Le CHrist sur une patène du IVè siècle

source : El Pais

Et si le Christ n’avait jamais été barbu ?

Nous avons tellement l’habitude de le voir représenté de la même manière, front haut haut, grands yeux, nez aquilin, petite bouche, petites lèvres et barbu… au point que l’ensemble de l’iconographie s’est emparée de ce modèle. On retrouve également l’image d’un Christ barbu sur le Saint Suaire de Turin.

Icône de l'atelier Saint François
La découverte récente d’une patène du IVème siècle en Espagne nous montre un Christ glabre, cheveux courts et vêtu d’une toge: gravé sur une coupelle de verre datant du 4e siècle, ce Christ retrouvé en Espagne est l’une des plus anciennes représentations de la figure fondatrice du christianisme. Les spécialistes estiment que la patène  a dû être fabriquée à Rome ou à Ostie.
Christ glabre2

 

Cette représentation de Jésus , imberbe, en toge romaine, étonne parce qu’elle n’est pas habituelle mais elle ne suffit pas à invalider une longue tradition continue qui est, elle aussi, très ancienne, et puise ses sources dans les coutumes d’Israël et les usages du temps.

Pour le Talmud, « la barbe est l’ornement de l’homme » et l’imberbe est considéré comme eunuque. Mais, par nécessité sociale,  les rabbins autorisaient à se raser ceux qui devaient fréquenter les romains. On peut imaginer la même chose des premiers chrétiens d’origine juive.

Par ailleurs, il existe  d’autres représentations artistiques de Jésus, imberbe et présenté comme le bon pasteur à la manière de Hermès et son troupeau. Probablement, une manière de s’inculturer dans la société gréco-romaine. L’usage  dans les représentations du visage du Christ n’était donc pas si unanime au départ qu’il le paraît aujourd’hui..

Au minimum, cette patène montre l’effort d’inculturation des chrétiens et l’annonce d’un Evangile qui concerne tous les hommes indépendamment de leur culture. Qu’en est-il pour aujourd’hui ?

source en français : www.express.fr
source en espagnol : www.elpais.com

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Prière à l’inconnu

Voilà que je me surprends à t’adresser la parole,
Mon Dieu, moi qui ne sais encore si tu existes
Et ne comprends pas la langue de tes églises chuchotantes.
Je regarde les autels, la voûte de ta maison,
Comme qui dit simplement : voilà du bois, de la pierre,
Voilà des colonnes romanes.
Il manque le nez à ce saint.
Et au-dedans comme au-dehors, il y a la détresse humaine.

Je baisse les yeux sans pouvoir m’agenouiller pendant la messe,
Comme si je laissais passer l’orage au-dessus de ma tête.
Et je ne puis m’empêcher de penser à autre chose.
Hélas ! j’aurai passé ma vie à penser à autre chose.
Cette autre chose, c’est encore moi.
C’est peut-être mon vrai moi-même.
C’est là que je me réfugie.
C’est peut-être là que tu es.

Je n’aurai jamais vécu que dans ces lointains attirants.
Le moment présent est un cadeau dont je n’ai pas su profiter.
Je n’en connais pas bien l’usage.
Je le tourne dans tous les sens,
Sans savoir faire marcher sa mécanique difficile.


[Stejpan Hauser (violioncelle) – “Prayer” (Prière)

Extrait de “Jewish life” (Une vie juive) de Ernst Bloch]

Mon Dieu, je ne crois pas en toi, je voudrais te parler tout de même.
J’ai bien parlé aux étoiles, bien que je les sache sans vie,
Aux plus humbles des animaux, quand je les savais sans réponse,
Aux arbres qui, sans le vent, seraient muets comme la tombe.
Je me suis parlé à moi-même, quand je ne sais pas bien si j’existe.
Je ne sais si tu entends nos prières, à nous les hommes,
Je ne sais si tu as envie de les écouter.
Si tu as, comme nous, un cœur qui est toujours sur le qui-vive
Et des oreilles ouvertes aux nouvelles les plus différentes
Je ne sais pas si tu aimes à regarder par ici.
nature
Pourtant je voudrais te remettre en mémoire la planète terre
Avec ses fleurs, ses cailloux, ses jardins et ses maisons
Avec tous les autres et nous qui savons bien que nous souffrons.
Je veux t’adresser sans tarder ces humbles paroles humaines
Parce qu’il faut que chacun tente à présent tout l’impossible.
Même si tu n’es qu’un souffle d’il y a des milliers d’années
Une grande vitesse acquise
Une durable mélancolie
Qui ferait tourner encore les sphères dans leur mélodie
Je voudrais, mon Dieu sans visage et peut-être sans espérance
Attirer ton attention parmi tant de ciels vagabonde
Sur les hommes qui n’ont pas de repos sur la planète.

(…)

Ah ! si tu existes, mon Dieu, regarde de notre côté.
Viens te délasser parmi nous.
La terre est belle, avec ses arbres, ses fleuves et ses étangs,
Si belle, que l’on dirait que tu la regrettes un peu
Mon Dieu, ne va pas faire la sourde oreille
Et ne va pas m’en vouloir si nous sommes à tu et à toi
Si je te parle avec tant d’abrupte simplicité.
Je croirais moins qu’en tout autre en un Dieu qui terrorise.
Plus que par la foudre, tu sais t’exprimer par les brins d’herbe
Et par les jeux des enfants et par les yeux des ruisseaux.
Ce qui n’empêche pas les mers et les chaînes de montagnes.
Tu ne peux pas m’en vouloir de dire ce que je pense
De réfléchir comme je peux sur l’homme et sur son existence
Avec la franchise de la terre et des diverses saisons
Et peut-être de toi-même dont j’ignorerais les leçons…

Jules Supervielle (“La fable du monde” – 1938)

Source : perledorphe.wordpress.com