.

Carlos Osma

Source texte : homoprotestantes.blogspot.com

Source image : Sébastien Thibault pour BuzzFeed

Ce qui m’étonne, c’est qu’on prenne prétexte de la différence de sensibilité pour se moquer les uns des autres, voire se haïr, s’exclure et se bannir. Quoi l’orientation sexuelle dirait tout d’une personne et empêcherait de la considérer comme un être humain? Ce qu’il y a de bon en la personne, balayé, nié, nul et non avenu ! Inexistant !

Franchement, il y a de quoi rire.

En disant cela, je ne fais que paraphraser un écrit de St Cyrille d’Alexandrie (380-444), destiné à contrer les arguments de l’empereur Julien, dit Julien l’Apostat, à propos de la couleur de la peau.

La morale de l’histoire, c’est qu’arguer d’une différence non choisie par une personne pour la considérer comme moins humaine ou pour l’exclure, est une bêtise incommensurable, déjà repérée depuis longtemps…

 

Ce qui m’étonne, c’est que Julien prenne la couleur de la peau comme preuve qu’il faut considérer que les nations ont un « substrat de nature différente ».

S’il croit en cela penser ou dire quelque vérité, il se trompe sans s’en rendre compte : il faudrait dans ce cas, me semble-t-il, que ceux qui ont une couleur de peau déterminée soient tous du même avis et s’accordent dans leurs pensées ; et si quelqu’un a la peau blanche et qu’il est bon, qu’aucun de ceux qui ne sont pas blancs ne soit bon !Pareillement si quelqu’un est basané ou noir et qu’il est bon, qu’aucun de ceux qui ont un corps blanc ne le soit.

N’y a-t-il pas là déjà de quoi rire ?

Saint Cyrille d’Alexandrie

[Contre Julien, IV, 42, Trad. J. Bouffartigue, M.-O. Boulnois, P. Castan,
Paris, cerf, Collection « Sources Chrétiennes » 582, 2016, p.420]

Source photo : jakobhetzer.tumblr.com

J’aurais voulu avoir un amoureux. Au primaire, au collège, au lycée. Avoir une belle histoire. Une histoire d’enfant. J’aurais voulu avoir droit à ça. Les mots qui s’échangent sous les tables. Le coeur qui bat plus fort. Les secrets qu’on garde à table, quand on vous pince la joue en vous demandant si on a une amoureuse. J’aurais voulu profiter de ma jeunesse. Ne pas tricher toutes ces années. Ne pas mentir. Ne pas faire semblant. Être qui je suis plus tôt. L’être et l’être heureux. Fier. Et montrer l’étendue des talents que me confère cette identité. Ma sensibilité. Ma joie de vivre. Mon envie folle d’écrire.

J’aurais voulu ne pas me contraindre, ne pas faire semblant pour être “comme les autres”. Ne pas faire souffrir mes parents parce que j’étais malheureux et refusais de dire pourquoi. J’aurais voulu être moi plus tôt. Avoir ce que les autres avaient. Ne pas rire quand j’entendais des blagues méchantes visant celles et ceux qui avaient mille fois mon courage d’être ce qu’ils étaient, sans honte, avec fierté.

Comme ce garçon, à l’école, il s’appelait Nathan. Il était gentil, doux, et pourtant ses gestes, sa voix, son identité, bref ce qu’il était de franc, de vrai, d’authentique, étaient moqués parce qu’on lui collait l’étiquette homo sur le front et qu’il n’a jamais démenti. Parce qu’il a toujours relevé la tête. Il m’a fallu des années pour comprendre combien il était plus libre que beaucoup d’entre nous, libre d’être qui il était et de témoigner par sa seule existence de l’extraordinaire diversité du genre humain.

Vous voyez j’aurais voulu ne jamais me moquer de Nathan avec les autres, devant les autres, pour que les autres ne me soupçonnent jamais d’être qui j’étais. J’aurais voulu ne pas rire de ce garçon, j’aurais voulu ne pas le faire pleurer.

J’aurais voulu être amoureux, enfant. Avoir ce que vous avez tous et toutes eu, enfant.

Qui va me rendre ces années perdues ? Ce qui aurait pu être et n’a jamais eu lieu ? Qui me rendra ce qu’on m’a pris ? Et à ce Nathan ? Qui lui rendra justice ? La vérité c’est que j’ai mal. Que j’ai la haine contre les gens qui nous font ça. Qui nous font faire ça, qui nous rendent comme ça. Ces mêmes gens qui prétendent se battre pour les enfants et qui pourtant mettent dans nos bouches des mots aussi violents.

Mais l’homophobie ce n’est pas seulement quelqu’un qui crie « À mort les PD ! ».

L’homophobie c’est aussi des millions d’existences contraintes, de petits bonheurs universels gâchés, de destinées retardées. Des millions de gens qui ont vécu, vivent, et vivront une autre existence que la leur, une autre vie que la leur, qui marcheront à côté d’eux-mêmes, qui passeront à côté de ce que, au fond, ils étaient destinés à connaître, à aimer, et chérir, et jouir. Ce que nous voulons toutes et tous. Une vie à nous. Une vie qui nous ressemble et nous appartienne.

L’homophobie, la lesbophobie, la transphobie, c’est d’abord des ombres et des millions de vies ratées.

Baptiste Beaulieau

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Extrait d’un article posté sur Facebook par Baptiste Beaulieu. L’article a également été repris sur le blog Alors voilà, et par le média Huffington Post.

Source photo : extrait de “Su historia”, un projet photographique de Nick Fuentes

Pour accompagner la sortie de leur dernier album, « Forever Trouble », le groupe Virgin Suicide propose un clip très intéressant avec le titre « Evil Eyes ». Dans ce dernier clip que je partage ci-dessous, il y a deux histoires.

La première qui se déroule comme un court-métrage gay, est celle de la découverte pas facile de son attirance homosexuelle par un jeune homme, humilié par ses amis à cause d’une érection en public sous les douches, et qui en vient à repousser son ami par qui il est pourtant attiré et qui se montre accueillant. C’est tout le thème de la difficile acceptation de l’homosexualité dans un contexte hétéro-normé sur fond d’homophobie latente ou déclarée. Pour se faire accepter des autres, pour être en paix avec eux et donc, faussement, avec soi-même, dois-je rentrer dans cette norme qui pourtant ne me convient pas? Suis-je assez fort pour résister? Où vont être les soubassements structurels de ma personnalité, mes ressources, ma force, si je refuse le modèle qu’on me propose et que je sens confusément comme ne me convenant pas?

La deuxième histoire est celle de la chanson, dont je reproduis les paroles et leur traduction avec l’aimable autorisation de Virgin Suicide. Et là nous avons l’histoire d’un amour qui se déclare et qui n’est pas accueilli, pire : rejeté.

Le regard mauvais“, c’est ce regard noir de rejet ou de dégoût que l’aimé hétéro jette sur soi quand on en vient à lui dévoiler son amour, c’est l’ami qui tout à coup rejette toute notre histoire quand il s’aperçoit que l’amitié a pris place à l’amour chez l’autre, quand son besoin de tendresse prend une dimension affective qui n’est pas celle qu’il peut ou veut y mettre.

Mais pourquoi ce regard mauvais? Evil Eyes peut se traduire aussi par “oeil mauvais”, vous savez, comme ce sort de malchance jeté par on ne sait quels dieux sur quelqu’un, et ça devient “le mauvais oeil”. On peut le traduire aussi par “un regard” ou “des yeux diaboliques”, dont on peut se demander si c’est celui qui regarde qui est diabolique ou celui qui est regardé par celui-là qui le devient, ou qui le serait parce qu’il est vu comme tel. Quelle culpabilité ou quelle honte on ressent quand le regard de l’autre semble nous regarder comme une bête immonde… Au nom de quoi cette haine?

Petites blessures ordinaires des personnes homosensibles qui découvrent les élans de leur coeur et de leur corps et que ces élans ne sont ni admis ni partagés par tous. La découverte du sentiment amoureux, quoi ! Sauf qu’on peut éconduire un amoureux sans avoir le regard mauvais.

Et alors, ça me rappelle une réflexion vue dans les Evangiles sur laquelle je me suis déjà exprimé : “http://www.paysdezabulon.com/pourquoi-ton-regard-est-il-mauvais/”

Pour ceux qui veulent aller directement à cette magnifique chanson, c’est à la mn 2’58. 🙂

Virgin Suicide – Evil Eyes /mauvais oeil (2017)

Will I know?
well I know the feeling coming up my back
will it burn you up in side of me?
will I feel?
well I feel the feeling trembling up inside
will you take it out on me?

 

There was no beating heart
nanananananana
there was no falling stars
can I take it out on you?
I dont know

 

Cause there was no heart beating
though I pulled it out in front of you
trying to catch your evil eyes
there was noone peeking
or speaking out their minds its naive
to try and catch your evil eyes

There was no beating heart

So I peek
and I feel the feeling climbing up my chest
I don’t know what it’s gonna be
my friends
will you plz be mean I’m coming all the way to hold you
there was nothing to despair about

There was no beating heart
nanananananana
there was no falling stars

Cause there was no heart beating
though i pulled it out infront of you
trying to catch your evil eyes
there was noone peeking
or speaking out their minds its naive
to try and catch your evil eyes

 

There was no beating heart
nananananana
there was no falling stars
can I take it out on you
well I think you are done

But there was no heart beating
though i pulled it out infront of you
trying to cacth your evil eyes
there was noone peeking
or speaking out their minds its naive
to try and cacth your evil eyes

There was no falling star

 

Vais-je savoir?
eh bien je sais cette sensation qui monte dans mon dos
Est-ce que ça va te brûler à côté de moi?
vais-je ressentir?
eh bien, je sens cette sensation qui me fait trembler à l’intérieur
vas-tu t’en prendre à moi?

Il n’y a pas eu de coeur qui battait
nanananananana
il n’y a pas eu d’étoiles filantes
Est-ce que je peux m’en prendre à toi?
Je ne sais pas

Parce qu’ il n’y a pas eu de coeur qui battait
quand je me suis dévoilé devant toi essayant d’attraper ton regard mauvais
il n’y a eu personne qui observe furtivement
ou qui ait expimé sa pensée que c’était naïf
d’essayer d’attraper ton regard mauvais

Il n’y a pas eu de coeur qui battait

Alors je regarde
et je sens cette sensation qui grimpe le long de ma poitrine
Je ne sais pas ce que ça va être
mes amis
svp, voulez-vous dire que j’ai fait tout ce chemin pour vous garder
et qu’il n’y avait rien à espérer

Il n’y a pas eu de coeur qui battait
nanananananana
il n’y pas eu d’étoiles filantes

Parce qu’ il n’y a pas eu de coeur qui battait
quand je me suis dévoilé devant toi essayant d’attraper ton regard mauvais
il n’y a eu personne qui observe furtivement
ou qui ait expimé sa pensée que c’était naïf
d’essayer d’attraper ton regard mauvais

Il n’y a pas eu de coeur qui battait
nanananananana
il n’y a pas eu d’étoiles filantes
Est-ce que je peux m’en prendre à toi?
Eh bien, je crois que oui

Mais il n’y a pas eu de coeur qui battait
quand je me suis dévoilé devant toi essayant d’attraper ton regard mauvais
il n’y a eu personne qui observe furtivement
ou qui ait expimé sa pensée que c’était naïf
d’essayer d’attraper ton regard mauvais

Il n’y pas eu d’étoiles filantes

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