Là où je me rend régulièrement c’est une communauté monastique ouverte d’esprit ou ils ne rejettent pas les gays car certains des frères le sont.

(…) La première fois, j’y suis allé à reculons. J’ai fait confiance à mon accompagnateur qui m’avait conseillé d’y passer 3 jours seulement, pour commencer. J’y suis arrivé – c’est tout un truc, ça m’a tellement marqué ! – j’y suis arrivé un après-midi, la veille des Cendres, le jour de la Chandeleur, un mardi donc.

Déjà, avant d’arriver, je trouvais le paysage joli car on ne voit pas l’abbaye depuis la route. Et là, en m’approchant, j’ai vu cette abbaye cachée dans la végétation. J’ai trouvé ça beau. J’ai posé mes affaires à l’hôtellerie puis je suis allé à l’église. Cette église, quand j’y suis entré, ça m’a frappé : la beauté et la simplicité. Quelque chose m’interpellait. Je me suis assis et j’y suis resté un long moment, à la regarder.

Puis vint l’office des Vêpres. Le fait de voir ces moines tout en noir avec ces visages qui rayonnaient, ça m’a frappé. J’ai trouvé ça joli. Ils rayonnent ces gens-là. Ils sont arrivés deux par deux. Ça n’en finissait pas d’arriver. Je me suis dit “Mais ils sont combien ces gens là ?”. C’était un truc de fou. T’en voyais jamais la fin. Ça ne s’arrêtait jamais !

Et là, dès les premières notes de l’orgue pour le psaume, ça ma pris aux tripes, dès le 1er hymne. J’en avais les larmes aux yeux, des frissons partout. Je pleurais littéralement de joie. Je ne pouvais pas m’arrêter. Ce n’était pas de la tristesse mais de la joie. J’avais ressenti que la vie monastique m’attirait. J’avais ressenti un appel sans réussir à mettre de mot dessus. Mais là ça m’a interpellé… J’essayais de trouver une excuse : l’orgue, la qualité du chant, les voix…? C’est la 1ère fois de ma vie que j’ai ressenti ce que c’était une joie profonde. Je me suis dit “T’es là, t’es chez toi”.

Source texte : richard.giraud.over-blog.com : Est-il possible d’être gay et croyant en 2016?
Source photo :oeuvre de Rob Gonsalves via www.upsocl.com

La compréhension chrétienne du développement spirituel est basée sur l’Incarnation. Cela signifie que la liberté, l’extase, l’ouverture se font dans la chair, non en s’en échappant. Par la venue de Dieu dans l’être humain, tout l’être, l’histoire et la nature, sont potentiellement transformés. Toute réalité devient médiatrice du mystère, donc sacramentelle, pour ceux qui peuvent le voir. Toute la nature est honorée.

. . . La vision sacramentelle de la réalité est une vision inclusive; elle inclut le Mystère de Dieu tel qu’il se manifeste dans la réalité «naturelle», c’est-à-dire expérimentée avec les sens. De plus, une vision sacramentelle reconnaît la présence de Dieu non seulement par le média du Corps (de l’Église), mais aussi par celui du corps (de l’être humain), ce qui veut dire qu’elle est communautaire sans rien abandonner de sa dimension personnelle, intime et physique.

. . . Le scandale de l’incarnation. . . Est aussi le «scandale» de la sexualité comme voie de croissance spirituelle. Pour que ces idées puissent être prises en compte, il faut abandonner la mentalité dualiste. En fait, une bonne compréhension théologique de la sacramentalité relie les polarités sans supprimer la tension entre elles. Elle affirme que la présence de Dieu n’est pas inventée par une gymnastique mentale, mais qu’elle est vraiment réelle: la divinité du Christ dans l’humanité est son attestation. Par l’Esprit, l’Incarnation s’étend et est réellement présente parmi nous.

Cette présence ne se communique pas automatiquement car comme toute interaction personnelle, elle n’a aucune existence objective; elle a une existence intersubjective. Comme un baiser, elle n’existe pas objectivement, attendant dans une pièce pour être automatiquement distribuée quand les gens entrent. C’est une forme de don de soi, de présence, dépendant pour son efficacité non seulement de l’action du donneur mais aussi du récepteur. C’est, selon les mots de Rilke, une «transformation du monde visible en dehors de nous en un monde invisible à l’intérieur». Il serait donc faux, parce qu’affirmer plus que la vérité ne peut supporter, de dire que Dieu est «présent» dans la vie sexuelle. Si la compréhension sacramentelle est absente ou mal représentée, la donation gracieuse de Dieu ne se trouvera pas présente.

. . . Une vision sacramentelle de la sexualité exige l’inclusion réfléchie de la dimension spirituelle qui est déjà là; une théologie sacramentelle doit inclure la sexualité. Le potentiel sacramentel de la sexualité ne signifie pas qu’il doit être sorti de ce monde dans une sorte de culte spécialement “religieux”. Karl Rahner a perçu l’événement sacramentel, non comme le mouvement de l’Eglise vers le monde «pour le sauver», mais comme le mouvement de l’Esprit qui nous conduit depuis le monde, c’est-à-dire du centre personnel le plus profond de ceux qui sont ses sujets pensants, emmenant la vie séculière normale de l’homme vers son plein accomplissement en Dieu.

Plus concrètement concernant la sexualité, cela veut dire que le dynamisme de la sexualité elle-même révèle la sainteté des êtres humains et du monde dans son aspect profane.

Une bande dessinée de Peanuts (par Charles Schultz) montre Linus au piano. Alors qu’il est en train de jouer, les notes s’écoulent. Snoopy, couché sur la niche, ne perçoit pas des notes mais des os pour chien. C’est ça, la sacramentalité. La manifestation de Dieu se dit dans notre dimension dans un mode que nous pouvons reconnaître. . . comme le désir de nos cœurs, quelle que soit la forme qu’il puisse prendre.

Joan Timmerman
Sexuality and Spiritual Growth” (Crossroads, New York, 1992).

Source texte: cité par thewildreed

“La raison pour laquelle notre religion a pénétré cette région comme une eau généreuse une terre desséchée tient à la chaleur humaine, jusqu’alors inconnue qu’elle apportait à ces pauvres gens. Pour la première fois, ils ont rencontré des hommes qui les traitaient comme des égaux, la bonté et la charité des pères gagnèrent ainsi leur coeur.”

Shûsaku Endô, Silence.

L’Evangile est Bonne Nouvelle, bonne nouvelle que tu es aimé de Dieu, qui que tu sois, quelles que soient les circonstances de ton existence, quel que soit ton destin. Dieu t’a voulu libre et heureux, et il est venu le temps de la libération de l’humanité, le temps du salut.

Assez des vieilles peurs, des ostracismes en tout genre, des enfermements et contrariétés qui empêchent l’être de jaillir librement pour le bonheur et la joie de tous.

L’Evangile est Bonne Nouvelle, nouvelle du salut. A l’instar de ce qu’en dit Shûsaku Endô pour les paysans japonais, cela a été vrai de nombreuses fois dans l’histoire. L’Evangile a d’abord pénétré le monde des esclaves, des étrangers, des parias, le monde des pauvres, des affamés, le monde des exploités. En même temps qu’ici ou là, l’Eglise s’institutionnalisait et reproduisait en son sein des contraintes et exploitations qu’elle était sensée dénoncer et combattre, il y eût toujours des amoureux fous de la libération, travaillés de l’intérieur par l’Evangile et qui défendaient la cause des opprimés, le rachat des esclaves, l’attention aux lépreux, l’éducation des pauvres, l’égalité des garçons et des filles…

Il y eût toujours des prophètes, des hommes et des femmes qui apportaient cette chaleur humaine, ce respect dû à chacun et qui se battaient pour le faire respecter, si ce n’était en mots, cela était en actes.

Oui, l’Evangile est Bonne Nouvelle, bonne nouvelle pour tous. Je me demande pourquoi ce mouvement de libération que décrit Shûsaku Endô n’a pas encore concerné la gente homosexuelle. Y aura-t-il des chrétiens, assez de chrétiens, pour témoigner que l’Evangile est annoncé aux personnes telles qu’elles sont, les saluent, les considèrent dans leur dignité et restaurent la beauté de leur humanité dans leurs droits à exister, à s’épanouir et à contribuer au bonheur de tous ?

Je rêve que l’Evangile apporte cette chaleur humaine tous ceux qui se sentent réprouvés à cause de leur homosensibilité. Tous, y compris ceux qui sont déjà attachés au Christ, et à qui on a laissé croire que le Christ les réprouvait.

Z – 22/01/2017

Source photo : 1. Andrew GArfield et Yôsuke Kubozuka, 2.Andrew GArfield et Shinya Tsukamoto, dans le film de Martin Scorcese Silence d’après l’oeuvre de Shûsaku Endô.

 

“Moi, je ne le connaissais pas ;
mais, si je suis venu baptiser dans l’eau,
c’est pour qu’il soit manifesté à Israël.”

Jean 1,31

 

Une Déclaration de Jean, le baptiste : “Je ne le connaissais pas !”

Quelle belle manchette en perspective !

On lit ou on écoute parfois trop vite les Evangiles, et on se laisse influencer par le prisme global, l’impression de déjà savoir, d’avoir compris.  Si l’on s’arrête quelques instants sur ce verset, il y tant de belles choses à  découvrir, tout un programme de vie !

“Je ne le connaissais pas…”

Du verbe eido en grec, qui a  donné par exemple le mot idée.  Il s’agit de voir, ou percevoir, en étant attentif. Donc Jean, le baptiste,  est en train de nous dire : je ne voyais pas, je n’avais pas idée de qui il était, je ne le connaissais pas vraiment.

La tradition nous rapporte que  Jean et Jésus étaient cousins. On peut donc imaginer qu’ils se soient croisés une fois ou l’autre, qu’ils s’appréciaient ou pas, qu’ils avaient entendu parler l’un de l’autre.

Et pourtant, Jean nous fait cette déclaration : Je n’avais pas idée de qui il était.

En creux, admirons et accueillons pour nous-même la posture de Jean le baptiste : il n’a pas idée de qui  est vraiment l’autre et il ne l’affuble pas non plus de fausses idées. Pas de projection, pas  de transfert, pas d’étiquettes. Cet homme-là pourra se révéler autre que ce qu’il paraît, autre que ce qu’on connaît de lui, il pourra se révéler tel qu’il est : le chemin est ouvert.

Et si c’était vrai de tout homme? De l’autre bien sûr. Mais aussi de moi. Est-ce que j’ai idée de qui je suis vraiment? Suis-je prêt à laisser l’Esprit jaillir en moi et me dévoiler qui je suis?

“Je suis venu baptiser dans l’eau”

Intéressante formule. D’une part, le baptiste évoque un mouvement volontaire, celui de venir : emploi du verbe erchomai qui peut vouloir dire aussi apparaître. Le baptiste est conscient de remplir une mission et celle-ci est très concrète: baptiser dans l’eau.

Le mot baptizo évoque l’idée d’être immergé, ce qui n’est pas simplement être plongé (verbe bapto). Il y a bien sûr une connotation purificatrice mais ne glissons pas trop vite dans les métaphores car la formule employée ici est très concrète : être immergé dans l’eau.

La mission du baptiste est donc d’aider les gens à entrer complètement dans l’eau, à en être recouverts. C’est comme si, tout seuls, ils ne pouvaient pas le faire. Comme si le danger était grand de rester en surface, de garder une partie émergée, de ne pas tout donner, de ne pas s’abandonner tout entier.

Le baptiste est venu pour baptiser dans l’eau, pour immerger complètement la personne dans l’eau. Et cette eau (le mot hudor, qui vient de huetos, la pluie), évoque autant l’eau de la création, celle des grands océans, que l’eau claire qui sert à se laver, se purifier ou se désaltérer.

L’être tout entier semble nécessiter d’être plongé dans l’eau de la création et y retrouver sa purification. Mot un peu démodé qu’on pourrait peut-être traduire aujourd’hui de la manière suivante, pour être bien compris : plongé totalement dans l’eau originelle, pour retrouver sa dignité, son sens, son être.


“C’est pour qu’il soit manifesté à Israël”

“Manifester” est une mot français qui a aujourd’hui bien d’autres connotations. Ici, c’est le verbe phaneroo qui est employé, ce qui signifie rendre manifeste, faire connaître, exposer. On retrouve le même verbe employé par Jean, l’Evangéliste, dans le récit des noces de Cana : “Tel fut, à Cana en Galilée, le premier des miracles que fit Jésus. Il manifesta (phaneroo) sa gloire, et ses disciples crurent en lui.” (Jn 2, 11) ou, pour ne prendre qu’un exemple dans les autres Evangiles : “Car il n’est rien de caché qui ne doive être découvert (phaneroo), rien de secret qui ne doive être mis au jour.” (Mc 4, 22).

Cette “manifestation” n’est donc pas une épiphanie au sens où Dieu se manifesterait dans toute sa gloire et sa grandeur, d’une manière grandiose. Elle est davantage le dévoilement discret d’un secret pour ceux qui y prêtent attention, le dévoilement du secret de qui est vraiment l’être de Jésus. Peut-être, un dévoilement pour lui-même, si l’on écoute les autres évangélistes à propos de cette scène baptismale puisqu’ils entendent une voix de l’extérieur dire “Celui-ci est mon Fils bien aimé”

Ici, dans l’Evangile de Jean, et même si ce verset le suggère déjà, les versets suivants préciseront que c’est Jean, le baptiste, qui perçoit l’être de Jésus au moment où il est immergé dans l’eau. Et l’être de Jésus est qu’il est le Fils de Dieu. Son immersion dans l’eau permet de faire “apparaître”, de manifester, l’Esprit de Dieu qui descend sur lui :

“Moi, je ne le connaissais pas,
mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit :
‘Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer,
celui-là baptise dans l’Esprit Saint.’
Moi, j’ai vu, et je rends témoignage :
c’est lui le Fils de Dieu.”
(Jn 1, 33-34)

Sur qui tu verras l’Esprit descendre (katabaino, qui peut vouloir dire aussi venir, arriver sur) et séjourner (littéralement “s’arrêter”, meno).”

Le baptême de Jésus, l’immersion totale dans l’eau, a donc pour effet de révéler que cet homme-là est complètement agréable à Dieu et que l’Esprit de Dieu peut venir habiter complètement en lui.

Jean, le baptiste, nous dit donc : ce Jésus, je n’imaginais pas qui il pouvait être. J’étais venu, inspiré par l’Esprit de Dieu, pour aider les gens à retrouver leur être profond par cet acte de les immerger totalement dans les eaux. Et sur celui-ci, Jésus, dont je n’avais pas idée de qui il pouvait être, au moment où je l’ai immergé, j’ai vu l’Esprit de Dieu se manifester en lui, dévoiler qui il est vraiment : le Fils de Dieu, l’humanité en marche, Dieu avec nous.

C’est pour que…

hina, que l’on traduit parfois par “afin que” mais, à mon sens, cela fausse le sens. Car ce mot qui ultimement semble venir de autos (lui ou elle-même) n’indique ni une relation de cause à effet, ni une conséquence, mais plutôt une sorte d’apposition et d’intensité : Je suis venu baptiser et ainsi son être s’est manifesté.  A celui-là. Et celui-là, c’est le Fils de Dieu. On retrouve tout le long du texte , cette insistance démonstrative : c’est celui-là, celui sur qui est venu et a demeuré l’Esprit de Dieu, c’est celui-là le Fils de Dieu.

Mais nous parlons du Baptiste, nous parlons de Jésus. J’ai renoncé depuis longtemps à regarder l’Evangile comme apportant une Parole qui me serait extérieure. Si je considère donc l’Evangile intérieur, j’essaie de me laisser aller à cette immersion totale de ma vie dans les eaux de mon lointain baptême, dans les eaux vivificatrices de mon adhésion à Jésus-Christ. Je ne veux rien savoir à l’avance de qui je suis, je ne veux rien savoir de qui j’étais ou croyais être. Mais seulement pour aujourd’hui, Seigneur, toi qui habites mon être, viens me révéler à moi-même, que je sois celui-là que je suis vraiment.

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Source photo : Philippe Brunel Photography sur facebook et flickr

Plus de différences en Christ

Le péché que Paul condamne

Une fois encore, une triste ironie règne sur cette question. Il y a là une leçon religieuse qu’il nous faut apprendre.

Une certaine lecture des Ecritures , ancienne et naïve, a induit en erreur nombre de disciples sincères de Jésus. Ils s’opposent aux lesbiennes et aux gays et les oppriment au nom de l’apôtre Paul. Confortés par les préjugés de notre société, persuadés de la supériorité de leur inclination sexuelle, ces chrétiens ont mal lu l’Epître de saint Paul aux Romains et rejettent des membres de la communauté chrétienne en son nom.

Pourtant, assurer l’unité des croyants était un objectif cardinal des écrits de Paul. Il insistait sur le fait que, en Christ, seuls comptent vraiment la foi et l’amour. Mais, se méprenant sur l’argumentation de Paul, certaines personnes se fient, involontairement, plus à leurs goûts et coutumes qu’à la parole de Dieu. Ils discutent de ce qui est propre ou souillé, se disputent à propos de ce qui est pur ou impur et dressent les hétérosexuels contre les homosexuels. Ils divisent et font voler en éclats l’Eglise sur des questions qui n’ont aucune importance en Christ. Au nom de Dieu, ils excitent la haine, nourrissent l’oppression et sèment la zizanie dans toute la société. Ils sont coupables d’une injustice grave, ils commettent la faute même que Paul entendait contrer.

C’est une triste situation, indigne des disciples de Jésus

 

Daniel Helminiak, s.j., Ce que la Bible dit vraiment de l’homosexualité,
Les Empêcheurs de penser en rond/ Le Seuil, novembre 2005, p 158-159.

 

 

Ainsi se conclut le chapitre que Daniel Helminiak consacre à l’étude de la Lettre aux Romains, dans laquelle certains croient voir l’argument essentiel à la condamnation de l’homosexualité dans le Nouveau Testament (Ro 1, 18-32)

D’après l’auteur, il n’est pas douteux que Paul parle des rapports homogénitaux entre hommes, mais contrairement à ce qu’on veut aussi y voir, ce n’est pas forcément pour les condamner.

Il serait trop long de reprendre ici tous les arguments de ce chapitre très documenté, mais retenons au moins que les mots grecs employés pour désigner l’homosexualité montrent que Paul n’envisage pas une condamnation morale mais font plutôt allusion au code de pureté que l’on retrouve dans la “loi de sainteté” du Lévitique, lorsqu’il s’agissait de montrer en quoi Israël, conscient d’être un peuple choisi parmi les autres, devait se distinguer des autres nations.

Ainsi le plan de la lettre aux Romains est-il très instructif pour comprendre ce que veut vraiment dire Paul.

Dans un premier temps, il parle aux chrétiens d’origine juive, ceux-là même qui connaissent ces lois de pureté et parfois ont la tentation de vouloir les imposer à l’ensemble de la communauté chrétienne. Le sujet de la circoncision est évité comme trop polémique mais celui de l’homosexualité, largement admise et pratiquée dans le monde grec et romain, est abordé parmi d’autres. Et Paul de montrer comment, oui, les moeurs des gentils sont différents des règles de pureté reçues d’Israël. On est dans le registre de l’impureté rituelle, pas dans celui du péché. L’argument principal de Paul – qui ne peut que plaire aux juifs, est : c’est parce que les hommes se sont détournés de Dieu que le péché est dans le monde. Et la longue liste des désordres cités, parmi lesquels l’homosexualité, n’en est que la conséquence. Ainsi Paul, flatte-t-il le sentiment de supériorité morale des Juifs. Les non Juifs ne reconnaissent pas la loi juive et donc ont, aux yeux des juifs de l’époque, des pratiques impures.

[Argument purement théorique puisque les juifs qui vivent dans l’empire connaissent très bien les moeurs des gens chez qui ils vivent et on ne peut pas imaginer qu’ils aient voulu les changer, ils s’en accommodaient.]

Mais, à partir du chapitre 9, il s’adresse aux chrétiens d’origine païenne, aux “nations”(Ro 11,13). Là aussi, il met en garde : il serait ben malvenu que l’olivier sauvage se moque de l’olivier d’origine sur lequel il est greffé. Il est un temps où une partie d’Israël est comme endurci et aveugle pour que l’ensemble de l’humanité puisse être sauvé (Ro 11,25). “Je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, de peur que vous ne vous preniez pour des sages.

Ainsi, invite-t-il à la modération. Car même si les gentils ne sont pas soumis aux lois des Juifs, tout n’est pas permis, tout n’est pas bon et il faut éviter la débauche. Mais il invite aussi à ne pas confondre l’acte d’idolâtrie (sacrifier aux faux dieux) et les usages sociaux : manger, boire avec les non-chrétiens, pouvoir acheter de tout ce qui se vend sur le marché (Ro 10,25) .

S’ensuivent de vigoureux et touchants appels à l’amour fraternel, au respect des différences, au non jugement. Qui es-tu pour juger un serviteur qui ne t’appartient pas ? demande saint Paul(Ro 14,4) car, précise-t-il encore, “Je le sais, j’en suis convaincu par le Seigneur Jésus : rien n’est impur en soi.Mais une chose est impure pour celui qui la considère comme telle” (Ro 14,14)

Notons qu’il n’y a plus aucune mention de l’homosexualité dans tous ces développements, Paul parle désormais de nourriture comme dans de nombreux autres endroits, puisqu’il semble que pour les premiers chrétiens la grande inquiétude morale soit de savoir si en mangeant avec des païens, ou même en mangeant des nourritures sacrifiées aux idoles, ils offensent Dieu et deviendraient idolâtres. Le Royaume de Dieu n’est pas question de nourriture répond Paul mais d’attachement au Christ. C’est tout le thème de la circoncision du coeur qu’il reprend aussi ailleurs et celui de la liberté fondamentale du chrétien qu’il développe aussi aussi en Corinthiens.

Bref, tout cela pour en arriver à cette simple proposition valable tant pour les juifs que pour les gentils : c’est l’adhésion au Christ seul qui justifie, il n’y a plus de loi nécessaire pour cela. Il n’y en a pas pour moi (je suis libre) et il n’y a pas plus pour mon frère que je n’ai pas à juger pour cela : lui-même a à s’accorder avec sa propre foi (Ro 14, 23).

Au passage, Paul aura montré que les reproches adressés aux gentils par les juifs peuvent s’appliquer également aux juifs, et que si il y a une obligation c’est bien de s’accueillir mutuellement les uns les autres comme le Christ nous a accueillis (Ro 15, 7).

Il n’y a plus de loi juive qui tienne. En Christ, les rites de pureté qui permettaient de se distinguer des païens n’ont plus lieu d’être. Ils séparent au lieu d’unir. Et donc l’homogénitalité, souillure des gentils citée parmi d’autres, du fait de leur méconnaissance de Dieu, n’a plus lieu d’être une raison de s’écarter d’eux. Paul ne faisait que rappeler aux Juifs leur code de pureté devenu maintenant inutile en Christ. Car, en Christ, rien n’est pur ou impur.

En Christ, il n’est plus de différence entre les êtres humains qui puisse justifier la séparation avec Dieu.