Plus besoin de compagnon

Plus besoin de compagnon, c’est ce que nous annonce fièrement le prophète Jérémie dans la liturgie de ce jour :

Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur coeur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Ils n’auront plus à instruire chacun son compagnon, ni chacun son frère en disant : “Apprends à connaître le Seigneur !” Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands.
(Jérémie 31, 33b-34)

Plus besoin de compagnon pour diriger ma vie. Pour me dire ce que j’ai à faire ou pas. Pour me dire ce que j’ai à ressentir ou pas. Pardon, mais même si ce n’est pas de cela dont je veux parler aujourd’hui, je le dis : plus besoin de clergé non plus. La promesse, c’est que l’esprit de Dieu m’atteindra et me remplira sans qu’aucun intermédiaire vienne me polluer de sa propre histoire, de ses limites et de ses projections. Et la garantie – quand même ! – que ce ne sera pas n’importe quoi, c’est que cela ne se réalisera pas que pour moi mais aussi pour chacun, pour les autres, pour tous.

Plus besoin de compagnon : tous seront mes compagnons, mes frères.

“Quand est-ce que cela se produira ?” pourrait-on demander comme cela a été demandé à Jésus. Et la réponse est : là, maintenant, c’est en train de se produire. Tu ne le vois pas, tu ne l’entends pas ?

C’est pourtant ce que Jésus dit encore dans l’Evangile de ce jour. Evidemment, c’est du saint Jean (Jn 12, 20-33), alors sans décodeur, c’est un peu compliqué à capter. Pour ma part, je voudrais juste attirer l’attention sur deux choses.

D’abord, le contexte de l’Evangile de ce jour : il y avait à Jérusalem de nombreux grecs qui demandaient à voir Jésus. Le thème du voir Jésus, on le trouve dans d’autres passages des Evangiles comme par exemple dans le récit de la rencontre entre Zachée et Jésus : lui, aussi, ce fils d’Abraham, il voulait voir Jésus. Ou bien plus poignant encore dans le récit de la rencontre avec l’aveugle de Jéricho, poignant parce que justement il ne peut pas voir. La plupart du temps ces gens qui veulent voir Jésus n’osent pas (qu’on pense aussi à Nicodème, par exemple, qui vient de nuit pour ne pas être vu) ou en sont empêchés (ce sont les apôtres qui, dans un premier temps, font barrage à l’aveugle de Jéricho.

Aujourd’hui ce sont des grecs, des étrangers, peut-être des craignant-Dieu, qui veulent voir Jésus. Alors, attention, comme pour l’appel des premiers disciples, il y a un protocole à suivre. On passe par les compagnons de Jésus : On en parle à André qui en parle à Philippe et ensemble ils vont le dire à Jésus.

Il me semble important de pointer cet élément de contexte avant de foncer et de se focaliser sur la réponse de Jésus au risque de ne pas bien saisir à quelle problématique il répond et de déconnecter son discours du contexte.

En ce temps-là, il y avait quelques Grecs parmi ceux qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu pendant la fête de la Pâque. Ils abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée, et lui firent cette demande : “Nous voudrions voir Jésus”. Philippe va le dire à André et tous deux vont le dire à Jésus.

Or, et c’est la deuxième chose, la réponse de Jésus est bien étrange et compliquée. Il parle de mort à venir, de vie éternelle, de son Père, d’épreuves, de le suivre et une voix dans le ciel vient confirmer que celui-ci est “glorifié” et va l’être encore. Tout cela pour conclure que le prince du monde va être jeté dehors et que désormais, “quand Jésus aura été élevé de terre” il attirera à lui tous les hommes. Voilà : plus de diviseur, plus de perturbateur, plus de confusionneur : désormais un accès direct au Christ Jésus, l’action de Dieu dans cet homme qui offre sa vie, habité et mû tout entier par la présence et l’amour de Dieu.

Désormais : plus d’intermédiaire, plus de compagnon. Ecoute en ton coeur. Accepte, adhère, assume cet élan vital qui te traverse. Mise sur lui : il est la présence de Dieu en toi qui cherche à se déployer dans le monde et, comme tel, il ne t’appartient pas : tu lui appartiens. Tu viens de lui et tu vas à lui. Il est la force de vie qui te traverse et t’entraîne vers toujours plus de vie. Surtout, ne pas le retenir, ne pas le capter, ne pas t’en prévaloir pour ne pas te replier sur toi-même. Dans un magnifique commentaire publié dans La Vie, le bibliste Philippe Lefebvre relève que quand l’on fait dire à Jésus, en français : “qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle”, c’est le mot grec psukhè qui a été traduit par le mot “vie” dans la première partie de la phrase et le mot zôè pour désigner la “vie éternelle”. Plus précisément, psukhè, que l’on retrouve dans tous les mots commençant par psycho-quelque-chose, désigne l’élan vital intrinsèque à tout être vivant, le souffle vital; et le mot zôè désigne la vie au sens de l’existence au sens fort, le déploiement de soi vers l’extérieur, la sortie de soi.

Il faut donc comprendre “qui veut garder pour lui son souffle vital le perd, et qui abandonne son souffle vital (se laisse travailler, emporter par lui) le gardera pour la vie éternelle.”

Ainsi tout s’éclaire : plus besoin de compagnon qui t’instruise puisque connecté et travaillé par cet élan vital, tu es le compagnon envoyé au monde pour qu’il se réalise, pour que les autres se réalisent. Et, bien sûr, tu n’es pas envoyé non plus pour instruire, dire aux autres ce qu’ils ont à faire. Tu es devenu signe de la présence, tu es présence. Si tu es attentif à ce souffle vital en toi et t’en fais le serviteur, il t’entraîne à être et cela réveille possiblement l’existant – le à-être – de chacun de ceux que tu rencontres.

Plus besoin de compagnon, ce n’est pas non plus que l’on doive se passer de relations intimes, encore que dans le cas de Jésus l’accent ne soit pas mis là-dessus puisqu’en dehors de la relation à ses disciples et à ses amis de Béthanie, il n’en soit pas fait mention. Tout au plus peut-on conclure que s’il y a des relations intimes avec un compagnon ou une compagne, cette relation ne consiste jamais à vouloir capter ou restreindre l’élan vital de l’autre. Mon existence est présence à plus grand que moi, je peux également rencontrer ce plus grand que moi en toi, mais jamais il ne m’appartient, jamais il ne t’apparient. Nous sommes juste compagnons de route.

source photo : photo de Mariana Maltoni publiée sur le blog minhamemoriasuja.tumblr

Parmi la sélection de The Voice 2024, dès la première émission, apparaît un ovni que TF1 ne met pas plus que cela en valeur sur ses réseaux sociaux. Indice qu’il n’ira pas très loin dans la saison? Peu importe. Lance Priester – c’est son nom – est différent. Il a une histoire originale (il a grandi dans un monastère racheté par ses parents qui en avaient eu le coup de coeur), il chante déjà depuis plusieurs années et exprime des émotions très justes. Il est différent, il joue avec les codes masculins et féminins et les deux lui vont bien.
Singularité et Authenticité, Puissance et douceur à la fois. Ecoutez-le, découvrez-le. Comme moi peut-être vous aurez envie de fermer les yeux et écouter en boucle cette voix qui vous connecte à vous-même, une sorte de connexion à l’essentiel sans que je sache bien exprimer pourquoi et comment.

Lance Priester interprète “Creep” de RadioHead :

Et il est apparu.
La voix juste, le ton, l’émotion.
Tant de douceur dans cette voix chantée.
Tant de maîtrise aussi
Et puis tout à coup cette puissance
quand il crie : “elle s’enfuit en courant”…

Elle ? Il est apparu.
Homme avec cette si belle féminité.
Ce regard translucide,
cette voix douce et posée,
avec ce brin d’humour calme,
moitié amusement, moitié étonnement,
qui lui donne un charme fou.

“Alors ?”
Alors…d’où viens-tu bel ovni
qui affiche si tranquillement
qui tu es
singulier, authentique ?
Combien de combats as-tu dû mener
pour acquérir cetet force
et pouvoir l’offrir au monde ?

Tu es beau
d’une beauté qui ne s’acquiert pas.
Tu es beau de cette singularité,
cette capacité à rester connecté à toi-même,
qui tendent lumineux.

Tu es apparu,
tel un ovni qui vient tout chambouler.
Tu chantes que tu un mauvais garçon, “a creep”
qui ne sera jamais à la hauteur,
jamais assez bien, jamais assez beau,
pour celle qui rit se rit de toi et s’enfuit en courant.

Tu t’amuses.
Si beau, si fort
dans cette manière de dire vrai,
de nous emmener dans ces émotions
dont tu t’empares avec tant de facilité.

Singularité, authenticité.
Douceur, Puissance.
Tout ce dont j’ai besoin.
Merci.

Z- 1er mars 2024

Voilà un homme qui me confie qu’il est attiré par les hommes. Il le vit comme un calvaire, une abomination, il se déteste pour cela. Il prie, il implore, il demande pardon, croit être délivré et retombe dans son penchant… Désespoir.

Mon blog lui fait du bien, semble-t-il. Et pourtant, il repousse de toutes ses forces cette dimension homosexuelle qui l’habite comme si elle lui était étrangère et qu’on pouvait l’extirper.

J’ai vécu cela tellement longtemps ! Durant toute mon adolescence et une grande partie de ma vie d’adulte… Alors je comprends et j’assiste impuissant à cette lutte intérieure angoissante et fatigante. Il faut du temps pour repérer ces forces obscures qui s’agitent en soi, pour en comprendre en les enjeux, accepter qu’elles ne sont ni bonnes ni mauvaises, qu’elles sont moi. Moi en conflit avec moi-même sur fond de non acceptation de qui je suis vraiment.

Et pourquoi je ne m’accepte pas ? Pourquoi je vais imaginer que l’orientations sexuelle, le fait d’avoir des fantasmes sexuels avec quelqu’un du même genre, de me masturber peut-être avec ce genre de scénarios, ou, même que de m’attacher affectivement à quelqu’un du même sexe, ce serait mal, péché, tentation, force du mal, ou que sais-je encore ? Cette conception de moi, ou plus exactement cette non-compréhension que ce conflit m’appartient dans toutes ses dimensions, a conduit à des imbécilités comme la mise en place des thérapies de conversion, heureusement aujourd’hui interdites par le droit ET par l’Eglise, mais aussi à des exorcismes, des prières de libération, etc.

Mais quoi, expulser une partie de moi ? Me libérer d’une partie de moi ? Quel non sens ! Ah non alors, ce ne serait pas moi… Ce serait le diable, le malin qui viendrait me tenter alors que Dieu lui m’appelle à la sérénité, la paisibilité, une hétéro-normalité paisible et tranquille, et qui serait, dans mon cas, aseptisée, anesthésiée, sans couleurs, sans mouvements, sans vie, tellement je ne suis pas attiré sexuellement par les femmes…

En réalité, ce conflit intérieur est bien entre une partie de moi qui souhaite être heureuse, reconnue socialement, non rejetée du club des humains et une autre partie de moi qui me fait peur, qui me fait penser que le monde s’écroulerait si je l’acceptais car cela voudrait dire que je ne suis pas normal, que je suis malade, fou, différent, étrange…Tout ce qui fait qu’on pourrait me rejeter, m’abandonner et qu’alors je préfère rejeter comme dangereux, comme une porte vers un inconnu qui fait peur. TERRIBLEMENT peur ! A la manière d’une peur archaïque d’enfant qui craint d’être englouti dans un grand vide. Qui a peur de mourir. Qui veut être aimé. Et qui va s’imaginer que pour être aimé, pour ne pas mourir, il faut donc être dans la norme.

Moi, je ne suis pas malade, je ne suis pas anormal, je ne suis pas différent, je veux être aimé, accepté, accueilli comme tout le monde, j’en ai un besoin tellement vital que c’est sûr : JE NE PEUX PAS être homosexuel !

Pas besoin d’être dans une famille homophobe pour assimiler et faire siennes ce genre de convictions qui conduiront au déni et au refoulement de cette part de soi. Non pas besoin ! Je dois rendre justice à ma famille que jamais je n’ai entendu une remarque haineuse envers les personnes homosexuelles dans ma famille. Dans mon cas, c’était plus un silence gêné et si le sujet venait dans une conversation, un haussement d’épaules pour dire “c’est comme ça” et une sorte de tristesse en évoquant ces gens qui sont “différents”.

Dans mon cas, pas besoin de propos homophobes mais une peur. Une si grande PEUR d’être rejeté si j’ouvrais la porte à cette homo-sensibilité que j’ai sentie très tôt en moi. Non, pas question d’être différent ! C’est trop dangereux ! Et si on me rejetait?

Le déni peut se nourrir d’une homophobie bien plus subtile, celle de la société, de la religion, des églises. Très tôt j’ai intégré que ça ne se faisait pas (ou plus exactement que ce n’était pas permis, ce que je confondais à l’époque), que ce n’était pas acceptable, que ça ne pouvait que créer des ennuis. Alors comment accepter cette part de moi quand on y voit que des inconvénients et que notre petit être d’enfant a la prescience que pour survivre il ne faut pas être rejeté, qu’il faut se conformer, entrer dans le moule ? La pire des violences, peut-être, est celle qui est silencieuse car elle dure ; on s’y habitue, et plus on s’y habitue, plus elle dure, plus elle s’enkyste loin dans notre mémoire et plus il sera difficile d’y revenir. De revenir à cette part de moi oubliée et pourtant bien réelle.

Alors revenons un instant à ce conflit intérieur entre moi et moi. Il y a une partie de moi qui est bien éduquée, qui est polie et conformiste et ne veut pas de vagues. Et il y a une partie de moi que j’ai rejetée, niée, refoulée, qui est tapie au fond de moi, blessée, souffrante, en colère peut-être, de ne pas avoir été reconnue, de ne pas avoir pu se déployer, de ne pas pouvoir exister.

Parmi les dénigrements de moi-même, il y a l’image que je me suis faite de Dieu, des évangiles et de l’église. Là aussi, il y a à questionner et à déconstruire. La représentation que je me suis faite de Dieu, elle est faite du message d’AMOUR qu’on m’a transmis mais aussi de tous les préjugés et fausses informations qu’on m’a transmis tout en transmettant ce message d’AMOUR. Sur fond de jugement moral à deux balles : ce qui est bien, ce qui est mal ; qui est accepté et qui est rejeté. En l’occurrence, la Bible serait contre l’homosexualité, la tendance homosexuelle serait contre la loi naturelle, l’amour de personnes du même genre et les pratiques sexuelles qui vont avec seraient des abominations, des désordres structurels. Tous ces grands mots (ces grands maux!) : et puis quoi encore ?

Revenons au textes bibliques, revenons à l’Evangile. Sans chercher à hiérarchiser ou à opposer un texte à un autre – au nom de quoi on le ferait, sur quel critère meilleur qu’un autre ?

Et que reste-t-il ? “Aimez-vous les uns les autres”…”Je ne suis pas venu pour juger”…”Ne jugez pas, vous ne serez pas jugés”… ” Qu’ils soient Uns”… “Je suis venu…pour que pas un ne soit perdu”… “Je suis pour que vous ayez la vie, et la vie en abondance”…etc.

Quel drame ! Que nos préjugés d’humains limités nous fasse comprendre et appliquer de travers un message d’amour INCONDITIONNEL. Inconditionnel : ça veut dire sans conditions, sans possibilité d’exclure quelqu’un. Comment donc les disciples du Christ peuvent-ils s’exclure les uns les autres et continuer de se proclamer chrétiens ? Pire: comment donc puis-je adhérer à ce Jésus, mon ami, qui m’aime inconditionnellement et m’exclure moi-même ? Exclure une partie de moi comme non aimable, ce qui revient au même ?

Revenir de ces fausses conceptions de Dieu, de tous ces préjugés sur lesquels on s’est structuré depuis l’enfance est un travail long et douloureux. Mais il est possible et il est salvateur : il permet de se réconcilier avec soi-même, au sens de : se retrouver, se rassembler, s’unifier.

Je n’ai pas de conseils à donner, pour chacun ce chemin sera différent. Mais j’ai eu envie de partager ce dessin de David Hayward qui m’a, en son temps beaucoup aidé. Peut-être aidera-t-il l’un d’entre vous à aller plus loin vers lui-même ? Rien de notre humanité que Jésus ne connaisse pas déjà et que, pour sa part, il accepte et il aime déjà. C’est ça qui est nouveau avec Jésus : c’est fini les peurs d’être rejeté, c’est l’amour qui vient !

Dans ce dessin, le premier personnage s’excuse : ‘Tu sais, Jésus, je crois que je suis gay !”

Et Jésus, sans lui lâcher la main, de répondre : ” Dude! (c’est-à dire : mec, poteau, copain, l’ami!) je le sais (déjà) depuis bien plus longtemps que toi longtemps que toi !”

A méditer. Longtemps, souvent. Chaque fois que nécessaire.

Z. – 14 septembre 2023

« Ils choisirent sept hommes remplis d’Esprit Saint » (Ac 6, 1-7)

En termes modernes, on dirait : ils choisirent sept hommes remplis de spiritualité, ou attentifs à la spiritualité. Car qu’est-ce d’autre que la spiritualité sinon “la vie selon l’Esprit” ?

Que nos contemporains soient férus de spiritualité mais se méfient des institutions est finalement un réflexe de bonne santé. L’Esprit, personne ne sait d’où il vient et où il va. Alors que des institutions prétendent le savoir à la place des dépositaires de cet Esprit, et de surcroît veuillent l’orienter par ici ou par là, voilà qui est plus que suspect.

En même temps, il ne faudrait pas croire que ce serait n’importe quel esprit, n’importe quelle direction, n’importe quelle pulsion du moment à suivre. Si l’on regarde bien le texte des Actes des Apôtres, la mention d’être rempli de l’Esprit -Saint est toujours complétée par un autre critère de discernement qui y est adjoint : la sagesse (sophia : Act 6,4), la foi (pistis : Act 6,5), la force ou la puissance (dunamis, Act 6,8). Autant de mots que l’on retrouve souvent dans le récit des évangiles synoptiques et qui sont associés au ministère de Jésus.

Être rempli de l’Esprit-Saint se vérifie donc par la confiance en la révélation qui nous traverse (en Dieu), la force intérieure qui s’en dégage et l’efficience.

De cela, il résulte que nous devrions tous honorer, et déployer notre dimension spirituelle Et, parlant de spiritualité, veiller à ne pas en faire un magma gélatineux où tout est possible mais au contraire une dynamique de vie qui nous oriente vers la meilleure version de nous-même.

Là se fait le lien avec l’acceptation de soi. Je ne suis pas le produit des conditionnements qui m’ont façonnés et qui étaient nécessaires le temps de mon apprentissage vers l’autonomie spirituelle. M’identifier à eux, c’est me dérouter de mon chemin (Tiens ! C’est la définition hébraïque du péché : se dérouter de son chemin !) , c’est vivre par procuration avec les critères d’autrui. Aussi pertinents soient-ils pour autrui, pour le collectif, pour l’institution qui les enseigne et en est garante, cela e me dispense jamais de vérifier qu’ils sont pertinents pour moi.

J’aime bien l’image botanique du tuteur qui est nécessaire à la croissance de certaines plantes. Une fois qu’elles ont grandi, elles n’ont plus besoin de ce tuteur, elles poursuivent leur croissance, seules et autonomes, déployant leurs branches et produisant du fruit. Se confondre avec le tuteur au point de ne pas vouloir s’en séparer ou, de l’extérieur, vouloir imposer un tuteur qui n’aurait pas de limites dans le temps et pour le développement de la plante, c’est dans le premier cas une erreur, c’est dans le deuxième cas une forfaiture.

Encore une fois, en écrivant tout cela, je me demande le rapport avec l’objet de ce blog. Il tient en une processus très simple : l’acceptation de soi. Dans mon cas, l’acceptation de mon orientation sexuelle a été le déclencheur vers une acceptation intégrale de mon humanité quand bien même elle ne répondrait pas aux normes de la société, de l’église, de l’éducation, de la famille, etc. Qui aurait le droit de m’empêcher d’être moi-même ? Soyons plus précis : qui aurait le droit de m’empêcher de me connecter à cette dimension de moi qui concourt à mon épanouissement ? En vérité, je me le suis infligé moi-même pendant des années, croyant être libre alors que je collais comme un désespéré qui a peur du vide à ce foutu tuteur dont je parlais plus haut. Je n’ai pas été violenté, je n’ai pas subi d’agressions homophobes mais qu’est-ce que j’avais peur d’être différent du modèle ambiant dans lequel j’ai évolué. Tellement peur que je n’osais pas être moi-même.

Or, depuis que j’accepte cette dimension de moi, je vois que je suis plus serein, plus lucide et que je porte du fruit, d’une certaine manière, autour de moi. Pour rien au monde, je ne voudrais revenir en arrière.

Alors voilà. Je trouve intéressant que les apôtres constatant qu’ils n’arrivaient plus à gérer la croissance de l’église naissante et les revendications de cette partie hellénisante qu’ils ne devaient pas comprendre tout à fait ont eu l’intelligence de reconnaître la dimension spirituelle de leurs interlocuteurs et de l’honorer.

Plutôt que s’arc-bouter sur une église en décomposition (donc en recomposition), ne devrait pas mieux entendre et écouter les mouvements de l’Esprit-Saint qui s’expriment à travers les attentes spirituelles de nos contemporains ?

Z – 6/5/2023

Source photo : Michael Zanderigo, Tristan Stalbaum et Chaz Perry photographed by Amadeo Agis Amadeo Agis, photographe à Hawaï.

La Grâce, qui est considérée par l’homme naturel comme un don qui lui vient d’un Divin extérieur, est pour l’homme initiatique l’accès à la conscience du Dieu intérieur, de son être propre.

Karlfried Graf Durckheim, (1896 – 1988), mystique et philosophe allemand,
L’expérience de la transcendance.

Photo : Rene Capone (b. 1978) Blue boy, yellow light (sur pookiestheone.tumblr.com)