Papa est parti
Maman n’est pas gentille
Je suis si seul

Papa est parti hier
Maman n’est pas gentille
depuis si longtemps
J’ai grandi seul

Papa est parti
il était gentil
Maman n’est pas gentille
Ainsi sont toutes les filles?

Papa est gentil
faible et gentil, si fragile
Maman est imprévisible
Un jour oui oui, un jour non, et que ça file !

Non, pas d’amis ici
Non, pas d’amis là-bas
Le monde est dangereux
Les gens ne le voient pas?

Papa est gentil
Maman est imprévisible
Et je suis seul

Et puis j’ai grandi
Devenu un homme maintenant
Et toujours ce petit garçon
au fond de moi, qui crie
Je me sens si seul et incompris.

Z.

Source image : Kirill Sokolovsky, danseur au Vaganova Ballet Académie (Russie)

Paradoxe.
Il y a parfois en nous une fragilité et une résistance
et elles semblent s’exercer sur le même objet.

Fragilité des premiers instants,
blessure du non accueil, de l’abandon ou de la maltraitance,
blessure de ne pas être vu, ou reconnu, ou aimé,
blessure du sourire non rendu au moment où il te fait vivre,
blessure de l’existence – à quoi je sers, qu’est-ce que je fais là ?
blessure d’avoir à faire plaisir, se conformer, pour survivre.
Oubli de soi. Juste besoin de survivre.
Blessure du narcissisme premier.
Fragilité qui se réveillera avec les grandes contrariétés de la vie,
avec le risque de retomber dans l’instinct de survie, le repli sur soi
le désir vain de plaire, d’une confirmation extérieure,
et même l’attente d’un sauveur, d’une solution « magique »,
la peur panique et inconsciente de ne pas survivre
que certains appellent – abusivement – victimisation,
et qui est en fait un appel à l’aide:
“Au secours, sauvez-moi, je ne sais pas me débrouiller seul,
Je n’ai pas appris à avoir confiance en mes pas.”
Blessure du narcissisme premier.

Résistance.
Résistance qui serait fierté si elle n’était pas aveuglement.
Résistance d’avoir survécu en lâchant ce qu’il y avait à lâcher pour survivre
sans jamais perdre la conscience inconsciente d’un être violenté et différent,
résistance enfouie dans les profondeurs du non-verbal – Je suis. Je veux vivre.
résistance à croire qu’on peut être aimé – qu’est-ce que ça cache ?
résistance face à toute contrainte quand bien même ce serait pour mon bien,
résistance – je ne me donne pas, j’ai déjà lâché tout ce que j’avais à lâcher.
résistance face à tout ce qui peut être ressenti comme un danger.
Bravade, panache, force, pour les uns ou les autres.
Seulement, l’instinct de survie.
Résistance enfouie, résistance de la blessure.
Résistance.

Double paradoxe.
S’identifier au monde externe et en attendre sa bénédiction,,. pour survivre
et, au fond, dénier toute valeur à cette contrainte originelle.
Souhaiter vivre et avancer en confiance, chercher l’authenticité jusqu’à la nudité même,
et se heurter ou être retenu par cette réticence première qui dit : attention, danger !

Que faire ?
Que faire quand ça résiste,
Que ça résiste malgré soi ?

Déjà, tu sais
que ça résiste, c’est bien.

Maintenant, dialoguons.

Qui résiste ?
Quelle partie de toi résiste ?

Quand tu résistes comme ça, sans discernement,
que protèges-tu ?
Quelle peur as-tu ?
Et…de quoi as-tu besoin ?
De quoi as-tu besoin qui ferait
que tu ne résisterais pas ?

Tu résistes, tu es fort, et c’est bien.
Grands dieux ! grâce à toi, j’ai survécu !
Tu m’as protégé, maintenu intègre.
Mais tu résistes, tu es fort et c’est souvent inconfortable, inadapté.
Tu résistes sans savoir à quoi tu résistes
et tu m’empêches d’avancer vers de bonnes choses
pour toi… pour moi.

Je ne peux pas avancer sans toi, c’est trop clair
et pourtant je dois avancer.
J’ai besoin de ta force,
sans elle, je suis si fragile que je peine à avancer.

Là, tu es malheureux et seul
dans la tour d’ivoire que tu t’es créée
et moi je suis seul et malheureux
dans la quête d’ouverture que je ne peux réaliser.

Je te propose un deal.
Faisons chemin ensemble.
Ouvre-toi, laisse-moi m’ouvrir.
Je te protégerai, nous marcherons ensemble,
Ta force sera la bienvenue.

Finalement,
il faut juste ouvrir les portes et les fenêtres et la grille du jardin
de notre maison,
mais elle est solide, notre maison, tu as vu comme elle est solide ?

Veux-tu bien que nous nous déployons
dans une maison ensoleillée où l’air, les odeurs circulent,
où l’on peut accueillir à notre convenance les amis, les rencontres.
Vivre dans une maison ensoleillée,
tu le mérites, je le mérite.

S’il te plaît, faisons ça.

Z – 9/3/2017

—–
P.S. J’ai hésité à poster ce texte. D’abord parce que c’est intime, et qu’on donne dans le psycho. Ensuite, parce que cela semble sans rapport avec la question de l’homosexualité et la vie spirituelle. Sur ce deuxième point, il se pourrait pourtant qu’il y ait des liens que je ne vois pas encore. Et puis, j’ai la chance d’avoir les mots qui me viennent facilement,peut-être ces mots-là rejoindront l’un ou l’autre qui les cherchaient sans le savoir?
——

Source photo : cuatro

Bieber-realite

La réalité est ce qu’elle est.

(En écrivant cela, je pense à la déception de celui qui me lit : ” La réalité est ce qu’elle est…! C’est donc ça la vérité ?”)

Ce concept, ignoré bien qu’incontestable, comporte trois implications qu’il me paraît important de souligner. (…)

Les faits, les choses, les situations sont comme ils sont

La réalité n’est pas comme il me conviendrait qu’elle fût.
Elle n’est pas comme elle devrait être
Elle n’est pas comme on m’a dit qu’elle serait.
Elle n’est pas comme elle a été.
Elle n’est pas comme elle sera demain
La réalité extérieure à moi est comme elle est.

Il me paraît utile de rappeler que le changement ne peut intervenir que lorsque nous sommes conscients de la situation présente. Comment pourrions-nous tracer notre route vers New York sans savoir en quel point de la planète nous nous trouvons?
Je ne peux me mettre en chemin que depuis mon point de départ : c’est cela accepter que les choses sont comme elles sont.


Je suis qui je suis

Je ne suis pas qui je voudrais être.
Je ne suis pas celui que je devrais être.
Je ne suis pas celui que ma mère voulait que je sois.
Je ne suis même pas celui que j’ai été.
Je suis qui je suis.

Soit dit en passant, toute notre pathologie psychique vient, selon moi, de la négation de cette phrase.
Toutes nos névroses commencent lorsque nous essayons d’être ce que nous ne sommes pas.

Dans Laisse-moi te raconter..les chemins de la vie, j’ai écrit à propos du rejet de soi :

Tout a commencé ce jour gris
où tu as fièrement cessé de dire :
JE SUIS…
Et où, mi-honteux mi craintif,
tu as baissé la tête et changé
tes paroles et tes attitudes
pour une pensée terrible :
JE DEVRAIS ÊTRE…

…et s’il est difficile d’accepter que je suis qui je suis, il est encore plus difficile d’accepter la troisième conséquence du concept “La réalité est ce que’elle est” :

Toi… tu es qui tu es

Autrement dit :

Tu n’es pas qui j’ai besoin que tu sois.
Tu n’es pas celui que tu as été.
Tu n’es pas comme cela me convient.
Tu n’es pas comme je veux.
Tu es comme tu es.

Accepter cela, c’est te respecter et ne pas te demander de changer.

Il y a peu, je me suis à définir le véritable amour comme : la tâche désintéressée consistant à créer l’espace qui permet à l’autre d’être qui il est.

 

Jorge Bucay, psychiatre et psychothérapeute argentin,
Je suis né aujourd’hui au lever du jour, Oh! Editions, 2004

 

 

intensité2

De nombreuses personnes semblent ignorer que les émotions intenses font partie de la douance et l’intensité émotionnelle est donc peu étudiée. Historiquement, l’expression « intensité émotionnelle » était synonyme d’instabilité émotionnelle plutôt que d’une vie intérieure foisonnante. La vision occidentale classique est que les émotions et l’intelligence sont distinctes et opposées. Pourtant, il existe un lien indéniable entre les deux et, combinées, elles ont un impact certain sur les personnes douées. C’est l’intensité émotionnelle qui alimente la joie de vivre, la passion d’apprendre, la motivation nécessaire pour exprimer un talent ou atteindre un but.

Tout ressentir plus profondément que les autres peut être douloureux et effrayant. Les personnes douées qui souffrent d’intensité émotionnelle se sentent parfois anormales : « Il y a quelque chose qui cloche chez moi… peut-être que je suis fou/folle… personne d’autre ne ressent la même chose… ». Ces personnes sont parfois déchirées, se montrent critiques envers elles-mêmes, souffrent d’une grande anxiété et se sentent inférieures. La communauté médicale considère qu’il s’agit là de symptômes et conclut que ces personnes sont névrosées. Cependant, de telles manifestations sont inhérentes à la douance et fournissent la motivation dont les personnes douées ont besoin pour leur croissance personnelle et leur réussite.

Il est extrêmement important que les enfants doués apprennent que leur sensibilité exacerbée aux phénomènes qui les entourent est normale. Sinon, ils pourraient considérer cette intensité comme une preuve que quelque chose ne tourne pas rond chez eux. Les autres enfants pourraient se moquer d’un enfant surdoué qui réagirait fortement à un incident sans importance, accroissant encore le sentiment de différence de cet enfant. De plus, la sensibilité face à l’injustice et l’hypocrisie peut pousser de nombreux enfants surdoués à la dépression ou au cynisme dès leur plus jeune âge.

La chose la plus importante à apprendre à ces enfants est d’accepter leurs émotions : ils doivent se sentir compris et soutenus. Expliquez-leur que leurs sentiments intenses sont normaux parmi les enfants surdoués. Aidez-les à utiliser leur intelligence pour mieux se connaître et s’accepter tels qu’ils sont.

Lesley Sword

source citation : hautpotentielquebec (version anglaise : ici)

entre-ses-bras

Voici un extrait d’un très beau livre de Stephen Grosz, Les Examens de conscience, dans lequel l’auteur raconte l’essentiel de ce qu’il a découvert de l’être humain dans son métier de psychanalyste, à travers de courtes histoires de vie dont il nous aide à découvrir le sens profond.

L’histoire qui suit, intitulée « Bien chez soi » raconte le questionnement d’un homme déjà âgé (70 ans passés), marié, qui découvre son homosexualité et se demande ce qu’il doit faire : se séparer de sa femme ou pas, etc.  Dans l’extrait que je voudrais partager, parce qu’il me touche très certainement,  l’homme concerné s’aperçoit du lien entre le bienfait extraordinaire qu’il ressent à être avec son ami et le  besoin profond et non assouvi du petit garçon qu’il a été et demeure toujours, ne serait-ce que sous la présence de l’enfant intérieur.

 

Il m’a décrit un dimanche après-midi qu’il avait passé au lit, dans les bras d’un ami.

– On était dans sa chambre, on a écouté un disque. Arès avoir fait l’amour, je ne l’ai pas lâché et il a continué à me serrer contre lui. On est restés comme ça presque tout l’après-midi, jusqu’à ce que j’aie eu envie de me lever. Jamais je n’avais ressenti ça.
– Et vous n’êtes pas prêt à y renoncer.
– Je ne pense pas que je puisse y renoncer.
– Pourquoi maintenant ?

Il n’en était pas sûr. Peut-être que… [il décrit une série d’évènements familiaux  qui engage sa responsabilité de père et d’époux]

– Je sais que ça a l’air égoïste, mais, aujourd’hui, j’ai besoin de sentir que quelqu’un m’aime, et pas qu’on s’occupe de moi par devoir.

Pendant quelques minutes, nous n’avons plus parlé.

– C’est terrible, mais je me suis senti soulagé lorsque mon père est mort. Il était horrible. (…) En fait, il avait des colères subites, qui retombaient aussi vite, mais, même quand c’était terminé, je continuais à être affolé pendant longtemps. On le voyait venir quand il allait exploser et, pour autant, il n’y avait aucun moyen de l’apaiser.

Le pire, ce n’était pas cela, mais le manque d’intérêt que son père éprouvait pour lui.

– Le principal souvenir que j’ai de lui, c’est quand il partait pour son cabinet, avant que j’aille à l’école. Je me sentais un poids pour lui. Je crois qu’il n’avait qu’une hâte : se débarrasser de moi.

Tandis qu’il parlait, je repensais à la scène qu’il m’avait décrite, au plaisir qu’il avait pris à être dans les bras d’un homme, cet ami, immobile, calme et tout contre lui, le bonheur d’être tenu aussi longtemps qu’il en avait eu envie. Je lui ai alors demandé si le fait d’être dans les bras d’un homme lui faisait un effet si fort parce que cela annulait le rejet dont il avait souffert de la part de son père.

– J’ai l’impression que, quand mon père me regardait, il n’aimait pas ce qu’il voyait. Cet après-midi-là, j’ai ressenti exactement le contraire. Je me suis senti bien.

Nous sommes restés silencieux un moment, puis il m’a dit :

– Je suppose que mon histoire n’est pas tellement courante. Il ne doit pas y en avoir beaucoup, parmi ceux qui viennent vous voir, des hommes qui changent d’orientation comme ça, maintenant, à mon âge. Mais voilà…

Il a fait un petit geste, en levant les paumes de ses mains vers le haut.

– Mais voilà…

 

Stephen Grosz, Les Examens de conscience, Slatkine & Cie, extraits des pp 95-97