Mystère de l’existence humaine.
Cette propension à chercher à l’extérieur
ce qui est à l’intérieur.

C’est vrai qu’à l’extérieur
tout me renvoie à la beauté de l’univers.
Sa beauté mais aussi sa transcendance
ou son immanence.
Le souffle, l’élan vital, l’énergie
qui traverse tout cela
et qui fait que tout m’est donné,
tout parle de moi
et entretient la sensation
sinon d’être partie d’un tout
celle de ressentir
qu’une sagesse éternelle
supporte chacun de ces éléments
d’une manière qui me traverse aussi.

Je puis la ressentir aussi
en m’ouvrant à la merveille que je suis
et en contemplant les potentialités
qui ne demandent qu’à se déployer.

Deux dangers.
Celui de l’idolâtrie de soi-même
tel Narcisse se mirant dans le miroir d’une source d’eau claire
et se noyant dans sa propre image.
Celui de l’idolâtrie de la nature
tel Orphée saisissant la sève des arbres, le rythme des saisons,
mais s’échouant sur la mort de l’être aimé.

Tout parle. Tout transpire. Tout vit.
J’ai besoin de ce miroir qu’est la beauté extérieure
pour savoir que je porte la même en moi
et suis invité à la laisser se déployer.

Mais l’extérieur reste extérieur.
Il n’a d’autre utilité que me révéler à moi-même
et me ramener à l’élan de la création
qui ne s’origine pas en moi.

Narcisse. Orphée.
Deux erreurs dramatiques d’interprétation
de l’existence humaine.
Je ne me fonde pas moi-même.
Je ne fonds pas dans la ressemblance.

Mystère de l’existence humaine.
Cette propension à chercher à l’extérieur
ce qui est à l’intérieur.

Z – 11/06/2025

source photo : internet

Il y eut un grand bruit.
Le fracas de pierres
qui tombent dans le vide.
Une envolée de poussière.
Puis un grand silence.
Le temps suspendu,
interrompu
par ta voix tremblante
qui crie mon prénom.

Je ne me souviens pas
m’être senti en danger.
Certes,
j’étais suspendu
dans les airs,
le long de la paroi,
retenu par les cordes
de rappel et de sécurité.
Mais j’allais bien
juste bouleversé,
touché au coeur,
par les accents découverts
dans ta voix qui criait
mon prénom.

A ce moment-là,
le monde s’était comme ouvert
et je goûtais le bonheur
d’être quelqu’un
pour toi.

L’intonation de ta voix,
cette peur non feinte
de m’avoir perdu,
ce tremblement mal maîtrisé dans ta voix
qui révélait
que j’étais important
pour toi,
ces accents dans ta voix
si authentiques
que je ne puis douter
d’être aimé.

Une intonation
jamais entendue
auparavant
même dans la voix
de mes parents.

La certitude
d’être aimé.
L’accueil
du bien
que ça fait.
La découverte
que la vie
a un sens.

Parce que je suis là,
parce que tu es là
et parce que tu m’aimes.

Ces échanges de regard,
ce besoin de se toucher pudiquement,
quand je suis remonté,
comme pour vérifier
que je suis vivant
et que nous sommes bien là,
l’un à l’autre.

La vie qui continue
mais rien n’est comme avant.

Z – 23/04/2025

source photo : pinterest

L’homme nu

Je me suis retrouvé
nu
tel que j’étais
quand je suis né
À travers les ans
j’ai tenté
de me couvrir
de mille vêtements
et je n’y suis pas
parvenu
À quoi sert
un homme
nu ?
À rien.

Alberto Moravia,
L’homme nu et autres poèmes, Flammarion, 2021

Illustration : oeuvre de Kirill Faadeyev