Bieber-7fev2016

 

Et pourquoi pas une Communauté Oecuménique Inclusive?

C’est juste une idée en passant, comme ça.

Elle me vient à la lecture des travaux d’un atelier de recherche, en 2011, sur le thème Être Chrétien et gay en France, à partir d’une enquête faite en 2008 par des sociologues. Les chercheurs relèvent que “67% des chrétiens interrogés ont mal vécu la découverte de leur homosexualité, et 41% disent que leur sexualité met au défi leur foi”, lesquels chrétiens sont majoritairement catholiques dans le contexte français.

Ils signalent qu’ils restent liés à l’Eglise malgré le peu de reconnaissance reçue ou les reproches qu’ils peuvent lui faire. Ils vivent une «dissonance cognitive» en ce qu’être homosexuel et chrétien parait antinomique et ils peuvent adopter différents comportements ou stratégies pour la résoudre.

L’étude relève combien il est difficile, pour les homosexuels catholiques, de rejoindre une église inclusive – c’est-à-dire une communauté de chrétiens pratiquant l’accueil inconditionnel de ses membres, quelque soit leur orientation sexuelle. Les communautés inclusives, en France sont principalement représentées par le Carrefour de Chrétiens Inclusifs, d’influence protestante.

L’explication donnée par les chercheurs pour expliquer le peu de présence des catholiques dans les communautés inclusives est, hélas, tout à fait convaincante. Il n’existe pas de communauté accueillante pour les catholiques ayant une sexualité, assumée, différente de l’hétérosexualité, et rejoindre le carrefour des chrétiens inclusifs reviendrait à renier l’appartenance à l’Eglise catholique pour devenir protestants. Certains le font. Quelques catholiques s’y aventurent en tant que catholiques mais c’est un peu compliqué à vivre.

refuge-campagne-2011Le côté peu accueillant des catholiques quant aux membres de leur Eglise qui ont une sexualité différente de celle prônée par la tradition, est un doux euphémisme. Cela me rappelle un rapport d’activité de l’association Le Refuge  (au moins celui de 2013). Cette association accueille des jeunes gens, tout jeunes majeurs, qui se retrouvent sans soutien et sans ressources parce que, à leur majorité, ils sont mis à la porte de leurs familles pour la seule raison qu’ils sont homosexuels. Quelles ne furent pas ma stupeur, ma peine et ma colère de découvrir queƒ les jeunes issus de familles pratiquantes sont une des catégories surreprésentées parmi les jeunes accueillis par l’association.

Donc, des familles pratiquantes, pour la plupart catholiques, peuvent chasser leur enfant de la maison, dès ses 18 ans, et alors qu’il n’a pas fini ses études et n’est pas installé dans la vie, au seul motif qu’il est homosexuel ou d’une orientation sexuelle différente de la norme, leur norme?

Quelle honte ! Peut-on encore parler de charité et prétendre annoncer l’Evangile de la miséricorde de Dieu quand on est à ce point aveuglé pas des principes archaïques qui ne viennent même pas de la religion et qui conduisent à des comportements indignes qui viennent à violer les règles éthiques les plus fondamentales de la société humaine : élever, soutenir et aider ses enfants.

De nombreuses personnes chrétiennes, homosexuelles, bisexuelles, transgenres ou queer, ont du mal à trouver leur place dans la communauté catholique. Les débats à propos du “mariage pour tous” ont, à ce propos, provoqué une fracture silencieuse de plus. Certains, lassés par le manque d’ouverture, les discours discourtois ou haineux et les déclarations de principe à l’emporte-pièce sans considération des personnes – fussent même des membres non déclarés encore de leur propre famille -, s’éloignent de l’Eglise sans faire de bruit, sur la pointe des pieds. Les autres restent, se resserrant et se confortant entre eux à coups de cols romains, de cours de morale, et de rappels magistériels anciens et mal pastoralisés.

Or, il y a des chrétiens et chrétiennes gays et lesbiennes. Des chrétiens qui, bien qu’ayant une orientation sexuelle différente, n’ont pas envie de créer une communauté gay ou lesbienne, mais simplement de vivre comme ils sont parmi leurs frères et soeurs. C’est le sens des communautés inclusives, nées aux Etats unis dans les milieux protestants et qui se proposent tout simplement d’accueillir les personnes telles qu’elles sont, toutes les personnes y compris les personnes différentes. A bien des égards, ces communautés dites inclusives parce qu’elles incluent toutes les personnes différentes, sont un modèle pour l’Eglise entière : où sont les pauvres, les handicapés, les immigrés, les personnes différentes et pourtant chrétiennes, dans nos assemblées? Où sont-elles ailleurs que mentionnées dans les prières universelles?

Alors pourquoi pas une Commmunauté Oecuménique Inclusive?

Oecuménique parce que cela permettrait de s’accueillir entre frères chrétiens et profiter de cette chaleur humaine que savent déjà pratiquer les églises protestantes.

Oecuménique, parce qu’il ne faut pas rêver : les catholiques à eux seuls ne sont pas capables, aujourd’hui, de créer ce genre de paroisse ou communauté, et qu’il existe pourtant des croyants qui aimeraient partager leur foi avec d’autres et pratiquer des prières communes et autres activités relatives à l’expression et l’approfondissement de la foi, quelle que soit sa sexualité, quel que soit son état de vie.

Oecuménique aussi parce que, puisque les catholiques différents sont exclus des sacrements, autant l’assumer et, pratiquer une prière qui ne soit pas centrée sur le sacrement catholique de l’Eucharistie, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne serait pas eucharistique. En clair, peut-être pas, probablement pas, la messe, mais une prière d’offrande à Dieu et d’action de grâces pour toutes les merveilles qu’il réalise dans nos vies, tels que nous sommes, qui que nous soyons.

[Et si la discipline sacramentaire de l’Eglise Catholique évolue, on l’intègrera aussi : on n’est pas inclusif pour rien !]

Oecuménique, un peu dans l’esprit de Taizé: la formidable intuition d’une vie ensemble, simple et joyeuse, possible entre frères et soeurs réconciliés.

C’est peut-être un voeu pieux mais il me semble bien pourtant que ce serait un acte prophétique que de pouvoir favoriser l’éclosion d’une telle communauté. Peut-être y a-t-il un prêtre, un évêque, un responsable diocésain, un frère de Taizé, qui lisant ces propos, se sentira inspiré? Pour ma part, si un tel projet devait se mettre en route, je me sentirais disposé à y contribuer de mon petit pouvoir. D’ailleurs, en le disant, je me dis que c’est bien idiot d’attendre qu’un prêtre ou un évêque nous demande quelque chose, il faudrait juste que nous soyons quelques uns à le vouloir et à le créer.

Pour être viable, un tel projet doit s’incarner en un lieu où l’on peut accueillir physiquement les personnes, que ce soit pour une écoute personnalisée, une aide ponctuelle, l’organisation d’ateliers, séminaires, conférences, temps de partage et de prière. En soi, peu importe le lieu, mais il en faut un dans la communauté francophone européenne, qui assure la permanence et la visibilité et duquel peuvent essaimer d’autres initiatives, à organiser ou pas en réseau associatif ou en fédération, que sais-je !

Soyons fous… Rêvons d’un lieu où les chrétiens qui le veulent, quelles que soient leurs églises d’origine, peuvent se réunir et prier ensemble, peuvent se rassembler en vraie communauté du Seigneur, quelle que soit leur orientation sexuelle. Encore une fois il ne s’agit pas de faire une église de la différence ; au contraire, il s’agit de se rassembler sans exclure personne, c’est-à-dire en incluant tous ceux qui le désirent. En cette époque où de nombreuses personnes ne se sentent pas accueillies et respectées dans leur différence sexuelle, de créer un lieu où cela n’a pas d’importance, où clairement cette différence peut être acceptée et accueillie sans la renier et sans se focaliser dessus.

Vivre en frères et soeurs, quoi !

 

Zabulon – 3 juin 2016

 

 

Source photo : Instagram- Justin Bieber, 7 février 2016

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N.B. L’accumulation de photos de Justin Bieber… un voeu que j’ai fait d’illustrer tout article avec des photos de Justin Bieber pendant un mois et que je suis en train d’honorer.