time

S’AIDER SOI-MÊME

 

Comment arrêter le temps : embrasser.

Comment voyager dans le temps : lire.

Comment s’échapper du temps : la musique.

Comment sentir le temps : écrire.

Comment libérer du temps : respirer.

 

Matt HaigReasons to Stay Alive (Raisons de rester vivant)

 

unrealray13
Sources photo : unrealray13 et fineartamerica

HappyMan

 

Avec la Toussaint, revoilà l’Evangile des Béatitudes (Mt 5, 1-12a).

Heureux les doux, heureux les purs, heureux les artisans de paix…

Ces déclarations de Jésus, sont reçues comme programmatiques par de nombreux chrétiens : Heureux, tu es fait pour être heureux! Promesse de bonheur pour toi, qui que tu sois. Promesse de bonheur pour toi même si tu pleures, si tu souffres, si tu es méprisé, si on dit du mal de toi à cause de moi…

Que de chrétiens se sont levés à l’annonce de ce programme ! Ils se sont levés et ont agi, non tant pas pour eux que pour les autres. Pour défendre la justice sociale, pour défendre la paix, pour défendre la dignité de l’homme, pour soulager toute souffrance, toute misère.

Pourtant, ce mot “heureux”, il n’est pas simple. A la vérité, il est dit au présent, à l’actif, là, pour maintenant. Et, en écrivant cet article,  pour qu’il me soit acceptable, j’ai dû le transformer en “promesse de bonheur” comme si c’était pour demain. J’ai déjà entendu des prédicateurs le traduire par ” Tu seras heureux , toi qui…” ou par ” Tu es fait pour le bonheur, toi qui…“.

Mince, alors, je suis fait pour le bonheur, je serai heureux mais ce n’est pas pour maintenant? Bon, on peut toujours dire – et c’est vrai ! – qu’aux yeux de Dieu , c’est maintenant et que s’abandonnant à son amour avec confiance, tu vas le goûter dès maintenant. Oui, mais, bon… L’injustice, la souffrance, la misère ? Là, je ne les rêve pas ; elles sont là aussi pour aujourd’hui !

Vraiment, quelle confiance en l’amour de Dieu ont eu ces pionniers qui, à cause de ces paroles de Jésus, se sont lancés dans la construction d’un monde meilleur pour tous ! Ils ont cru et ont mis en pratique que la béatitude est une promesse immédiate pour tous, sans exception !

Leur coeur et leurs tripes, quelque part, leur ont fait comprendre les mots transmis de Jésus dans l’esprit.

Car pour ce qui est de la transmission, la traduction française n’est, encore une fois, pas ou plus suffisante.

Le mot traduit par heureux vient du terme grec ‘makarios‘ qui effectivement n’est quasiment traduit que par les mots heureux ou bienheureux. C’est le sens du prénom Macaire, le bienheureux. Si l’on va plus loin, pour ce qui est de l’étymologie grecque, deux hypothèses existent concernant la racine du mot. L’une, la plus courante, propose de le rattacher au mot ‘makar‘, qui indique le bonheur dans le sens de ce qui plaît à Dieu (et donc aux hommes forcément !) Il y a ici une intéressante discussion relevant des expressions grecques, italiennes, espagnoles et même serbes, qui viendraient de cette étymologie.

Une autre hypothèse, s’appuyant sur la racine ‘mak‘, indique que le terme ‘mak-arios’ suggère l’idée d’être grand ou d’être élevé. ‘Arios‘ même racine que le dieu grec Arès, dieu de la guerre, pourrait alors désigner le combat. Le ‘makarios‘ est alors celui qui est grand, qui est élevé, par ou dans le combat. Il y a une idée de prestige, d’honneur , d’être distingué, dans cette acception-là

Notons que, même si elles ne s’appuient pas sur la même racine, les deux hypothèses ne sont pas incompatibles et qu’au contraire, elles enrichissent le sens du mot ‘macaire’.

Cela étant, cela ne suffit pas. Pour comprendre les “béatitudes”, probablement faut-il se rappeler que, même si les Evangiles ont été écrits en grec, ce n’était pas la langue de Jésus, et qu’il y a déjà là la traduction d’une tradition sémitique largement attestée dans la Bible, dans les Psaumes, les Proverbes et plein d’autres Livres.

Car des bénédictions dans la Bible, il y en a ! Or le mot hébreu que l’on traduit couramment par “heureux”, et probablement en grec par ‘macarios“, est ‘ashar‘. Et ‘ashar’, ah! ‘ashar’, c’est impossible de le limiter au mot ‘heureux’ ou ‘bien-heureux’, ‘ashar‘ contient l’idée de marcher, d’avancer, aller de l’avant. C’est donc une vision très dynamique du bonheur. Est heureux celui qui avance, celui qui marche. Et comme souvent dans l’hébreu biblique, cela est renforcé par une sorte de répétition comme dans le Psaume 1 ou le Psaume 118 :

 

Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants, qui ne suit pas le chemin des pécheurs, ne siège pas avec ceux qui ricanent, mais se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit !” (Psaume 1, 1-2)

Heureux les hommes intègres dans leurs voies qui marchent suivant la loi du Seigneur !
Heureux ceux qui gardent ses exigences, ils le cherchent de tout coeur !” (Psaume 118, 1-2)

Autrement dit et très maladroitement transcrit par moi :  “Ils marchent bien/droit, ceux qui marchent selon la voie du Seigneur.”

Celui qui est “heureux” c’est celui qui marche selon les voies du Seigneur et qui ne se laisse pas détourner du bon chemin. Il  va vers Dieu, il  vit avec Dieu, Dieu est avec lui ( ce qui ne veut pas dire que Dieu fait à sa place).

Mais pourquoi redire ce qui est très bien écrit par ailleurs, voici un un extrait d’un commentaire du Psaume 1 publié sur le site  interBible :

“Au point de départ, il y a un problème de traduction. Même si les évangiles ont été écrits en grec, Jésus n’a peut-être jamais utilisé le mot makarios. Quand il priait en hébreu, il utilisait le mot ashré. Or, l’hébreu a un sens beaucoup plus riche que le grec. Quand on dit de quelqu’un qu’il est heureux, on peut penser à deux aspects : l’état dans lequel il se trouve et la cause de son bonheur.

Le grec comme le français et l’ensemble des langues vernaculaires indiquent un état. L’hébreu indique la source du bonheur. Le passage d’une langue à une autre a affaibli la portée du mot heureux. Makarios, c’est le terme utilisé par les épicuriens pour désigner un état de bien-être. À la limite, ça peut indiquer un bonheur « à fleur de peau », selon l’expression un peu facile « d’être bien dans sa peau ». C’est le même mot pour exprimer le bonheur d’un petit chien à qui l’on donne la viande du Dr Ballard ! Est-ce juste cela que Jésus nous promet, « d’être bien dans sa peau »? Je suis heureux de faire une croisière. Je suis sur le bord d’un lac; il fait beau; je me la coule douce avec une petite bière près de mon hamac! Je suis makarios. Je suis en bonne santé; je viens d’acheter une nouvelle voiture; j’ai décroché un bon travail : je suis makarios. J’ai gagné à la loto, je suis makarissimos!

Ashré nous oriente sur une autre piste. Selon son étymologie, ashré signifie quelque chose qui est « droit ». Même en hébreu moderne, pour dire à quelqu’un d’aller tout droit, on utilise la même racine : Lakh iashar ! Parmi les mots de la même famille, on rencontre Ashéra, la déesse de la fertilité, dans le panthéon cananéen. Dans les temples dédiés à Ashéra, on érigeait un pieu sacré au sommet duquel était fixée la déesse. Juges 6,25 évoque justement ces fameux pieux sacrés contre lesquels se sont insurgés les juges et les prophètes.

Le bonheur, au sens hébraïque, prend sa source dans une vie droite. Il ne s’agit pas d’un vague bonheur épidermique, mais d’un bonheur qui découle d’une rectitude de vie. André Chouraqui, traduit « heureux» par « En avant » c’est-à-dire continue à marcher droit malgré les épreuves de la vie.”

(La suite sur interBible)

Les saints, ces témoins du bonheur.

Pas seulement d’une promesse de bonheur mais que le salut de Dieu est en marche, que le Royaume de Dieu se construit jour après jour, en ce moment-même, à travers toute action vraie,  selon une vie droite et juste.  Le témoin du bonheur ne siège pas au conseil des méchants (Ps 1), il marche sur la route des hommes, témoin de l’amour de Dieu dans l’ici et le maintenant. Il va de l’avant et entraîne les autres. La gloire de Dieu est déjà sur lui, même si ni lui ni personne le la perçoit ainsi.

Allez,  les marcheurs, en avant, tous !

C’est la Tous-saint !

Joshua-Aaron_How Great is our God _ Gadol Elohai 5

GADOL ELOHAI par Joshua Aaron

Il est grand notre Dieu – chantez avec moi
Il est grand notre Dieu – et tout le monde verra
Comme il est grand  notre Dieu.

 

Son Nom est au-dessus de tout nom
Digne de toute louange
Mon coeur chantera comme il est grand notre Dieu

 

Magnifique chant interprété en hébreu par Joshua Aaron, avec ce talent propre aux judaïsants de savoir concilier des paroles simples issues de la Bible, une créativité musicale et artistique et une ambiance de prière.

גדול אלוהי
שירו
כי גדול אלוהי
כל אחד יראהכי גדול אלוהי 

שם מְעַל כל שם
אותך ראוּי
להלל
ליבי ישיר כי
גדול אלוהי

Gadol elohai Shiru ki gadol elohai
Kol echad yirei
Ki gadol elohai 

Shem me’al kol shem
Otcha raui le’halel
Libi yashir ki gadol elohai

A vrai dire, il semble bien que Joshua Aaron se soit inspiré d’une chanson de Chris Tomlin, “How great is our Lord” qui avait reçue en 2006 la distinction de “Chanson de l’Année” par le GMA Dove Awards, une grande manifestation américaine visant à mettre en valeur et faire connaître les compositions musicales d’inspiration chrétienne.

Dans une interview paru sur le site songfacts le chanteur chrétien explique comment lui est venue l’idée de cette chanson alors qu’il méditait le psaume 104 (103 dans la version catholique). L’ensemble du chant qui comprend en fait de nombreux couplets est un hymne à la louange de Dieu, construites avec de nombreuses références bibliques principalement tirées des psaumes. Mais, pas seulement. On trouvera les paroles de la chanson de Chris Tomlin ici, avec les références bibliques de chaque couplet (attention pour les Psaumes, il s’agit de la numérotation anglo-saxonne : Psaume 104, c’est Psaume 103 pour nous !).

Pour écouter la chanson de Chris Tomlin, c’est ici (sur Jango) ou là (sur youtube avec les paroles en prime).

Pour ce qui concerne nos deux couplets, voici les références bibliques en anglais :

How great is our God – sing with me
How great is our God – and all will see
How great, how great is our God  (Exodus 18:11, 2 Chronicles 2:5, Psalm 48:1, Psalm 86:10, Psalm 95:3, Psalm 96:4, Psalm 104:1, Psalm 135:5, Psalm 145:3, Psalm 147:5, Psalm 150:2, Job 36:26)

Name above all names (Acts 4:12, Ephesians 1:21, Philippians 2:9-11)
Worthy of all praise (1 Chronicles 16:25, Psalm 18:3, Revelation 4:11, Revelation 5:12)
My heart will sing (Psalm 30:12)
How great is our God

Revenons à Joshua Aaron. Qu’il se soit inspiré des paroles de la chanson de Chris Tomlin semble évident puisqu’il s’agit d’une compilation originale qu’il reprend telle quelle, mais la traduction, la musique, les arrangements, l’interprétation, c’est lui, et cela reste un travail étonnant.

Par curiosité, pour vous convaincre de son talent, allez laisser traîner vos oreilles sur la playliste où l’on trouve ses autres chansons, ici sur youtube. Joshua Aaron a également été distingué, en 2015, l’Independent Music Award pour sa chanson “You are Holy”. J’aime particulièrement Kadosh Ata, Hoshiana ou dans un autre style ” All is well”, “He’s Coming Again” et “Salvation is your name” pour lequel Johua Aaron nous explique (en anglais) comment lui est venue cette chanson. Alors qu’il était en vacances en Israël à l’occasion de Yom Kipour, il s’est retrouvé dans une synagogue orthodoxe et a été saisi par la répétition du mot… IeshuaIeshua…prenant tout à coup conscience que ce mot veut dire Salvation (Salut). Waouh, le choc pour le bon juif pieux : Ieshua veut dire Salvation. De retour vers les Etats-Unis, il laisse ce mot retentir en lui, devenir prière, puis chanson. C’est ici.

Ieshua, c’est le nom juif de Jésus. Son nom est ‘Salut’ ou ‘le Sauveur, celui qui Sauve. Et les prophètes de la Première Alliance n’ont de cesse de proclamer que Dieu sauve, son nom est celui qui sauve son peuple. Alors, oui, il est grand le Dieu d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob. Le Dieu de Jésus.

Il est grand notre Dieu – chantez avec moi
Il est grand notre Dieu – et tout le monde verra
Comme il est grand  notre Dieu.

 

Son Nom est au-dessus de tout nom
Digne de toute louange
Mon coeur chantera comme il est grand notre Dieu

Gadol elohai Shiru ki gadol elohai
Kol echad yirei
Ki gadol elohai

 

Shem me’al kol shem
Otcha raui le’halel
Libi yashir ki gadol elohai

 

lever-le-regard

L’aveugle jeta son manteau,
bondit et courut vers Jésus.

(Marc  10,50)

 

Décidément Bar-Timée,  tu nous donnes à voir,
toi l’aveugle,  tu nous montres le chemin
qui nous fait passer de l’ombre à la lumière !

 

Il jeta son manteau…

Bon, nous l’avons déjà dit, il ne s’agissait probablement pas d’un manteau, mais d’un simple vêtement en forme de drap pour couvrir le corps. Mais en plus, il le le jeta ? Non, il ne le jeta pas. Je vois bien que pour la traduction française, ça sonne mieux et ça donne du peps au texte. Mais ça n’est ni logique avec le reste du texte ni le sens possible.

Certes le terme ‘apoballo‘ peut se traduire par le verbe “jeter” mais ce n’est pas dans l’idée du geste d’envoyer au loin, comme on pourrait le concevoir dans une des acceptions du mot français. Ici, il s’agit littéralement de “laisser tomber” : ‘apo‘ indique la séparation, et ‘ballo‘ l’idée d’éparpiller, donner sans savoir où ça va, de répandre, comme on verse de l’eau ou comme se répand un fleuve. On pourrait donc le traduire aussi par les termes : abandonner, lâcher, laisser-là. Ce “jeter”-là est à entendre comme un jeter à la poubelle, un “laisser” à la poubelle. Laisser-là le vêtement désormais inutile. L’aveugle lâche littéralement son vêtement. Pour… bondir ?

 

je-bondirai

Lâchant-là son vêtement, il bondit vers Jésus.

Il bondit. ‘Anapēdēsas‘, du verbe ‘eispédaó‘. Ce mot aussi doit retenir notre attention, car il n’est employé que trois fois dans le Nouveau Testament. Cette référence est le seul emploi dans les Evangiles, les deux autres occurrences se trouvent dans le Livre des Actes des Apôtres (Act 14,14 et Act 16,29). A chaque fois, l’idée est la même, celle d’un surgissement, de jaillir, de sauter (‘pédaó‘) vers/sur/pour (‘eis‘). Certains commentateurs rabbiniques lisent la préposition ‘eis‘ comme la marque de la présence de Dieu. Utilisé ici comme préfixe, il dit également quelque chose, de la présence de Dieu  : sauter dedans, sauter vers. Compris ainsi, c’est mû de l’intérieur et “poussé vers”, ou “attiré par”,  un extérieur que l’aveugle saute. Instantanéité, plus qu’impulsivité. Une évidence. Comme un pôle aimanté irrésistiblement attiré par l’autre.

Il bondit.
Il est propulsé.
Libéré de son cache misère,
Il est fait pour Dieu,
Alors, il bondit,
Ce n’est même pas un geste volontaire.
C’est un acte de libération,
Suscité par les mots des apôtres :
« Confiance, il t’appelle ».

Il t’appelle.
Là, aux portes de Jéricho,
La ville de l’entrée en la Terre Promise.

Il te connaît,
Il se souvient,
Il se souvient de t’appeler,
Il t’appelle.

Tel que tu es.

Alors que veux-tu ?

– Rabbouni que je lève le regard de nouveau.

 

quejevois

Anablepo‘. Certes voir, discerner, comprendre, découvrir (‘blepo‘) mais ‘ana-blepo‘, voir parmi les choses, savoir voir l’essentiel en quelque sorte. Ce qui fait que le verbe ‘anablepo‘ est souvent traduit ailleurs par lever ‘lever les yeux‘. Jésus lève les yeux vers le ciel (Mt 14,19 ; Mc 6,41; Mc 7,34 ; Lc 21,1), et au matin de la Résurrection, levant les yeux (Marc 16,4), les femmes voient que la pierre est roulée.

Alors, oui, le mot ‘anablepo‘ est utilisé chaque fois qu’un aveugle recouvre la vue. Mais il s’agit bien plus que de voir, il s’agit de ‘lever les yeux‘ vers l’Unique, le seul qui ait besoin d’être vu.

Que je lève de nouveau le regard, Seigneur,
vers Toi, l’Unique,
le sens de ma vie,
le sens de toute vie.

Que ma vie qui vient de toi
soit orientée vers toi.

Seulement, cela.

 

* * *

Laissant-là son vêtement, l’aveugle surgit à Jésus

Ho de apobalōn to himation autou anapēdēsas ēlthen pros ton Iēsoun.

* * *

Si le Maître t’appelle
es-tu prêt à tout laisser
et à surgir de toi-même à toi-même,
Libéré de tes entraves
retrouvant tout à coup,
tout à la fois,
ton origine
et ta visée (vision) divine ?

 

***

Lève les yeux, regarde au delà,
fille de Sion,
Le Seigneur, en avant de toi,
toujours te prépare le chemin.
Lève les yeux, réjouis-toi,
car le Seigneur est en toi !

 

 

Z- 26/10/2015

manteau

 

L’aveugle jeta son manteau,
bondit et courut vers Jésus.

(Marc  10,50)

 

Il jeta son manteau…

‘Himation’. C’est le mot grec que la traduction liturgique a pudiquement traduit par  « manteau ». Voilà un terme qui est employé 59 fois dans le Nouveau Testament, et  qui est traduit la plupart du temps par le mot vêtement, au singulier ou au pluriel. ‘Himation’ est notamment employé pour désigner le vêtement de Jésus dans l’épisode où une femme touche son “vêtement”,  mais également lors de la Transfiguration quand ils deviennent  « resplendissants », ou lorsque qu’on le  dépouille avant la crucifixion.

himation

Certains avancent que le mot ‘himation’ serait un dérivé de ‘ennumi’ (mettre dessus). Cet argument ne suffit pas à traduire le mot himation par manteau car tout vêtement est mis par-dessus le corps. Il n’est d’ailleurs jamais traduit de la sorte dans ses autres emplois, sauf en Mt 5,40 parce que dans le même verset un autre mot désigne la tunique portée sur le corps : ‘chiton‘: si on veut prendre ta tunique ( ton habit de dessous), donne ton vêtement en plus (ton habit de dessus) – à quoi pourrait-il donc servir de plus !  – Il existe d’autres mots grecs pour désigner un vêtement qui serait mis par-dessus les autres, un manteau. Ces termes sont également connus des évangélistes : par exemple, ‘chlamus’ (Mt 27) pour désigner le vêtement dont on recouvre Jésus lors de la Passion, ou en 2Ti 4, 13, le mot ‘phelones’  employé par saint Paul pour désigner le précieux manteau de voyage qu’il  aimerait récupérer.

Mais on trouve également le mot  ‘himastimos’, qui pourrait avoir la même racine, ‘himatizo’, recouvrir, se vêtir, et désigne une tunique qui touche  et recouvre directement la peau.

 

himation2

Bref, si l’aveugle jeta son vêtement, il était nu.  A moins qu’on imagine qu’il porte encore un caleçon sous sa tunique, ce qui n’était pas l’usage du temps, comme attesté en d’autres endroits de l’Evangile. D’autant que nous n’avons pas, là, affaire à un notable distingué dans ses vêtements et parures.

 

Bref, si l’aveugle jeta son vêtement, il était nu.
C’est nu qu’il bondit vers le Seigneur.

 

Dans sa nudité, il bondit,
Dans sa nudité, il court vers Jésus,
Dans sa nudité, il se reconnaît aveugle
Dans sa nudité, il demande à voir.

 

Avant cela, il est habillé socialement
Par son handicap, par son métier de mendiant,
Par le regard que lui renvoient les autres,
y compris celui des apôtres,
Par le regard qu’il a sur lui-même, sans doute,
puisqu’il n’a pas, de prime abord,
l’énergie de bondir de lui-même vers Jésus…

Mais si le Maître appelle,
si enfin la vérité peut se faire
et que justice nous soit rendue,
alors il faut aller, bondir,
nu, comme on est.
Quelle importance ?

 

Seigneur, tu me connais.
Je n‘ai rien à cacher,
Tu sais tout de mes aveuglements,
De mes handicaps,
De la vérité  sur moi-même
que je ne connais pas
ou que je n’accepte pas encore,
Je n’ai rien à cacher

Si tu me dis : viens,
J’accours.

 

Nu.
Tel que je suis.

 

Nu,
Tel que tu m’as créé.
Nu tel que tu m’aimes.

Tel que tu me libères,
tel que tu me restaures
dans la dignité

Foin de ces apparats
et de tous ces faux habits.

Nu
Devant toi,
aucune importance.

Appelle-moi, Seigneur.

 

 

Z – 25 oct 2015