Je suis à nouveau avec cette question : maintenant, que faire ?

Il m’a fallu du temps pour accepter mon homosensibilité, pour constater qu’elle n’était en rien incompatible avec le fait d’être chrétien.

Et je partais de loin.

Avec cette idée introjectée par je ne sais quel mécanisme et quels conditionnements qui m’ont fait repousser l’homosexualité comme étant anormale et dangereuse pour moi depuis aussi loin que je m’en souvienne. Et cet enfoncement dans un déni terrible, barricadé de partout, qui m’ôtait l’accès à une partie essentielle de moi-même puisqu’il s’agissait de qui j’étais.

Mais pas qui j’ étais dans un détail futile, vous comprenez, qui j’étais dans ce qu’il y a de plus précieux en moi. Ma capacité à aimer, à me recevoir et à me donner, à exprimer et à accueillir de la tendresse et de la douceur. Tout ce qui fait qu’un être humain est à l’image de Dieu (« Apprenez de moi que je suis doux…et humble de cœur » dit Jésus).

Bref toute une vie amputée de moi-même dont je ne vais pas dire qu’elle est gâchée mais durant laquelle, en termes d’affectivité, d’authenticité et de don de soi, j’ai perdu du temps que j’aimerais aujourd’hui rattraper.

Las ! Les années ont passé… Pour ce qui est d’une rencontre amoureuse, c’est devenu bien compliqué, et peut-être n’y crois-je pas assez. Je suis encore amoureux du souvenir de l’ami de la fin de l’adolescence, qui, sans le savoir, m’a révélé à moi-même, à ma capacité d’aimer, de me donner. Et cela semble si loin que je ne sais si cette « magie » peut se reproduire. En tout cas, ce n’est jamais arrivé depuis.

C’est bizarre que je parle de cela. En commençant cet article, ce n’était pas mon intention. Je voulais parler de l’acceptation, certes, mais de ses conséquences surtout.

Donc je suis gay et chrétien. Très bien. Je n’ai pas besoin de le crier sur les toits ni de le montrer ostensiblement. En tout cas, pas tant qu’une vie sociale ne me l’imposerait, par exemple en cas de conjugalité.

Je suis gay et chrétien. Et tout est bien. C’est si simple, finalement. Pourquoi donc m’en suis-je fait un problème pendant des années !

Je me suis demandé un temps si d’être gay changeait la manière d’être chrétien. J’aurais pu me demander aussi si d’être chrétien changeait la manière d’être gay. Je voulais me rassurer, j’imagine, en me posant ce genre de questions. La vérité est qu’on s‘en fiche pas mal, n’est-ce pas ?

Et je me retrouve avec ce blog qui a eu en quelque sorte la vertu thérapeutique et spirituelle de m’aider à accoucher de moi-même et je ne sais plus quoi faire avec.

Je n’ai pas envie d’en faire un blog de pieuserie. Certes, j’aime lire les Evangiles et assez souvent j’ai partagé ma compréhension et ma méditation des Ecritures. Soucieux de vérifier pour moi-même, et de partager aussi, qu’il n’y a rien dans les Evangiles qui justifie le rejet de l’homosexualité. Mais qu’est-ce que cela a d’original ou même d’intéressant ? Chacun est capable d’accueillir la Parole et la laisser le transformer.

Je voudrais bien partager des choses intimes comme par le passé, des choses qui ont pu toucher certains lecteurs, parce que j’arrivais à mettre des mots sur des choses vécues aussi par d’autres qui n’ont peut-être pas cette facilité à mettre en mots. Mais la vérité est qu’en ce moment, je suis sec de tout ça. Pas inspiré. Pas dans cette énergie diraient les gens du « développement personnel ».

Reste ce constat qu’ici ou là, il existe encore des chrétiens, jeunes ou moins jeunes, qui vivent mal la découverte de leur orientation sexuelle, qui se croient malades ou pécheurs, ou – pire – damnés, et cela m’afflige énormément. J’avoue que maintenant que j’ai franchi le pas de mon acceptation, j’ai du mal à croire que cela soit encore possible. Et pourtant c’était moi il y a encore si peu de temps ! Je dois lutter pour me rappeler qu’il y a des frères et des soeurs qui sont encore dans le combat que je viens de traverser et qui, une fois passé, semble pour moi comme s’évanouir, comme s’il n’avait jamais existé, ou en tout cas comme s’il n’avait aucun intérêt.

Il y a aussi la bêtise de ceux qui utilisent la Bible ou leur représentation de la foi chrétienne pour condamner les autres. Et là, j’avoue que quelque chose en moi s’indigne. Un feu qui couve encore s’attise, se rallume et a envie d’éclater en mille incandescences pour montrer la vanité et la futilité de tous ces pseudo-arguments qui ne traduisent que les peurs ancestrales de la non-survie de l’espèce.

Que faire ? Les associations « gays », dans leur approche communautaire, forcément limitative, ne m’attirent pas. Je l’ai déjà dit je préfèrerais une église inclusive dans laquelle les uns et les autres se fréquentent et se parlent. Je n’ai pas envie que mes loisirs, mes intérêts, ma vie entière ne se passent qu’avec des gays !

Que faire ? Je tiens à mon anonymat. M’engager plus loin, pour des raisons de légitimité à parler comme je le fais, m’obligerait à toujours plus me dévoiler.

Oh que ce n’est pas simple. Se taire, je ne peux pas tout à fait m’y résoudre, faire plus je ne sais pas si j’en suis capable. Pas seul, en tout cas.

Je suis comme ce garçon sur cette image. Capable de me dénuder, de danser comme au soleil et de lancer des perches à droite à gauche, tisser des liens, mais c’est comme à l’abri des regards et pour un cercle d’initiés. Et cela ne me convient pas tout à fait non plus.

Voilà. J’avais envie de partager tout ça pour donner un peu de nouvelles. Vous êtes plusieurs à attendre patiemment que je publie, à me demander de le faire, parfois. Et c’est devenu difficile sans que je sache pourquoi. Je ne sais plus bien ce qu’ « on » attend de moi. « On » est un c**, n’est-ce pas ? Ce n’est pas à quelqu’un de me dire ce que j’ai à faire. Mais jusqu’ici je sentais comme une force en moi qui me travaillait et avait besoin de jaillir et s’exprimer. Et aussi douloureux que ce soit, c’était une force de vie, et il était facile de la laisser s’exprimer comme étant la volonté bonne de Dieu pour moi et pour d’autres.

Mais là, tout est calme.

Ce n’est pas qu’elle n’est plus là. Oh non ! Je sens bien encore en moi cette puissance prête se réveiller et à aller plus loin. Mais pour le moment, elle dort, ou prépare d’autres choses, qu’en sais-je ? C’est curieux cette manière d’en parler comme si elle était autre que moi, n’est-ce pas ? Car cette force est pourtant une partie de moi que j’assume et revendique.

Et c’est bien ce qui me rend actuellement perplexe. C’est comme si elle s’était rendormie après que le travail ait été fait. Et pourtant je sais bien plusieurs choses : que mon chemin n’est pas terminé, qu’être homosensible n’est toujours pas si simple, que la bêtise homophobe est toujours là, et je sais aussi que certains d’entre vous m’attendent.

Bon. Je sais tout ça. Mais il va falloir être patient. Vu que je n’ai pas la réponse à cette question, même après avoir écrit ce long texte – parfois l’écriture se révèle chemin et la réponse vient chemin faisant – à cette question : Maintenant, que faire ?

En attendant, bonnes vacances !

Z – 13/07/2020

Des prêtres gays…Oui ça existe. Difficile de dire dans quelle proportion, mais comme le rappelle le sociologue Josselin Tricou dans l’interview ci-dessous, on peut estimer qu’ils représentent environ 50 % du clergé en Occident.

En fait, rien de bien nouveau à cela, l’Eglise a servi de “placard” (pour reprendre l’allusion à la sortie du placard qu’est un coming out) à de nombreux jeunes hommes attirés par les autres hommes, pendant des siècles. Non sans débats, non sans déni, non sans conflits. Qu’on pense par exemple, au Moyen Âge, à l’évêque Ives de Chartres suppliant, horrifié, son jeune collègue Jean d’Orléans d’arrêter sa vie de “débauche” avec un 3eme évêque…

Cette propension à accueillir et sur-représenter les personnes homosexuelles dans le clergé est assez facile à comprendre. Dans une société largement homophobe et où le mariage semble la seule vocation laïque possible, il ne reste, si l’on n’est pas attiré par l’autre sexe, qu’une solution : entrer dans le clergé ou dans un ordre religieux, et à tout le moins, comme célibataire, sublimer, assumer ou dissimuler sa préférence pour les hommes. Ce processus a duré jusqu’à la période récente et nombre de jeunes gens, authentiquement chrétiens mais non attirés par le mariage ont pu croire de bonne foi être “faits” pour une vocation religieuse faute de pouvoir s’assumer socialement dans le mariage hétérosexuel.

Tribu, 26.10.2018, 11h04
Lʹhomosexualité dans lʹéglise

Il y a toujours eu des prêtres homosexuels au sein de lʹEglise : comment sont-ils perçus? Comment lʹEglise gère-t-elle ce paradoxe? En particulier, comment peut-elle se positionner par rapport aux prêtres homosexuels à lʹheure du mariage gay? Nous recevons le chercheur Josselin Tricou, auteur dʹune enquête sur les pratiques et paradoxes de lʹEglise autour du thème de lʹhomosexualité.
www.rts.ch

Ca ne fait pas forcément des mauvais prêtres mais, c’est sûr, d’une part ça crée une surreprésentation dans le clergé et, d’autre part, cela peut créer une fragilité affective chez certains qui, s’ils avaient pu assumer leur préférence sexuelle socialement, n’auraient peut être pas fait le choix de la prêtrise. De plus, il est important de préciser que tout cela se fait sur fond de silence, de déni et de sublimation. La plupart des hommes gays qui se sont engagés dans une vocation religieuse n’ont eu ni formation ni information nécessaires sur le sujet, à une époque où, pour en rajouter, il n’est pas certain que, à l’heure de leur engagement, ils avaient une maturité affective suffisante.

Dans son interview, Josselin Tricou a le mérite de poser les bonnes questions, sans polémiques inutiles, soulevant à la fois le cas de la grande souffrance que cela peut occasionner pour ceux qui cherchent à rester fidèles à leur engagement selon les lois officielles de l’Eglise et le cas de ceux qui assument, avec plus ou moins de dissimulation, de culpabilité ou de fatalisme, d’avoir une double vie. Et parfois pas seulement une double vie, carrément une double identité. Homosexuels, parfois assumés, d’un côté et homophobes en chaire pour défendre le discours officiel et l’institution dans laquelle ils croient ainsi trouver un équilibre. Equilibre qui – veulent-ils croire – serait compromis si on se mettait à admettre que l’homosexualité peut exister.

Que faut-il penser de tout cela ? Que faut-il souhaiter? La question est posée à Josselin Tricou et je trouve sa réponse intéressante. Pour lui, même si les fidèles seraient prêts aujourd’hui à accueillir cette réalité en transparence, la marche à sauter semble trop haute pour les membres du clergé pris collectivement, et les révélations de l’homosexualité de tel ou tel ont eu l’effet exactement inverse de faire se replier l’institution et tous ceux que cela concerne vers plus de silence encore. Plus de silence, donc plus de déni, plus de combat intérieur, plus de souffrance. Et faut-il le dire plus d’écart avec la vérité, ce qui me semble l’essentiel.

Comment avoir une vie spirituelle authentique sans être en vérité avec soi-même et avec son prochain? Comment dans un monde éclaté, dispersé, individualiste, multiculturel, mais aussi assoiffé d’authenticité et d’unicité, témoigner auprès des autres, et notamment des personnes homosexuelles mais au delà de toute personne non reçue dans son identité, de Dieu qui nous aime tels que nous sommes et même nous suscite toujours plus, de l’intérieur, à être ce que nous sommes, si cela n’est pas vrai, visible et vérifiable chez le témoin? Où est la Bonne Nouvelle de la Libération si celui qui s’en porte garant n’est pas libéré? Et, oui, y compris dans son affectivité et son orientation sexuelle…

Il n’est pas certain, du coup, que la réponse puisse venir de la sphère cléricale, elle semble trop partagée entre le respect d’une convenance pluriséculaire (“convenance” parce que, vu que c’est davantage mortifère que vivant, j’ai du mal à dire “tradition”) de se taire sur le sujet et présenter une face idéalisée, et la cohérence entre ce qui est annoncé et ce qui est su et vécu de l’intérieur.

Vu qu’il y a de moins en moins de vocations presbytérales (pour d’autres facteurs dont certains sont liés, sur fond d’adéquation du modèle institutionnel à la société réelle), peut-être cela résoudra de soi-même ? Ou bien peut-être est-ce du peuple de Dieu que cela doit venir, usant de son fameux sensus Dei, de laïcs, des chrétiens non clercs qui ont déjà fait le chemin? Ou bien peut-être, tous les ruisseaux se rejoignant en un flux cohérent faut-il traiter tout à la fois de la famille, de l’homosexualité, de la sacramentalité (mariage, ordination) et d’ecclesialité, la réponse à une des questions de chacun de ces sujets entraînant ipso facto de multiples interrogations et répercussions sur les autres domaines?

Il y a quelque temps, un prêtre américain – un parmi tant d’autres – avait voulu faire oeuvre utile en quittant le ministère pour cause d’homosexualité et proposer quelques pistes pour aider à avancer sur la question de l’accueil des personnes LGBT par l’Eglise. Pas sûr qu’il ait été entendu mais l’initiative était intéressante et c’est une pierre parmi d’autres. Ses propositions qu’on retrouve sur www.thedailybeast.comsont au nombre de quatre :

1. Suspendre toute déclaration non bienveillante à l’égard de la population LGBT et notamment la remise en cause ou la contestation de l’expérience des personnes LGBT quand elles disent l’expérience qu’elles ont d’elles-mêmes.

2. Que la Conférence des Evêques crée une commission ad hoc pour réfléchir à la mise en place de l’inclusivité LGBT à tous les niveaux de l’Eglise, à commencer par les codes et éléments de langage.

3. Relire et corriger les documents ecclésiaux qui traitent de la pastorales des personnes homosexuelles de telle manière qu’elles ne soient pas traitées comme une espèce à part, mais comme des personnes humaines à accueillir telles qu’elles sont, sans parler d’inclinations homosexuelles ni de comportements intrinsèquement désordonnés par exemple.

4 Former résolument les dirigeants ecclésiaux, prêtres et laïcs, à l’acceptation de soi (incluant l’acceptation pacifiée de son homosexualité) et à une vie plus authentique

Ca n’est peut-être pas très ambitieux, mais je trouve que ce serait déjà un beau début.

Photo : www.thedailybeast.com

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Je vous partage ce poème magnifique d’une jeune fille lesbienne qui proclame sa foi tout en assumant sa lesbianité. Par respect pour l’auteur, je l’ai laissé au féminin et ai choisi une illustration correspondante. En lisant ce poème en anglais, je n’avais pas compris immédiatement que c’était une jeune femme qui parlait (“I’m a gay christian.”) mais au total je comprends mieux encore la solidarité LGBT qu’outre-Atlantique on désigne de plus en plus par le mot “queer” de manière à ne pas insister sur telle ou telle singularité : homme, femme, gay, lesbienne, transgenre, bisexuel-le, asexuel-le… Or, tous ont en commun d’être ressentis comme “étranges”, ce qui est à proprement parler le sens du mot “queer” et la souffrance que chaque population éprouve dans son chemin d’acceptation par soi et par les autres les rend profondément sensibles aux souffrances éprouvées par les autres singularités.

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Je suis une chrétienne gay.

Constamment, je suis étiquetée comme une hypocrite
parce que j’ai confiance en un Dieu qui apparemment
ne m’accepte pas.

Dieu appelle tout le monde à lui.
C’est l’église qui ne m’accepte pas.

Mes prières ne seraient-elles pas été entendues parce que
tous les soirs avant de me coucher, j’embrasse les lèvres d’une femme
au lieu de celles d’un homme?

Quand je m’agenouille devant la croix,
est-ce que je viens juste d’être sale
parce que je me suis également agenouillée
entre les cuisses d’une fille?

Je suis une chrétienne gay.

Chaque jour, on me dit: “Mais la Bible déclare clairement que
le mariage est entre un homme et une femme.
Comment justifiez-vous cela?”

Je pourrais en dire long sur le contexte historique
et la manière de lire entre les lignes.

Est-ce que ma compréhension de la Bible a une moindre
importance que la vôtre parce que vous prenez tout au mot près
et que ma foi me rend certaine que Dieu m’aime toujours?

Quand je lève les mains dans la prière,
est-ce que c’est en vain juste parce que
ces mains tiennent aussi ma petite amie la nuit?

Je suis une chrétienne gay.

Lorsque j’ai fait mon coming out,
j’ai reçu des messages sur Facebook citant le Lévitique,
des versets j’ai entendu mille fois.

Il est facile de se cacher derrière un écran d’ordinateur
pour me dire des choses que je peux vous répéter mot pour mot.

Est-ce que je ne suis pas autorisée dans l’église
parce que vous avez peur que j’essaie de convertir
tout le monde à être quelque chose qui n’est pas votre choix ?

Quand je lis la Bible,
est-ce que je suis incapable de de voir ce qu’elle dit
parce que ma «maladie» l’empêcherait?

Je suis une chrétienne gay.

On m’a dit que j’avais choisi de m’identifier comme gay,
mais, en fait, j’ai juste fait le choix d’accueillir ce que Dieu a fait
de moi pour que je sois heureuse.

La plupart des croyants n’ont aucune idée de ce que vous sentez
lorsque vous êtes attirée par quelqu’un
que vous n’êtes pas censé aimer.

Quand je regarde les yeux de mon aimée,
n’est-ce pas la même chose que ce qu’un homme et une femme
voient dans les yeux l’un de l’autre ?

À mon mariage, je vais commencer à pleurer lorsque je verrai ma mariée
descendant l’allée en blanc, alors dites-moi
que ce n’est pas le même amour!

Je suis une chrétienne gay.

Source : Musings and Rants of a Sketchbook Artist

Photo : extrait d’une vidéo faite par Monkey Business Images

 


Là où je me rend régulièrement c’est une communauté monastique ouverte d’esprit ou ils ne rejettent pas les gays car certains des frères le sont.

(…) La première fois, j’y suis allé à reculons. J’ai fait confiance à mon accompagnateur qui m’avait conseillé d’y passer 3 jours seulement, pour commencer. J’y suis arrivé – c’est tout un truc, ça m’a tellement marqué ! – j’y suis arrivé un après-midi, la veille des Cendres, le jour de la Chandeleur, un mardi donc.

Déjà, avant d’arriver, je trouvais le paysage joli car on ne voit pas l’abbaye depuis la route. Et là, en m’approchant, j’ai vu cette abbaye cachée dans la végétation. J’ai trouvé ça beau. J’ai posé mes affaires à l’hôtellerie puis je suis allé à l’église. Cette église, quand j’y suis entré, ça m’a frappé : la beauté et la simplicité. Quelque chose m’interpellait. Je me suis assis et j’y suis resté un long moment, à la regarder.

Puis vint l’office des Vêpres. Le fait de voir ces moines tout en noir avec ces visages qui rayonnaient, ça m’a frappé. J’ai trouvé ça joli. Ils rayonnent ces gens-là. Ils sont arrivés deux par deux. Ça n’en finissait pas d’arriver. Je me suis dit “Mais ils sont combien ces gens là ?”. C’était un truc de fou. T’en voyais jamais la fin. Ça ne s’arrêtait jamais !

Et là, dès les premières notes de l’orgue pour le psaume, ça ma pris aux tripes, dès le 1er hymne. J’en avais les larmes aux yeux, des frissons partout. Je pleurais littéralement de joie. Je ne pouvais pas m’arrêter. Ce n’était pas de la tristesse mais de la joie. J’avais ressenti que la vie monastique m’attirait. J’avais ressenti un appel sans réussir à mettre de mot dessus. Mais là ça m’a interpellé… J’essayais de trouver une excuse : l’orgue, la qualité du chant, les voix…? C’est la 1ère fois de ma vie que j’ai ressenti ce que c’était une joie profonde. Je me suis dit “T’es là, t’es chez toi”.

Source texte : richard.giraud.over-blog.com : Est-il possible d’être gay et croyant en 2016?
Source photo :oeuvre de Rob Gonsalves via www.upsocl.com

LES TROIS RAISONS POUR LESQUELLES JE NE VOULAIS PAS ÊTRE GAY
par Jim Decke

(traduit de l’anglais)

Pourquoi avez-vous renoncé à devenir hétéro?” Cette question m’a été posée récemment par un nouvel ami. Il m’avait vu donner mon témoignage à l’église sur le fait d’être chrétien et gay et il avait lu mon histoire sur Facebook. Je lui ai dit qu’être hétéro ne m’importait plus, que je me contentais de vivre seul comme un célibataire et que Dieu était content de moi. En quittant notre conversation, j’avais le sentiment de ne pas avoir vraiment répondu à sa question, ou à la mienne. Alors, j’ai beaucoup réfléchi depuis.

J’ai su que j’étais gay avant d’avoir 10 ans, mais l’impact total de ce que cela signifiait ne m’a pas atteint avant l’adolescence. J’étais gay ! J’ai tout fait pour changer. Je suis allé voir des conseillers, j’ai vu des psychologues, des psychiatres, des travailleurs sociaux et des pasteurs. J’ai passé 2 ans dans un programme de rééducation, j’ai rejoint un petit groupe d’ «ex-gays», j’ai lu des livres et des témoignages sur la façon d’être hétéro. Plus que tout autre chose, j’ai prié, prié, prié, prié, prié, prié …

Je savais que la Bible condamnait l’homosexualité, et avec ce peu de connaissances, j’en ai conclu que jétais en train d’aller en enfer. J’ai grandi dans une famille chrétienne, mais j’étais terrifié à l’idée de parler à quelqu’un de l’homosexualité, il n’y avait donc personne qui aurait pu laisser une lumière dans mon obscurité. Ma première raison de vouloir être hétéro, c’était d’éviter d’aller en enfer.

La deuxième raison pour laquelle je ne voulais pas être gay était d’éviter le rejet. Les seules choses que j’aie jamais entendues à propos des homosexuels, c’était des blagues grossières, du dégoût et des moqueries. Pour moi, il était clair que je ne pouvais pas être considéré comme un homme, et encore moins être digne d’amour ou d’acceptation, si j’étais gay. Je voulais avoir des amis et être conforme au modèle, et j’ai pensé que je ne serais pas considéré comme grossier et indésirable si j’étais hétéro. La peur et la honte étaient insupportables, et le besoin constant de cacher mes attractions gay était une tâche épuisante et impossible.

J’étais seul et j’avais peur à l’idée que je serais ainsi pour le reste de ma vie. Je voulais partager ma vie avec quelqu’un et je pensais que le fait d’être hétéro et d’épouser une femme était la seule façon de répondre à ce besoin et d’être heureux, et satisfait. Les simples faits de regarder un film tout seul, par exemple, ou d’aller faire mes courses seul à l’épicerie et, ça, pour le reste de ma vie, me semblaient tristes et déprimants. Je ne voulais pas vieillir seul. La troisième raison pour laquelle je ne voulais pas être gay, c’est pour que ma vie ne soit pas vide.

Je vais avoir 41 ans en avril et je ne ressens plus le besoin d’être hétéro. Je sais que Dieu ne me condamne pas pour avoir des attractions ou des tentations homosexuelles. La Bible n’appelle jamais péché l’une ou l’autre de ces choses, elle condamne seulement le comportement*. Loin d’être promis à l’enfer éternel, je suis pleinement aimé et accepté par Dieu et, un jour, j’espère entendre les paroles, “Très bien, serviteur bon et fidèle” (Mt 25,23) Je vais passer l’éternité avec Dieu!

Comme je me suis lentement ouvert à des amis sur mes attractions de même sexe, au lieu de rejet, j’ai trouvé l’amour, la compassion et l’amitié. Avec l’acceptation de Dieu et des amis proches, j’ai pu m’accepter. Je ne vis pas ma vie dans la peur ou la honte, mais comme un ami et comme l’égal aux autres.

Une vie remplis d’amis et de camaraderie n’est une garantie pour personne. Dieu ne fait aucune promesse sur ces choses. J’ai actuellement les meilleurs amis que je pourrais demander et plus de gens qui partagent ma vie que j’avais besoin. Ce n’est pas toujours ainsi, mais j’ai vu la fidélité de Dieu et je sais qu’il répondra toujours à mes besoins. Je refuse de craindre ou de m’inquiéter pour l’avenir quand Dieu dit que nous n’avons pas besoin de s’inquiéter. Déjà ça.

Jim Decke,
article publié le 24 mars 2014 sur www.atacrossroads.net

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(*) Précision : ce témoignage intervient dans une culture où l’on a pensé que l’homosexualité était condamnée par la Bible, ou bien qu’elle était une maladie, et où l’on pense maintenant que les gays ne sont pas condamnés par la Bible mais leurs actes sexuels, si, et donc qu’ils doivent rester continents.
Personnellement, je ne suis pas pour la débauche mais je ne se suis pas non plus pour cette continence-là. Il y a quelque chose d’inhumain à brimer une personne dans sa sexualité, dans sa capacité à donner et recevoir de la tendresse de manière sexuée. Aucun des arguments que j’entends ou lis n’arrive à briser cette conviction intime que Dieu, dans son projet d’épanouissement de tous les hommes et de tout homme, ne demande pas cela.
Et plus j’entends les arguments avancés, moins j’y vois la posture évangélique. Imaginant Jésus rencontrant les personnes gays, je ne peux pas douter un instant non seulement de sa compassion mais de sa geste de rétablissement dans la dignité pour toute personne rencontrée, tout paria, tout rejeté tout rabaissé socialement. Un être humain est un être humain, il a les mêmes droits et devoirs que les autres êtres humains. Non pas tant envers la loi ou la culture ambiante, d’ailleurs, qu’envers la vérité.

Z.

Source photo : One kiss (Un bacio), film de Ivan Cotroneo, 2016, avec Rimau Grillo Ritzberger, Leonardo Pazzagli, Valentina Romani.