Poussin, Le baptême de Jésus

« Et nous, que devons-nous faire ? » (Luc 3,14)

Et nous, aujourd’hui, que devons-nous faire ?
Question qui taraude nos existences. comment bien faire son métier de femmes et d’hommes, de chrétiens? Question abyssale en ces temps qui sont les nôtres. Que faire qui fasse du bien à l’humain? Qui le console, le restaure, le soutienne, lui donne encore espérance et courage. Que faire face à l’incertitude qui inquiète, parfois angoisse nos histoires personnelles comme collectives. Que nous faut-il faire devant la complexité du monde que trop voudraient réduire à des raccourcis aussi saisissants que mensongers ? Nous aimerions parfois qu’une sentence en finisse avec notre inquiétude et imaginer alors trouver le repos en mettant en oeuvre un commandement posé d’en haut et une fois pour toutes. Sans sourciller. Sans réfléchir. Mais non : l’Evangile invite au courage du questionnement.

Véronique Margron, La Vie n° 3367, 10 décembre 2015.

On peut se quetsionner à tout âge. Dans l’image ci-dessus qui représente le baptême du Christ, réalisé par Nicolas Poussin, on voit nettement trois hommes assister au baptême réalisé par le Baptiste. trois hommes, trois âges, trois moments de la vie. Il est toujours temps de se questionner ! Les trois hommes ont en commun que , chacun à leur manière, ils désignent ou regardent non pas directement le Christ mais l’Esprit Saint qui éclaire la scène et donne le sens de cet évènement.

Pour une analyse plus complète, voir l’excellent commentaire de Serge Ceruti sur cette oeuvre, publié sur le site de Prier.com sous le titre un groupe d’hommes au bord de l’eau.

misericordes-sicut-pater
Misericordes sicut Pater! (Lc 6,36)
Miséricordieux comme le Père !

1.
Rendons grâce au Père, car Il est bon in aeternum misericordia eius [cf. Ps 135/6]
Il créa le monde avec sagesse in aeternum misericordia eius
Il conduit Son peuple à travers l’histoire in aeternum misericordia eius
Il pardonne et accueille Ses enfants in aeternum misericordia eius

2.
Rendons grâces au Fils, lumière des nations in aeternum misericordia eius
Il nous aima avec un cœur de chair in aeternum misericordia eius
tout vient de Lui, tout est à Lui in aeternum misericordia eius
ouvrons nos cœurs aux affamés et aux assoiffés in aeternum misericordia eius

3.
Demandons les sept dons de l’Esprit in aeternum misericordia eius
source de tous les biens, soulagement le plus doux in aeternum misericordia eius
réconfortés par Lui, offrons le réconfort in aeternum misericordia eius
en toute occasion l’amour espère et persévère in aeternum misericordia eius

4.
Demandons la paix au Dieu de toute paix in aeternum misericordia eius
la terre attend l’Evangile du Royaume in aeternum misericordia eius
joie et pardon dans le cœur des petits in aeternum misericordia eius
seront nouveaux les cieux et la terre in aeternum misericordia eius

Hymne  pour l’année de la miséricorde

Misericordes sicut Pater
Paroles: Père Eugenio Costa
Musique: Paul Inwood
Edition: Vatican

Partition à télécharger ici

HappyMan

 

Avec la Toussaint, revoilà l’Evangile des Béatitudes (Mt 5, 1-12a).

Heureux les doux, heureux les purs, heureux les artisans de paix…

Ces déclarations de Jésus, sont reçues comme programmatiques par de nombreux chrétiens : Heureux, tu es fait pour être heureux! Promesse de bonheur pour toi, qui que tu sois. Promesse de bonheur pour toi même si tu pleures, si tu souffres, si tu es méprisé, si on dit du mal de toi à cause de moi…

Que de chrétiens se sont levés à l’annonce de ce programme ! Ils se sont levés et ont agi, non tant pas pour eux que pour les autres. Pour défendre la justice sociale, pour défendre la paix, pour défendre la dignité de l’homme, pour soulager toute souffrance, toute misère.

Pourtant, ce mot “heureux”, il n’est pas simple. A la vérité, il est dit au présent, à l’actif, là, pour maintenant. Et, en écrivant cet article,  pour qu’il me soit acceptable, j’ai dû le transformer en “promesse de bonheur” comme si c’était pour demain. J’ai déjà entendu des prédicateurs le traduire par ” Tu seras heureux , toi qui…” ou par ” Tu es fait pour le bonheur, toi qui…“.

Mince, alors, je suis fait pour le bonheur, je serai heureux mais ce n’est pas pour maintenant? Bon, on peut toujours dire – et c’est vrai ! – qu’aux yeux de Dieu , c’est maintenant et que s’abandonnant à son amour avec confiance, tu vas le goûter dès maintenant. Oui, mais, bon… L’injustice, la souffrance, la misère ? Là, je ne les rêve pas ; elles sont là aussi pour aujourd’hui !

Vraiment, quelle confiance en l’amour de Dieu ont eu ces pionniers qui, à cause de ces paroles de Jésus, se sont lancés dans la construction d’un monde meilleur pour tous ! Ils ont cru et ont mis en pratique que la béatitude est une promesse immédiate pour tous, sans exception !

Leur coeur et leurs tripes, quelque part, leur ont fait comprendre les mots transmis de Jésus dans l’esprit.

Car pour ce qui est de la transmission, la traduction française n’est, encore une fois, pas ou plus suffisante.

Le mot traduit par heureux vient du terme grec ‘makarios‘ qui effectivement n’est quasiment traduit que par les mots heureux ou bienheureux. C’est le sens du prénom Macaire, le bienheureux. Si l’on va plus loin, pour ce qui est de l’étymologie grecque, deux hypothèses existent concernant la racine du mot. L’une, la plus courante, propose de le rattacher au mot ‘makar‘, qui indique le bonheur dans le sens de ce qui plaît à Dieu (et donc aux hommes forcément !) Il y a ici une intéressante discussion relevant des expressions grecques, italiennes, espagnoles et même serbes, qui viendraient de cette étymologie.

Une autre hypothèse, s’appuyant sur la racine ‘mak‘, indique que le terme ‘mak-arios’ suggère l’idée d’être grand ou d’être élevé. ‘Arios‘ même racine que le dieu grec Arès, dieu de la guerre, pourrait alors désigner le combat. Le ‘makarios‘ est alors celui qui est grand, qui est élevé, par ou dans le combat. Il y a une idée de prestige, d’honneur , d’être distingué, dans cette acception-là

Notons que, même si elles ne s’appuient pas sur la même racine, les deux hypothèses ne sont pas incompatibles et qu’au contraire, elles enrichissent le sens du mot ‘macaire’.

Cela étant, cela ne suffit pas. Pour comprendre les “béatitudes”, probablement faut-il se rappeler que, même si les Evangiles ont été écrits en grec, ce n’était pas la langue de Jésus, et qu’il y a déjà là la traduction d’une tradition sémitique largement attestée dans la Bible, dans les Psaumes, les Proverbes et plein d’autres Livres.

Car des bénédictions dans la Bible, il y en a ! Or le mot hébreu que l’on traduit couramment par “heureux”, et probablement en grec par ‘macarios“, est ‘ashar‘. Et ‘ashar’, ah! ‘ashar’, c’est impossible de le limiter au mot ‘heureux’ ou ‘bien-heureux’, ‘ashar‘ contient l’idée de marcher, d’avancer, aller de l’avant. C’est donc une vision très dynamique du bonheur. Est heureux celui qui avance, celui qui marche. Et comme souvent dans l’hébreu biblique, cela est renforcé par une sorte de répétition comme dans le Psaume 1 ou le Psaume 118 :

 

Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants, qui ne suit pas le chemin des pécheurs, ne siège pas avec ceux qui ricanent, mais se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit !” (Psaume 1, 1-2)

Heureux les hommes intègres dans leurs voies qui marchent suivant la loi du Seigneur !
Heureux ceux qui gardent ses exigences, ils le cherchent de tout coeur !” (Psaume 118, 1-2)

Autrement dit et très maladroitement transcrit par moi :  “Ils marchent bien/droit, ceux qui marchent selon la voie du Seigneur.”

Celui qui est “heureux” c’est celui qui marche selon les voies du Seigneur et qui ne se laisse pas détourner du bon chemin. Il  va vers Dieu, il  vit avec Dieu, Dieu est avec lui ( ce qui ne veut pas dire que Dieu fait à sa place).

Mais pourquoi redire ce qui est très bien écrit par ailleurs, voici un un extrait d’un commentaire du Psaume 1 publié sur le site  interBible :

“Au point de départ, il y a un problème de traduction. Même si les évangiles ont été écrits en grec, Jésus n’a peut-être jamais utilisé le mot makarios. Quand il priait en hébreu, il utilisait le mot ashré. Or, l’hébreu a un sens beaucoup plus riche que le grec. Quand on dit de quelqu’un qu’il est heureux, on peut penser à deux aspects : l’état dans lequel il se trouve et la cause de son bonheur.

Le grec comme le français et l’ensemble des langues vernaculaires indiquent un état. L’hébreu indique la source du bonheur. Le passage d’une langue à une autre a affaibli la portée du mot heureux. Makarios, c’est le terme utilisé par les épicuriens pour désigner un état de bien-être. À la limite, ça peut indiquer un bonheur « à fleur de peau », selon l’expression un peu facile « d’être bien dans sa peau ». C’est le même mot pour exprimer le bonheur d’un petit chien à qui l’on donne la viande du Dr Ballard ! Est-ce juste cela que Jésus nous promet, « d’être bien dans sa peau »? Je suis heureux de faire une croisière. Je suis sur le bord d’un lac; il fait beau; je me la coule douce avec une petite bière près de mon hamac! Je suis makarios. Je suis en bonne santé; je viens d’acheter une nouvelle voiture; j’ai décroché un bon travail : je suis makarios. J’ai gagné à la loto, je suis makarissimos!

Ashré nous oriente sur une autre piste. Selon son étymologie, ashré signifie quelque chose qui est « droit ». Même en hébreu moderne, pour dire à quelqu’un d’aller tout droit, on utilise la même racine : Lakh iashar ! Parmi les mots de la même famille, on rencontre Ashéra, la déesse de la fertilité, dans le panthéon cananéen. Dans les temples dédiés à Ashéra, on érigeait un pieu sacré au sommet duquel était fixée la déesse. Juges 6,25 évoque justement ces fameux pieux sacrés contre lesquels se sont insurgés les juges et les prophètes.

Le bonheur, au sens hébraïque, prend sa source dans une vie droite. Il ne s’agit pas d’un vague bonheur épidermique, mais d’un bonheur qui découle d’une rectitude de vie. André Chouraqui, traduit « heureux» par « En avant » c’est-à-dire continue à marcher droit malgré les épreuves de la vie.”

(La suite sur interBible)

Les saints, ces témoins du bonheur.

Pas seulement d’une promesse de bonheur mais que le salut de Dieu est en marche, que le Royaume de Dieu se construit jour après jour, en ce moment-même, à travers toute action vraie,  selon une vie droite et juste.  Le témoin du bonheur ne siège pas au conseil des méchants (Ps 1), il marche sur la route des hommes, témoin de l’amour de Dieu dans l’ici et le maintenant. Il va de l’avant et entraîne les autres. La gloire de Dieu est déjà sur lui, même si ni lui ni personne le la perçoit ainsi.

Allez,  les marcheurs, en avant, tous !

C’est la Tous-saint !

resureection

 

Ma vision personnelle de l’Eschatologie

“Je suis quelqu’un qui ne croit pas dans la doctrine d’un tourment éternel et conscient ou dans une interprétation littérale de l’Apocalypse, j’aime vraiment la section orthodoxe sur la page Wikipedia consacrée à l’au-delà.

Je crois personnellement que quand nous mourons, chacun d’entre nous viendra au repos. À la résurrection, nous serons tous réveillés de notre sommeil, et ressuscités corporellement, et nous nous joindrons à ceux qui vivent déjà. Je crois que nous serons tous placés devant Dieu et que Dieu parlera avec nous au sujet de ce que nous avons fait de notre vie, ce que nous avons dit, et ce que nous pensions et il nous montrera nos erreurs. Je crois que Dieu va souligner où nous avons posé problème et nous appellera à sortir de cela et à revenir comme avant tout être humain qui ait jamais existé. Je crois que «grand appel” sera une punition suffisante. Et non, je ne plaisante pas.

Si quelqu’un n’est pas d’accord avec la critique que Dieu fait de sa vie (les chrétiens homophobes, par exemple), ils devront perdre à jamais leur paix. L’Amour sans limites de Dieu pourrait même rendre ces gens éternellement mal à l’aise, mais ils devront vivre avec cela. On peut même considérer que cet inconfort serait une sorte d’éternelle punition auto-infligée.

Debout face à Dieu, seront chassés toute trace d’incrédulité, tous les doutes, toutes les craintes, et tout péché. Et après que toute l’humanité ait été jugée, le monde que nous connaissons sera entièrement restauré et transformé et nous pourrons profiter du Royaume de Dieu tous ensemble pour toujours.”

 

Profession de foi, vue et traduite depuis le blog d’un jeune épiscopalien d’Europe de l’est, ici : theologicalmess (en anglais)

desert friends by Boris Michalicek

« Je lui parlerai cœur à cœur »

j-irai-au-desertNi Dieu, ni maître
Ni Dieu, ni maître ! Je pars au désert, loin de celui que j’aimais. Il m’a déçu, il m’a trompé. Impossible qu’Il soit, ce Dieu qu’on dit d’amour : Regardez alentour, l’injustice est partout, le scandale déborde. On tue sans rémission. Pour Dieu on assassine. Dans ma vie, rien de mieux. Des prières sans réponses, des luttes inlassables contre des maux incessants. Je suis las de me battre sans personne pour m’aider. Je vais fuir au désert, pour mettre sous mes yeux l’atroce aridité, la solitude extrême où seul je me perds. Drapé dans mon orgueil, là-bas, à pleine gorge, je crierai sans relâche, je viderai ma haine, je proférerai les noms les plus blasphématoires sans crainte que jamais nul écho ne revienne.

burning-man-420Je regarde alentour, mes larmes ont tout lavé : le ciel, les oiseaux. Les bêtes vont et viennent, et la lumière pure qui réchauffe le monde. Je commence à comprendre. La laideur est en moi. Mon œil trop souillé ne pouvait pas bien voir. Mes lèvres profanées par des grimaces immondes, avaient perdu les mots qui gagnent la sagesse. Mon cri est sans écho. Mais lève une autre plainte. C’est un chant, ou des pleurs. C’est ma soif d’être aimé. C’est Jésus, qui pour moi se bat seul, au désert, contre mes tentations, ces démons relâchés par mes cris de vengeance. Et lorsqu’il foule au pied le dernier adversaire, alors il me regarde, et me voilà aimé. « Tu ne voulais plus Dieu, je serai donc ton frère. Toi qui fuyais ton maître, reçois-moi en ami. »

 

Frère Franck Dubois, dominicain

 

Source : Signe dans la Bible