Je reproduis ci-dessous quelques extraits d’un commentaire fait par une blogueuse sur le livre de Krzysztof Charamsa intitulé La première pierre – Moi, prêtre gay, face à l’hypocrisie de l’Eglise. Je ne commenterai pas le livre lui-même puisque je ne l’ai pas lu et, à vrai dire, n’ai pas envie de le lire tellement je suis déjà à peu près certain de ce que je trouverais dedans. Le père Charamsa, comme ouvrier qualifié du Vatican connaissait l’hypocrisie qu’il dénonce aujourd’hui et probablement s’en est-il satisfait un temps. Cet étrange paradoxe maintes fois relevé et étudié par les psychologues, qui fait qu’on est à la fois victime et complice du forfait…

Las ! Ce n’est même pas de l’hypocrisie dénoncée que j’ai envie de parler. La blogueuse de graine de moutarde exprime assez bien ce qu’il faut en penser. Non, ce qui m’interpelle, ce sont les deux questions sous-jacentes à son commentaire : d’une part, celle d’ouvrir le clergé aux sciences humaines et aux réalités d’aujourd’hui et, d’autre part, d’enfin oser une théologie qui prenne en compte ces nouvelles informations sur l’humanité et son évolution.

D’où ma propre question : à quand la théologie se saisira-t-elle de ce dossier à nouveaux frais ? C’est une question de vérité mais aussi de charité spirituelle. Tant de croyants – des jeunes et des vieux, des laïcs et des religieux, des hommes et des femmes – tant de chrétiens sincères se sentent perdus, abandonnés, rejetés, dévalorisés du fait de leur orientation sexuelle alors que le message chrétien est que depuis la Résurrection, il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus (Galates 3, 28).

Je ne sais pas si le péché originel, la loi naturelle et tutti quanti sont les concepts prioritaires à revisiter (comme le suggère notre amie blogueuse) mais il est certain que si nous ne sommes pas condamnés par le Christ à cause de notre orientation sexuelle, l’Eglise usurperait son pouvoir si elle le faisait à sa place.

Si nous ne sommes pas condamnés par le Christ à cause de l’orientation sexuelle, comment intégrer cette dimension dans la vie spirituelle ? Comment “c’est” quand on arrête d’avoir une vie spirituelle “malgré” l’homosexualité et qu’on peut la peut déployer “avec” cette dimension intégrée, acceptée et valorisée dans sa personnalité ?

Que ce soit aux niveaux théologique, spirituel ou pastoral, c’est un énorme chantier où seuls quelques précurseurs ont osé se risquer dans la sphère francophone de l’Eglise. Sur ce plan-là, la théologie nord-américaine est bien plus en avance, et notamment dans les églises de tradition protestante.

A défaut de recherche, on pourrait au moins traduire et publier en français les meilleurs ouvrages sur ce sujet. Cela rendrait service aux pasteurs et accompagnateurs d’aumônerie qui agissent avec un coeur sincère. Qu’attendent donc nos éditeurs francophones?

A quand la théologie…

Z – 8/5/2017

“Ce qui m’a frappé dans le livre de K. Charamsa, c’est vraiment la dénonciation d’un système qui pousse les catholiques homosexuels à nier une part de leur identité, à intégrer totalement cette homophobie institutionnalisée. Cela m’a rappelé plusieurs conversations avec des amis concernés, d’ailleurs, qui ont tous passé le cap du coming-out un jour ou l’autre mais ont également ressenti cette pression parfaitement intériorisée – qui poussait un certain nombre d’entre eux tant à vivre des relations hétérosexuelles parfaitement douloureuses, qu’à envisager le sacerdoce qui leur permettrait de sublimer ce qu’ils considèrent comme des pulsions irrémédiablement peccamineuses. (…)

Et comme tout système de ce type, il est bien entendu nié par ceux-là même qui l’entretiennent, et, sans doute sincèrement, ne mesurent pas ce qu’ils imposent, voire estiment œuvrer au bien commun. L’autre constat terrible est le refus de l’Église de lire les travaux qui démontreraient qu’une partie de son discours sur l’humain est erronée ; les passages sur la manière dont la Congrégation pour la doctrine de la foi les envisage, sur comment ses membres plaisantent d’une littérature de toutes façons sulfureuse qui provoquerait le soupçon sur eux s’ils s’avisaient de la travailler ouvertement, révèlent ce qui est sans doute l’un des plus grands scandales de l’Église d’aujourd’hui : sa fermeture intellectuelle.

J’ai quelques regrets. K. Charamsa est un théologien, et j’aimerais éventuellement qu’il s’empare de son sujet sous cet angle. Il dénonce ici des faits, il décrit des souffrances et une libération, mais il ne traite pas du sujet de fond que serait la lecture catholique de l’homosexualité (et tout ce qu’elle implique de vision de la personne, du péché, de la « loi naturelle » etc.). Ce n’était pas son objet.”

Source texte cité : grainedemoutarde.wordpress.com

Source photo : medias-presseinfo

L’article suivant parle du rapport publié sous la direction de J.M. Bailey, en mai 2016 sous le titre « Orientation sexuelle, controverses et science ». J. Michael Bailey est psychologue et professeur a la Northwestern University, il pense pouvoir démontrer qu’une composante génétique est un facteur parmi d’autres qui prédispose à telle ou telle orientation sexuelle. Le rapport fait l’état de l’ensemble des connaissances actuelles sur le sujet et montre que l’on ne choisit pas son orientation sexuelle.

Dans toute culture, souligne le rapport, un petit pourcentage de gens éprouvent des attirances « non hétérosexuelles » qu’il ne faut donc pas confondre avec leur expression sociale qui varie beaucoup selon les normes en vigueur de chaque société.

Des « évidences scientifiques » suggèrent que des facteurs biologiques, incluant des influences hormonales ou des profils génétiques, contribuent à l’orientation sexuelle, bien qu’ils ne soient pas les seules causes. Par ailleurs, des études contredisent l’idée que l’orientation sexuelle puisse être acquise d’une manière ou d’une autre : les enfants adoptés par des couples homos, par exemple, ne manifestent pas de plus grande préférence homosexuelle que le reste de la population.

Selon les auteurs du rapport, ces premières conclusions font consensus parmi les chercheurs. Mais d’autres questions sont plus controversées. Alors que J.M. Bailey décrit l’orientation sexuelle comme clairement polarisée (entre gay, lesbienne, hétérosexuel, bisexuel), certains chercheurs comme Ritch Savin-Williams, autre spécialiste de la question, soutiennent que l’orientation sexuelle est plutôt distribuée selon un continuum.

La question de savoir si les gens peuvent choisir ou non leur orientation sexuelle est abordée à la fin du rapport. À ce sujet, les auteurs distinguent nettement l’attirance sexuelle et les pratiques réelles, la première ne concordant pas toujours. L’attirance étant fondée sur le désir, il n’est pas vraiment possible de « choisir » ses désirs. Selon J.M. Bailey, la question sensible du « choix » est faussée par une confusion entre les positions morales et les connaissances scientifiques.

Jean-François Dortier
Sciences Humaines n° 284 – août-septembre 2016

Source texte : www.scienceshumaines.com

Source photo : Je suis gay et musulman, documentaire de Chris Belloni sur la situation des personnes homosexuelles au Maroc.

“Si le règne de Dieu continue de faire irruption dans notre monde, on doit le remarquer. Percevoir le royaume de Dieu ne signifie pas connaître le temps ou le lieu de sa venue. La connaissance qui compte ici n’est pas informationnelle (Où? Quand?) ni théorique (Qu’est-ce exactement, le Royaume?). Les préoccupations concernant le moment où se manifestera le règne de Dieu détournent notre attention de la réponse pratique à l’urgente invitation à y entrer.

L’horizon du Royaume de Dieu nous invite à prêter attention d’une nouvelle manière à l’expérience ordinaire. (…) Certes, une interprétation adéquate est nécessaire, mais il faut d’abord que quelque chose se passe dans l’expérience pour qu’on l’interprète. La perception fondée sur cette espérance nous ouvre à ces temps extraordinaires où Dieu prend des initiatives particulières dans la vie des individus et des communautés.”


William C. Spohn
, Jésus et l’éthique.

Le Royaume est déjà là…

Et voilà, ne pas chercher de-ci de-là, ne pas attendre de l’extérieur, ne pas dire “le voici, le voilà” et agir comme ces enfants jamais contents qui disent tantôt oui tantôt non, jouent de la flûte et pleurent à la fois du même objet.

Le Royaume est déjà là, et c’est dans nos vies qu’il se manifeste.

Alors je poursuis ma réflexion sur le possible rapport entre la spiritualité chrétienne et l’homosensibilité. Je me demande en quoi l’expérience de l’homosensibilité apporte quelque chose de nouveau à l’humanité et si je suis bien disposé à laisser cela advenir.

Tant de peurs, tant de résistances, tant de conditionnements à défaire pour pouvoir être soi, pour laisser l’Être advenir et se déployer. Et qu’est-ce que le Royaume de Dieu sinon l’espace et le temps où il peut exercer son Règne, l’espace et le temps où je le laisse être en moi, où je me laisse être et porter par Lui?

Je ne l’ai pas choisi. Je suis loin d’avoir imaginé ce qui arriverait. Longtemps il m’a semblé que c’était une sorte de malentendu. Mais si malentendu il y avait, il n’était qu’avec moi-même. La vérité est que la recherche du Royaume, m’a amené à accepter l’homosensibilité et, ce faisant, a entraîné une révolution intérieure qui n’est pas terminée et qui refonde complètement ma vie spirituelle.

Dans l’expérience d’être gay, si elle est libre et acceptée comme un don de Dieu, il y a tellement à découvrir. J’imagine bien que ces propos ne sont pas acceptables pour tous, beaucoup ne sont ni prêts ni préparés à les recevoir et jugent plus commode de rejeter en bloc ce qu’ils ne savent pas encore imaginer, ce qui leur est étranger et leur apparaît comme inconcevable.

Je ne sais plus qui a dit que ne pas concevoir quelque chose, c’est faire preuve de manque d’imagination. Pour ceux qui n’ont pas cette imagination et qui se défendent en arguant que c’est parce qu’ils ne veulent pas en avoir, cela doit être déjà bien triste.

Peu importe. Le Règne de Dieu est là, le ferons-nous attendre? Il ne nous est pas extérieur, il est en nos vies quand elles chantent la grandeur et la beauté de l’existence sans s’emmêler dans les conformismes ambiants. Le Règne de Dieu, c’est cet élan de liberté et de beauté à la fois qui fait grandir et rend si fort que, même face à la mort, on ne pourrait revenir en arrière.

Non je n’ai pas choisi d’être homosensible. Je l’ai refusé, refoulé, renié autant que j’ai pu et j’ai cru être un bon chrétien en faisant cela. Or, je découvre que c’est dans cette dimension que le Christ m’attendait, qu’il était dans cette part d’humanité et qu’il m’y aimait tendrement alors que moi je ne m’aimais pas. Je me fuyais et le fuyais en même temps.

Y a-t-il une spiritualité gay ?

J’en viens à cette question qui m’habite depuis quelque temps et pour laquelle je n’ai pas encore de réponse : y’a-t-il une spiritualité gay ?

On peut penser que non car le Christ est le même pour tous et englobe toute l’humanité, on peut le penser d’autant plus que la tendance naturelle des homosexuels croyants semble être d’insister sur le fait que rien ne les distingue des autres humains. Mais en même temps, en découvrant et en acceptant mon homosexualité, sans rougir et sans honte, en tant que chrétien, je découvre une profondeur et une richesse dans ma vie dont je m’étais privé. Des portes s’ouvrent sur le sens de mon existence, le sens de l’amitié du Christ pour moi et pour tout homme, sur la manière dont Dieu me parle et m’aime. Il semble qu’il y ait des thématiques qui me touchent davantage ou autrement qu’en me pensant hétéro, et elles me touchent parce qu’elles fondent, parce qu’elles m’ouvrent à un espace intérieur insoupçonné jusque là. Parmi ces thématiques, celle du Retour à soi et à l’Être, celle de l’amitié et de l’Ami Idéal, celle de la communion des coeurs, celle de la beauté ressentie qu’elle soit humaine, esthétique ou artistique, etc.

Si le Royaume est déjà là au coeur de nos expériences, pour moi il prend la forme de l’acceptation de l’homosensibilité et de l’ajustement de ma vie intérieure à cette réalité. Je repose alors ma question : y a-t-il une spiritualité spécifique aux gays ? Y a-t-il une manière spécifique d’être en relation avec le Créateur par le fait d’être gay ? Un chemin intérieur, et spirituel, spécifiques? Si oui, est-il déjà formalisé quelque part? Faut-il approfondir cette voie?

J’aime poser des questions. 🙂

Z – 24/01/2017

Source photos : el beso et los manos sur cristianosgay.com