On devrait faire un club de poètes
Ash serait notre mentor
Oui, un club de poètes
comme il y eut l’école de Rochefort
Ils ne se prenaient pas la tête
C’était d’abord un groupe d’amis
Avec qui se retrouver était toujours une fête
Des poètes pour raconter la vie
Bouhier, Cadou, Manoll et les autres
Le projet d’une poésie qui va à l’essentiel
Dans cette école il n’y a pas d’apôtres
Chacun raconte le quotidien du ciel
C’est la buée sur la vitre, le souffle du cheval
La marche du facteur, l’amour d’une femme
La beauté du monde qui voisine avec le mal
La persistance vivante d’une petite flamme
Poésie la vie entière !
Poésie quand tu nous tiens
Poésie dans chaque instant qui vient
Poésie l’humanité entière
J’aime quand Cadou l’instituteur
Se met à nous enseigner de douces leçons
Evoque l’école davantage comme une cour de récréation
Dans laquelle tout peut s’écrire sans peur
Ecrire la vie
Ecrire les combats et la torpeur
Ecrire la force de l’amour
Ecrire sans cesse cette folie
Qui fait aller si loin en soi
Qui fait voir plus loin que soi
Qui rend route chose atteignable.
Toute chose, ai-je dit ?
Non, pas toute chose
ce qu’il y a derrière toute chose
toute sensation humaine
toute expérience humaine
toute relation humaine
à autrui bien sûr
mais aussi au vent, aux nuages
aux fleurs, aux animaux aux montagnes
à l’océan infini de ce qui nous relie
Où sont les poètes
qui sont prêts à célébrer ainsi la vie ?
Et toi Ash
où es-tu, où te caches-tu ?
Viendrais-tu dans un tel cénacle
sans craindre pour ta liberté
et sans te dénaturer ?
Les amis
il se pourrait bien
que nous soyons orphelins
Ash est insaisissable
et c’est ce qui fait son charme
c’est ce qui fait qu’à la fois
il nous inspire et nous bouscule
autant.
Nous pensons à tort
être ses amis
alors que c’est lui
qui est notre ami
mais à son corps défendant.
J’ai encore rêvé de toi.
C’est pas ta faute,
C’est pas la mienne non plus.
Mais c’est comme ça.
Le réveil a sonné
plus tôt que d’habitude
pour que je sois à l’heure
à ce foutu rendez-vous.
Et quand il a sonné,
tu étais là.
J’étais dans tes bras
tu m’enlaçais tendrement
et tu me murmurais
des mots doux.
Nous étions nus,
je crois,
peau contre peau.
Seulement ça :
peau contre peau
sans désir érotique,
enfin, je crois.
En tout cas,
pas au moment
où le réveil à sonné.
Mais
qu’est-ce que tu fais là
encore ?
C’est pas fini nous deux ?
Je t’aime, tu m’as aimé,
-. jamais physiquement –
tu m’as jeté, j’ai survécu.
J’ai eu du mal
mais je suis passé à autre chose, non ?
Qu’est-ce que tu fais -là
mon amour de toujours ?
Tu as fait ta vie.
Tu t’es marié, tu as divorcé
Tu as eu tes enfants,
ta vie bien huilée
de je ne sais pas quoi
et je ne veux pas savoir.
Qu’est-ce que tu fous là ?
Laisse-moi partir,
J’ai le droit d’être heureux moi aussi.
je peux pas tout le temps t’attendre,
je ne veux plus t’attendre.
Ce que tu es devenu,
si ça se trouve,
je ne l’aime même pas.
Si t’es devenu un hétéro bobo
qui juge les autres,
ça m’intéresse pas.
Si tu te caches encore
que t’étais tombé amoureux de moi
et que tu as eu peur,
et que tu m’as jeté,
abandonné,
alors que moi je t’attendais,
tais-toi, va-t-en.
Je peux plus t’attendre.
Je veux plus t’attendre.
Où est-il le gentil garçon
qui me fera oublier
qu’un jour je t’ai rencontré
et que mon cœur , ma vie, se sont ouverts
aux dimensions de l’univers
et que je n’arrive plus,
que je ne suis jamais arrivé,
à revenir à la réalité
qui est
que je ne sais pas qui je pourrais rencontrer d’autre que toi,
qui pourrait me trouver intéressant à part toi,
et que je ne crois même pas
qu’il y a quelqu’un quelque part qui pourrait s’intéresser à moi.
Tu m’as blessé,
tu m’as anéanti
et tu ne le sais pas,
bien sûr.
Tu ne le sauras jamais d’ailleurs,
j’ai pas envie de régler des comptes
avec toi,
je pourrais pas ;
j’aurais trop envie de sauter dans tes bras
et que tu me murmures des mots doux.
Peut-être on serait nus d’ailleurs
et on goûterait ce moment
sans aucune gêne.
Va-t-en, je te dis.
tu m’empêches de vivre maintenant.
Va-t-en.
Un jour on se retrouvera,
au ciel sûrement
et on rira de tout ça,
ou on comprendra,
ou on fera l’amour,
je sais pas,
mais
c’est plus le moment maintenant.
Va-t-en
s’il te plaît.
Z – 20 mai 2025
Photo : Photo prise par l’excellent photographe Georges Platt Lynes (1907-1955).
Il parle
de sa “vie de patachon”.
Il dit
qu’il n’en peut plus
de cette “vie de patachon”.
Et je sens le désarroi,
le désespoir, l’immense tristesse
de cet homme qui me confie sa vie.
Pas seulement.
Le ras-le-bol aussi.
Parce que
même si l’expression peut paraitre drôle
et même tournée en dérision,
comme dans la chanson de Bourvil et Guétary,
non, la vie de patachon,
ça n’est pas drôle du tout.
Elle est bizarre cette expression,
à la fois futile et dérisoire,
prête à l’emploi
pour la comédie, la dérision, la vie de bohême librement choisie,
et pour la vie chaotique, brinquebalante, la vie pas choisie, la vie subie
quand on prend conscience de qui on est vraiment sur le tard
et que cette conscience vient taper à la fenêtre
comme pour dire : “hey, je suis là, ne m’oublie pas !
J’ai besoin que tu fasses quelque chose de moi.”
Oui mais quoi ? J’ai déjà ma vie.
Ma vie d’hétéro, ma vie d’homme marié.
Ma femme, mes enfants, mes petits enfants.
Ah ça, pour sûr qu’elle est la vie
puisque je l’ai transmise, partagée, vécue !
Et là, boum, patatrac, zim bam boum
de révélation, de bousculation, de révolution
que je serais homosexuel. Oups, le gros mot : “homosexuel !”
Qu’est-ce qui m’arrive, qu’est-ce qui se passe, qu’est-ce qui tourne pas rond avec moi
pour que je me retrouve attiré par les gens du même genre que moi
et que je ne puisse plus le nier, le dénier, le renier,
que ça s’impose à moi comme une évidence,
un torrent qui emporte tout, qui voudrait faire table rase
alors que j’ai cette vie, ces années de vie hétéro,
tranquillement assumée, croyais-je ?
Bim bam boum, zoum, pling et baf !
Ouh ça fait mal ! C’est quoi ce truc
qui surgit et emporte tout,
ce torrent qui s’ouvre et inonde
et mon coeur et ma vie et mon esprit ?
Je chavire, je sais plus où je suis, qui je suis,
je comprends plus rien.
Ah je peux plus vivre cette vie d’avant
qui paraît tout à coup si fade, si vide, si sans moi
pour autant que j’y ai jamais été.
Y ai-je été ? Mais oui pourtant:
ma femme, mes enfants, mes petits-enfants,
ces nuits d’amours, ces promesses échangées, ces mots d’amour aussi, peut-être.
Mais que m’arrive-t-il ?
Je n’en peux plus de cette vie
de patachon.
Patachon.
Patachon ? Patachon…ce drôle de mot
qui vient du fond de la langue française,
de la culture transmise,
Patachon, non, c’est pas drôle,
on peut bien en faire une vie de bohême,
c’est d’abord une vie brinquebalante, chahutée,
à aller de-ci de là sans but précis,
faute de savoir où, pourquoi, comment, vers où aller.
Et pourtant très drôle, si l’on veut,
l’origine de cette expression “vie de patachon”.
Ca vient de la patache, cette diligence populaire sans confort
– autant dire sans ressorts –
qui fait que le voyage est douloureux et désagréable
brinquebalé comme on peut pour aller où on essaie d’aller.
Prix à payer pour aller : aucun confort, que de l’inconfort.
Avant même cela, la patache, c’était l’embarcation instable des gabelous
qui sur la Loire cherchaient à piéger les contrebandiers du sel.
Inconfort, oh oui! Et torpeur, et peur, et risque sans cesse de se retourner.
Nuits terribles, sommeil impossible, veilles agitées.
Vie de patachon.
Vie brusque et injuste.
Vie d’inconfort déjà.
Qu’ai-je fait pour mériter ça ?
Qui suis-je pour en être arrivé là ?
Vie de patachon…
Oh ma mémoire !
Oh, réveille-toi pour lui dire,
réveille-toi pour le lui partager
à cet ami qui sombre de la même manière que toi,
souviens-toi du moment rude où les digues intérieures rompaient,
où explosait en toi plus qu’elle ne jaillissait
la révélation si longtemps contenue que tu étais attiré par les hommes
– eh oui par les hommes, malheur à toi ! –
alors que tu as construit ta belle vie d’hétéro, bien pensant, passe-partout.
Arrrrgh ! Misère qui suis-je, qu’est-ce qui se passe ?
Et cette distance, tout à coup avec toi-même, avec ta vie d’antan qui était celle d’hier.
Comment continuer à vivre comme avant quand on n’est plus comme avant ?
Le monde ne le sait pas encore mais toi tu le sais.
Toi, tu le sais !
Cette vie tout à coup qui paraît fade, monotone, futile, inappropriée, inadaptée.
Gay, tu es gay, ah ah la belle découverte.
Attends, attends, c’est pas tout :
tu ne l’es pas d’aujourd’hui, tu l’as toujours été !
Arrrrgh, malheur, que vais-je faire de ça !
Cette vie dans laquelle je suis empêtré,
que je ne peux pas renier
et qui pourtant n’est déjà plus la mienne.
Et je dis quoi aux gens que j’aime et qui m’aiment ?
Je dis quoi, je fais quoi ?
Je fais semblant ?
Je fais semblant, oui, un temps.
Je fais semblant.
Au moins le temps
de me poser,
de comprendre,
d’évaluer ce qui se passe.
Je vis, je vis, je survis,
je SUR-vis, faut bien,
le temps de, le temps de m’adapter,
je survis
cette vie de… patachon.
Je me souviens
avoir exprimé mon désespoir
exactement avec la même expression.
Je me suis présenté un jour
devant cet homme admirable et bienveillant
qui était mon accompagnateur spirituel
et je me suis écrié, comme toi, ami, :
” Je n’en peux plus de cette vie de patachon”.
Ce n’était pas un cri dépressif ou suicidaire,
c’était juste le constat de mon incongruence.
Je ne peux pas continuer à faire semblant d’être qui je ne suis pas
et pourtant je me retrouve coincé à le faire au quotidien.
Le prix à payer est trop dur.
J’ai besoin d’être moi.
Non, en vérité, tout ça, je ne l’ai pas dit sur le moment.
Il m’a fallu du temps pour l’élaborer.
J’ai juste dit que j’en avais marre
de cette vie de patachon.
Et lui, je l’ai bien vu, a été peiné pour moi.
Il a trouvé que je me dévalorisais trop.
Il m’a affirmé très clairement
que ma vie n’était pas une vie de patachon,
parce que je n’étais pas Patachon.
J’étais moi,
avec un chemin à trouver.
Et que cela allait prendre du temps.
Mais que j’y arriverai.
Parce que le chemin de Zabulon
n’était pas le chemin de Patachon.
Ca m’a fait sourire.
Une part de moi était encore sceptique
mais j’ai bien senti qu’une autre partie de moi
voulait y croire, y croyait déjà.
J’aime bien cette image de la patache, cette diligence inconfortable.
On peut choisir de la prendre pour partir à l’aventure, à la bohême, sans un sou,
ou on peut la subir le temps du voyage qui n’est qu’un passage d’un lieu à un autre.
Dans tous les cas, la vie de patachon, c’est celle qui nous transporte d’un état à un autre.
Je ne sais pas faire une théorie sur ce sujet, une théorie qui vaudrait pour chacun.
Mais j’ai déjà vécu ce sentiment que tu exprimes et j’étais, comme toi, perdu.
Je ne savais pas quoi faire, je ne savais pas s’il y avait quelque chose à faire.
Mais le voyage était déjà commencé.
Fais-toi confiance.
Car la vie a une puissance insoupçonnée
pour nous rendre authentiques.
Fais-toi confiance, ami.
C’est juste que le voyage est déjà commencé.
Z – 15/05/2025
“La vie de bohême”…il existe peu de versions audiovisuelles du célèbre duo de Bourvil et Georges Guétary, extrait de l’opérette “La route fleurie”. Voici une reprise récente (2012) par les Roucoulele Brothers. Pour ceux qui sont attachés à la version originale, vous pouvez cliquer ici pour retrouver une version originale de qualité hélas assez médiocre issue des archives de l’INA.
Illustration : visage du Christ disloqué ( la vie de patachon, indice que ça tient plus 🙂 ): diverses sources sans mention de l’origine dont ausdemnorden.tumblr.com
Plus sur l’expression “vie de patachon” ? C’est ici, avec le projet Voltaire
– Pourquoi ne pas publier
Une anthologie de vos poèmes ?
Une anthologie de mes poèmes…
Ah oui, carrément ?
Hum, comment dire ?
Des années de ma première inspiration,
la plus sauvage et la plus stimulante
à la mode d’un Rimbaud adolescent de la fin du XXè
(moins flamboyant quand même),
il ne reste rien.
J’ai tout jeté, déchiré, renié,
comme verbiage inutile,
un jour
de colère ou de désespoir
je ne sais plus.
Il ne reste rien
si ce n’est un recueil de textes
rendus publics par mégarde,
pour rendre service,
parce que j’étais jeune.
Ou bien, est-ce un oubli de ma mémoire défaillante
et des traces subsistent-elles mélangées
à d’autres papiers sans intérêt ?
Parfois, c’est étrange,
j’ai quelques réminiscences
de certains de ces textes de jeunesse disparus.
Il faut croire qu’ils m’habitent
encore.
Mais alors
Les réécrire ?
Oh! non.
Non, non, non, non, non.
Ce ne sont plus que quelques effluves
de temps révolus
Même si c’est le même sang
qui coule dans les mêmes veines,
je trouve qu’il y a quelque chose d’impudique
à revenir à des émotions qui, certes, m’ont construit
mais dont, aussi, je me suis grandement affranchi.
Et puis, depuis, j’ai écrit tellement de fadaises,
empêtré que j’étais
dans une existence inauthentique
que cette partie-là n‘a aucun intérêt.
Des effluves, vous dis-je,
des effluves d’instants passés.
Seuls m’intéressent
les moments présents.
J’observais l’autre jour
mon dispositif de dispersion.
Ou devrais-je dire
d’indécision,
de procrastination.
C’est simple :
quand j’ai quelque chose
d’important à faire,
je le retiens.
Vite, je fais autre chose.
Vite, je m’agite, je m’occupe,
je tourbillonne,
je me sature de tâches à faire,
toutes imaginaires.
En tout cas pas si prioritaires
que ce quelque chose d’important
que je dois faire.
Et là,
j’ai eu comme
un éclair d’intelligence,
un « insight ».
Du fond de ma mémoire,
aux tréfonds de mon histoire,
j’ai acquis
cette fausse croyance
que, non, ce n’est pas possible,
que ce soit si simple
que ce soit si facile.
Forcément, y’a un piège
quelque part.
Vite, occupons-nous,
vite, faisons autre chose.
Des fois que l’on serait surpris
à faire quelque que chose de facile,
quelque chose qui nous plaît en plus,
et que l’on se fasse jeter
comme une vieille chaussette.
Ah, je t’ai démasquée
une fois encore,
vieille blessure de rejet :
vieille injustice
qui vient encore me parasiter la vie
pour me faire anticiper
que forcément ça va être dur.
Forcément y’a quelqu’un quelque part
qui va dire :
C’est nul, c’est moche, c’est stupide.
Va-t-en, tu n’as pas le niveau
pour être dans le concert des grands.
T’es qu’un bon à rien, va-t-en !
Mais moi,
j’ai besoin de votre amour.
Quand vous me dites
sur ce ton-là, définitif, que c’est nul
comme si c’était moi qui étais nul,
eh ben, je n’ose plus paraître.
Je ne comprends pas que je pourrais m’améliorer
Je me sens sale, stupide, définitivement.
Et je pleure, et je crie, me désespère
et me cache.
Je me cache pour anticiper les coups.
Faire que dès fois que ce serait nul
j’ai un plan B.
Euh même comme ça va sûrement être nul,
mieux vaut préparer un plan B, un plan C, un plan …Z,
plein de plans, toutes sortes d’autres plans , d’autres plans, hein !
Moi, ce que je voulais,
c’est juste qu’on me dise : « je t’aime ».
Papa, Maman,
tous ceux croisés depuis
pour qui j’ai eu de l’attrait et de l’affection.
Juste ça :
qu’on me dise « je t’aime »
Et que ça puisse pas s’enlever, se retirer.
Jamais !
Même si ce que je fais
n’est pas parfait.